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TVA sur marge : un premier revers pour l’Administration

TVA sur marge : un premier revers pour l’Administration

Depuis la réforme de 2010, l’article 268 du code général des impôts1 prévoit pour les ventes de terrains à bâtir effectuées par un assujetti et imposables de plein droit à la TVA et les mutations d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans qui y sont soumises en raison d’une option formulée par le vendeur2, que l’assiette de la taxe est limitée à la marge si l’acquisition du bien vendu n’a pas ouvert droit à déduction.

Dans ses premiers commentaires3, l’administration fiscale entendait limiter le régime d’imposition sur la marge à la cession de biens revendus sous la même qualification juridique (terrain à bâtir ou immeuble achevé depuis plus de cinq ans) que celle de l’acte d’achat.

Cette approche restrictive n’apparait pas à l’évidence guidée par l’analyse du texte communautaire.

L’administration fiscale a récemment développé une nouvelle exigence en subordonnant également l’application de l’article 268 du CGI à un maintien des caractéristiques physiques du bien cédé.

Ainsi et pour ne reprendre que cet exemple issu de la réponse ministérielle Savary4, la simple division d’un terrain à bâtir acquis en vue de la revente par un aménageur ou un lotisseur aurait pour conséquence d’écarter lors de la cession l’application du régime de la marge.

Les raisons pour lesquelles cette analyse restrictive est selon nous contraire aux dispositions en vigueur ont été précédemment développées5.

Dans un jugement rendu par le Tribunal administratif de Grenoble le 15 novembre 2016, qui à notre connaissance constitue la première décision relative à des rappels délivrés sur le fondement de la doctrine précitée, l’analyse de l’administration fiscale a été écartée de manière nette.

Dans cette affaire, la société requérante avait procédé à l’acquisition de deux immeubles bâtis chacun muni de son terrain d’assiette dont elle avait extrait des parcelles de terrains à bâtir ultérieurement revendues sous régime de la marge. Le prix de revient avait été déterminé par affectation à chacune des parcelles revendues d’une fraction du prix d’achat initial.

Après avoir rappelé les dispositions applicables, le Tribunal souligne que « l’application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge en matière de livraison de terrain à bâtir est conditionnée au seul fait que l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ». Il ajoute que « contrairement à ce que soutient l’Administration, il ne ressort pas de ces dispositions que le terrain revendu comme terrain à bâtir doive nécessairement avoir été acquis comme terrain n’ayant pas le caractère d’immeuble bâti ». Ainsi selon le juge, la revente après division de terrains à bâtir issus d’acquisitions portant sur des immeubles bâtis et leur terrain d’assiette ne fait pas obstacle à l’application de l’article 268 du CGI.

Le Tribunal se réfère, pour définir les modalités de détermination de la marge, aux règles applicables avant le 11 mars 2010 et précise que « dans le cas de revente par lots d’un immeuble acheté en une seule fois pour un prix global, chaque vente de lot constitue une opération distincte à raison de laquelle le vendeur doit acquitter une taxe calculée sur la base de la différence entre, d’une part, le prix de vente de ce lot et, d’autre part, son prix de revient estimé en imputant à ce lot une fraction du prix d’achat global de l’immeuble ».

Reprenant les principes antérieurement retenus par le Conseil d’Etat et la doctrine administrative en vigueur avant la réforme7, le juge souligne « qu’il appartient au contribuable de procéder à cette imputation par la méthode de son choix, sous réserve du droit de vérification de l’administration sous le contrôle du juge de l’impôt ».

Ce jugement apporte ainsi une première réponse au contentieux initié sur fondement de la doctrine administrative et écarte sans ambiguïté les conditions d’identité juridique et physique des biens acquis et revendus que tente d’imposer l’Administration.

Espérons que le Ministre de l’Economie et des Finances dont l’attention vient d’être à nouveau attirée par les parlementaires sur cette difficulté saura saisir l’opportunité qui lui est ainsi offerte de revenir sur sa position restrictive8.

Lire également : Réforme des règles de TVA et de droits de mutation des opérations immobilières : quel bilan 10 ans après ?

 

Notes
  1. Issu de la loi du 9 mars 2010 et transposant l’article 392 de la Directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006
  2. Article 260-5° bis du Code Général des Impôts
  3. Instruction du 29 décembre 2010 BOI 3A-9-10, n° 68 reprise au BOI-TVA-IMMO-10-20-10 n°20
  4. Question n° 94538, JO AN du 20 septembre 2016, page 8514
  5. Voir Lexplicite 6 octobre 2016 par Gaétan BERGER-PICQ.
  6. Requête n° 1403397, 7ème Chambre
  7. Voir notamment arrêt du 21 mars 1986, n°s 42923 et 43479, 7ème et 9ème sous-sections – RJF 5/86 n° 476 et documentation administrative de base 8-A-4211, n° 10, à jour au 15 novembre 2001.
  8. Voir question posée par le Député Richard FERRAND, n° 101.886, JO AN, 10 janvier 2017.
Auteur

Patrick Danis, Avocat associé spécialisé en matière de TVA

 

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