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Vers un contrôle judiciaire des prix dans les contrats d’affaires ?

Vers un contrôle judiciaire des prix dans les contrats d’affaires ?

Les trois derniers avis de la Commission d’Examen des Pratiques Commerciales (CEPC) et l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 1er juillet 20151 laissent-ils présager une plus grande immixtion du juge commercial dans les contrats d’affaires pour en apprécier le niveau de prix notamment ?

La cour d’appel de Paris avait déjà considéré que le juge pouvait valablement apprécier le niveau d’un prix au regard de l’article L 442-6-I-2° du Code de commerce qui sanctionne la soumission d’un partenaire commercial à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties si les «conditions commerciales (sont) telles que (le partenaire) ne reçoit qu’une contrepartie dont la valeur est disproportionnée de manière importante à ce qu’il donne2».

Dans ses trois derniers avis qui portent successivement sur la possibilité de réviser le taux de rémunération d’un apporteur d’affaires qui serait nettement supérieur à celui en usage dans le secteur3, sur les conditions de révision du prix d’un abonnement mensuel acquitté au titre de prestations de conseil et reposant sur l’application d’une clause d’indexation4, et enfin sur la prévision dans des contrats d’un barème de remises de fin d’année se déclenchant à partir d’un certain seuil de chiffre d’affaires annuel hors taxes5, la CEPC a estimé que ces trois situations étaient susceptibles de contrevenir à l’article L. 442-6-I-1° du Code de commerce qui prohibe les avantages sans contrepartie, mais également, «lorsqu’une telle rémunération est constitutive d’un déséquilibre significatif qui résulte d’un comportement consistant à soumettre un partenaire commercial», à l’article L. 442-6-I-2° du même Code.

Pour qu’il en soit ainsi encore faut-il que les deux éléments constitutifs du manquement soient cumulativement réunis, à savoir :

  • la «soumission», c’est-à-dire «un comportement consistant à « soumettre ou tenter de soumettre », que la cour d’appel de Paris identifie au fait «d’imposer» (Paris, Pôle 5, ch. 5, 23 mai 2013, n°12/01166) ou encore de «faire peser ou tenter de faire peser sur un partenaire commercial, du fait du déséquilibre du rapport de force existant» (Paris Pôle 5, ch. 4, 1er octobre 2014, 13/16336)».
  • le déséquilibre, si les «conditions commerciales (sont) telles que (le partenaire) ne reçoit qu’une contrepartie dont la valeur est disproportionnée de manière importante à ce qu’il donne» (Paris, Pôle 5, ch. 5, 23 mai 2013, n°12/01166).

Très récemment cette solution a été appliquée par la cour d’appel de Paris dans une affaire GALEC à propos des ristournes de fin d’année insérées dans les contrats de ce dernier.

La cour d’appel de Paris a ainsi rappelé le 1er juillet dernier que «si le juge judiciaire ne peut contrôler les prix qui relèvent de la négociation commerciale, il doit sanctionner les pratiques commerciales restrictives de concurrence et peut annuler les clauses contractuelles qui créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, même lorsque ces clauses sont relatives à la détermination du prix, et ce en application des dispositions de l’article L. 442-6 I 2°du code de commerce qui sanctionne tout déséquilibre contractuel dès lors qu’il est significatif».

Selon la Cour «la loi a entendu permettre un contrôle par l’Administration du prix négocié par comparaison avec le tarif du fournisseur et du respect de l’équilibre contractuel».

Elle confirme ainsi la possibilité pour le juge commercial de contrôler le niveau d’un prix ou d’une réduction de prix sur le terrain du déséquilibre significatif dans les droits et obligations entre les parties, notion empruntée au droit de la consommation dont les contours restent pourtant très flous. Selon la Cour un déséquilibre peut s’inférer de la simple constatation d’un déséquilibre dans les rapports de force (ici le déséquilibre notoire des relations fournisseurs – distributeurs) et du constat que les contrats sont signés sans modification apportée par la partie «dominée». Il n’est alors pas nécessaire de rapporter la preuve de l’exercice d’une soumission. Dans ces conditions, l’immixtion du juge dans les contrats d’affaires sera sans doute favorisée.

Notes

1 Cour d’appel de Paris, (Pôle 05 ch. 04) 1er juillet 2015 D. ; D. c/ Société GALEC Société Coopérative Groupement d’ Achats
2 Paris, Pôle 5, ch. 5, 23 mai 2013, n° 12/01166
3 Avis n°15-21 relatif à une demande d’avis d’un professionnel concernant l’application de l’article L442-6 du Code de commerce au secteur d’activité du conseil aux entreprises – 23/06/2015
4 Avis n°15-22 relatif à une demande d’avis d’un professionnel sur la validité des conditions de révision du prix d’un abonnement – 23/06/2015
5 Avis n°15-24 relatif à une demande d’avis d’une société d’ingénierie industrielle sur une pratique contractuelle au regard de l’article L442-6-I, 1° du Code de commerce – 25/08/2015

 

Auteur

Nathalie Pétrignet, avocat associée, spécialisée en matière de droit de concurrence national et européen, pratiques restrictives et négociation commerciale politique de distribution et aussi en droit des promotions des ventes et publicité.

 

Vers un contrôle judiciaire des prix dans les contrats d’affaires ? – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 24 septembre 2015
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