De la loi PACTE à la loi Climat et résilience : des obligations de plus en plus renforcées à charge des entreprises en matière environnementale

22 décembre 2021
Depuis plusieurs années, la question de l’introduction d’une modification dans le droit des sociétés obligeant les entreprises françaises à se positionner sur les enjeux sociétaux, en particulier environnementaux, s’est posée.
La loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, a introduit le débat sur les nouvelles responsabilités entrepreneuriales et a consacré la responsabilité sociétale de l’entreprise. Il n’appartient dès lors plus aux seules grandes entreprises de s’interroger sur les conséquences sociales et environnementales de leur activité, cette obligation étant étendue à l’ensemble des sociétés.
Si ces dispositions étaient pleines de bonnes intentions, la loi 2021-1104 du 22 août 2021, dite loi Climat et résilience, marque un pas supplémentaire en créant de véritables obligations à la charge des entreprises.
Loi PACTE : vers une prise en compte des enjeux environnementaux dans la gestion des sociétés
L’article 169 de la loi PACTE est venue ajouter un alinéa à l’article 1833 du Code civil aux termes duquel « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».
Chaque entreprise devrait ainsi identifier ses enjeux sociaux et environnementaux et s’assurer qu’ils soient bien pris en considération dans ses décisions stratégiques et son fonctionnement.
Mais la loi ne donne ni définition ni critères fixes pour cerner ces nouvelles obligations dont les contours restent incertains.
Les obligations imposées par ce nouvel alinéa sont impératives et s’appliquent à toutes les sociétés, quels que soient leur forme, leur objet, leur effectif ou le montant de leur chiffre d’affaires et sans même requérir qu’elles aient une activité économique.
Toutefois, il s’agit là d’une simple obligation de moyens et non de résultat si bien que la non prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux n’entache de nullité, ni une clause statutaire contraire au second alinéa dudit article 1833 du Code civil ni un acte ou une délibération d’une société violant ce texte.
Mais en gérant la société dans son intérêt social, ses dirigeants et organes sociaux doivent devenir «les acteurs d’une politique de gestion prenant en considération ces enjeux sociaux et environnementaux de l’activité de leur société». Ils doivent dès lors «s’interroger et considérer avec attention» ces enjeux, ce qui devrait les conduire à prendre les mesures et à se doter des moyens nécessaires au respect de cette nouvelle disposition législative et propres à démontrer qu’ils s’y sont conformés.
La violation de cette obligation pourrait ainsi potentiellement constituer une faute de gestion du dirigeant entraînant la mise en jeu de sa responsabilité, sous réserve de démontrer l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité avec cette faute de gestion. En effet, pour que le préjudice né d’une décision sociétaire puisse être réparé, il faudra démontrer que si les enjeux environnementaux et sociaux avaient été pris en compte, la société aurait pris une décision conforme à son intérêt social.
La prudence commande aux mandataires sociaux d’intégrer, depuis cette loi PACTE, la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux dans leur processus de décision, l’absence de considération de ces objectifs pouvant motiver la révocation pour faute d’un dirigeant. Notons toutefois qu’en pratique, les entreprises demeurent loin d’avoir sacrifié leur intérêt économique à ces enjeux en matière de responsabilité sociétale de l’entreprise.
Loi Climat et résilience : des obligations renforcées à la charge des entreprises
Issue en partie de la Convention Citoyenne pour le Climat, la loi du 22 août 2021 fait un pas de plus vers une prise en compte obligatoire des enjeux environnementaux.
Aux termes du communiqué de presse du ministère de la Transition écologique, « après deux années de travail intense, la transformation écologique de notre société va s’accélérer grâce à la loi Climat et résilience. Riche de près de 300 articles, c’est un texte complet et ambitieux qui ancre durablement l’écologie dans notre modèle de développement ». Parmi ces 300 articles, certains intéressent directement les entreprises et en particulier celles employant plus de 50 salariés.
Ainsi, la loi Climat et résilience a modifié l’article L.2312-8 du Code du travail qui prévoit désormais que :
« I. […]. II. Le comité est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur […]. III. – Le comité est informé et consulté sur les conséquences environnementales des mesures mentionnées au II du présent article ».
En vertu de ce texte, la question environnementale intègre donc désormais le champ de la consultation obligatoire du comité social et économique (CSE).
Mais les contours précis de cette nouvelle obligation et sa mise en œuvre pratique demeurent très flous : que recouvre la notion de « conséquences environnementales » ? Quelles informations transmettre ? Le CSE doit-il rendre un avis distinct sur ce sujet ou la question des conséquences environnementales n’est-elle qu’un volet de la consultation du CSE au titre des projets intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise ?
La loi a également modifié l’article L.2312-17 du Code du travail pour prévoir une information cette fois (et non une consultation) sur les «conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise» à l’occasion des trois consultations récurrentes du CSE.
L’article 41 de la loi prévoit par ailleurs que la BDES (base de données économiques et sociales) s’enrichisse et devienne la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) sans toutefois que le texte précise ce que l’employeur doit y faire figurer.
Un décret est en attente sur le sujet mais certains estiment qu’il devrait probablement s’inspirer de la déclaration de performance extra-financière (DPEF) qui existe déjà pour les entreprises de plus de 500 salariés.
L’intégration de la transition écologique dans le dialogue social suppose que les élus disposent d’un minimum de connaissances sur le sujet. A cette fin, la loi Climat et résilience prévoit que le stage de formation économique d’une durée maximale de cinq jours dont bénéficient les membres titulaires du CSE «peut notamment porter sur les conséquences environnementales de l’activité des entreprises» (article 41 de la loi et article L.2315-63 du Code du travail).
Enfin, les auteurs de la loi ont également élargi les actuelles missions de l’expert-comptable du CSE à l’analyse des conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise dans le cadre des consultations récurrentes.
Ainsi, l’article L.2315-87-1 du Code du travail prévoit désormais que : «La mission de l’expert-comptable porte sur tous les éléments d’ordre économique, financier, social ou environnemental nécessaires à la compréhension des orientations stratégiques de l’entreprise».
Même si la prise en compte des enjeux écologiques ne peut qu’être saluée, il est à craindre qu’avec ces nouvelles dispositions, la prise en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) à la française – plutôt que de reposer sur une politique volontariste des entreprises – soit en train de se transformer peu à peu en une ESG contrainte et forcée, avec le risque de ne plus en faire un élément clé de différenciation et un levier de performance.
Article publié dans le dossier « Entreprise responsable, quel engagement ? » Lettre des Fusions-Acquisitions et du Private Equity du 13 Décembre 2021 de la revue Option Finance
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