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Entretien préalable : faut-il informer le salarié de son droit de se taire ?

Entretien préalable : faut-il informer le salarié de son droit de se taire ?

Par une décision n° 502832 du 18 juin 2025, le Conseil d’Etat a renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) aux fins de lui demander de se prononcer sur la conformité à la Constitution des dispositions du Code du travail relatives à l’entretien préalable au licenciement (C. trav., art L.1232-2 et suivants) et à l’entretien préalable à une sanction disciplinaire (C. trav., art L.1332-2).

 

Le contexte

 

Dans cette affaire, une salariée protégée a saisi le tribunal administratif d’une demande d’annulation pour excès de pouvoir de la décision par laquelle le ministre du Travail, saisi dans le cadre d’un recours hiérarchique, a annulé la décision de refus d’autorisation de licenciement de l’inspecteur du travail et a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire.

 

Dans le cadre de son recours, la requérante soutient que les dispositions du Code du travail relatives à l’entretien préalable à un licenciement ou à une sanction disciplinaire méconnaissent l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui consacre la présomption d’innocence et, par extension, le droit de ne pas s’auto-incriminer, c’est-à-dire le droit de se taire. Elle fait valoir que le salarié, lors de l’entretien préalable à une sanction disciplinaire ou à un licenciement, n’est pas informé de ce droit, ce qui porterait atteinte à ses droits fondamentaux.

 

Le tribunal administratif ayant décidé de renvoyer la question au Conseil d’Etat, il appartenait à ce dernier de décider s’il y avait lieu de transmettre ou non la question au Conseil constitutionnel.

 

La décision

 

Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord les conditions de transmission d’une QPC au Conseil constitutionnel :

 

    • la disposition contestée doit être applicable au litige ou à la procédure ;

 

    • elle ne doit pas avoir été déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances;

 

    • enfin, la question doit être nouvelle ou présenter un caractère sérieux.

 

Après avoir constaté que les dispositions du Code du travail en cause sont bien applicables au litige, le Conseil d’Etat constate que si lesdites dispositions ont déjà été déclarées conformes à la constitution, la décision n°2023-1074 QPC du 8 décembre 2023, qui a retenu que les exigences attachées au principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, résultant de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, dont découle le droit de se taire, s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition , constitue un changement de circonstances justifiant le réexamen des dispositions contestées.

 

Enfin, il estime que la question présente un caractère sérieux.

 

Le Conseil d’Etat a donc décidé de renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel.

 

Notons à cet égard que, à l’instar du Conseil d’Etat, la Cour de cassation a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel, une QPC portant sur la conformité à la Constitution, des dispositions du Code du travail relatives à la procédure de licenciement disciplinaire.

 

Elle a en effet considéré que la question portant sur l’absence d’information préalable du salarié faisant l’objet d’une procédure de licenciement pour motif disciplinaire sur son droit de se taire revêt un caractère sérieux (Cass. soc., 20 juin 2025, n°25-11.250).

 

Ces décisions sont importantes car elles ouvrent la voie à une éventuelle évolution de la procédure de licenciement et de la procédure disciplinaire et peuvent engendrer des conséquences non négligeables pour les entreprises.

 

En effet, si le Conseil constitutionnel venait à juger que le salarié doit être informé de son droit de se taire lors de l’entretien préalable à un licenciement ou à une sanction disciplinaire, les entreprises devraient revoir leurs pratiques en la matière.

 

Aujourd’hui, lors de l’entretien préalable à un licenciement ou à une sanction disciplinaire, l’employeur doit seulement indiquer au salarié les motifs de la décision envisagée et recueillir ses explications. Le Code du travail ne prévoit pas explicitement l’obligation d’informer le salarié de son droit de se taire lors de cet entretien.

 

Il appartiendrait donc désormais aux employeurs d’informer explicitement le salarié, lors de la convocation ou au début de l’entretien préalable, qu’il peut choisir de garder le silence.

 

L’absence d’une telle information pourrait, à l’avenir, constituer une irrégularité susceptible d’entraîner la nullité de la sanction disciplinaire ou de vicier la procédure de licenciement qui pourrait être invoquée par le salarié devant le juge prud’homal.

 

Une telle décision du Conseil constitutionnel est d’autant plus prévisible que, sur le fondement de la décision du 8 décembre 2023, le Conseil constitutionnel a déjà consacré, dans une décision du 26 juin 2024, l’obligation d’informer un magistrat judiciaire qui comparaît devant la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature de son droit à garder le silence (Cons. const., 26 juin 2024, n°2024-1097 QPC).

 

Souhaitons que, dans ce cas, le Conseil constitutionnel prendra le soin de prévoir, d’une part, un délai pour l’adaptation de la loi et, d’autre part, que la déclaration d’inconstitutionnalité ne peut être invoquée que dans les instances introduites après sa publication.

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