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Procédure de licenciement et représentation de l’employeur : le DRH d’une filiale ne peut représenter l’employeur de la société mère ou d’une autre filiale

Procédure de licenciement et représentation de l’employeur : le DRH d’une filiale ne peut représenter l’employeur de la société mère ou d’une autre filiale

Dans un groupe de sociétés, qui peut mener une procédure de licenciement pour un salarié n’appartenant pas à la même société ? Un arrêt de la Cour de cassation du 20 octobre 2021 apporte des rappels et précisions très intéressantes.

 

C’est en principe l’employeur qui doit être l’interlocuteur du salarié lors de l’entretien préalable. Cependant, il peut se faire représenter par un membre du personnel ayant qualité dans l’entreprise pour embaucher ou licencier les salariés.

Bien que non prévue par la loi, l’assistance de l’employeur par un salarié de l’entreprise, un cadre, par exemple (Cass. soc. 26 février 1992 n° 88-44.441) est permise (Cass. soc. 27 mai 1998 n° 96-40.741). Mais elle ne doit pas transformer l’entretien préalable en une enquête (Cass. soc. 1er avril 1997 n° 95-42.246).

Toutefois, la présence d’une personne étrangère à la société lors de l’entretien préalable rend la procédure irrégulière (Cass. soc. 27 janvier 2009 n° 07-43.547), par exemple un huissier (Cass. soc. 30 mars 2011 n° 09-71.412) ou le fils du dirigeant, actionnaire et ancien salarié de la société, même s’il est destiné à prendre la succession de son père (Cass. soc. 28 octobre 2009 n° 08-44.241).

La notification du licenciement incombe en principe à l’employeur. En pratique, elle peut aussi être établie par un représentant de celui-ci appartenant à l’entreprise, sauf si cela confère au licenciement un caractère vexatoire, par exemple si la lettre est signée pour ordre par une secrétaire hiérarchiquement subordonnée au salarié licencié (Cass. soc. 28 octobre 2002 n° 00-44.548).

La délégation de pouvoirs de licencier n’a pas à être nécessairement écrite (Cass. soc. 13 juin 2018 n° 16-23.701) ou portée à la connaissance des salariés (Cass. soc. 5 mai 2011 n° 09-72.924). Elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié (Cass. ch. mixte 19 novembre 2010 n° 10-10.095 ; Cass. soc. 26 janvier 2011 n° 08-43.475).

 

Sont ainsi compétents pour procéder au licenciement des salariés d’une filiale :

 

    • le directeur des affaires sociales engagé par la société mère pour exercer ses fonctions au sein de ses filiales (Cass. soc. 16 mai 2007 n° 06-40.307),
    • le président de la société mère (Cass. soc. 6 mars 2007 n° 05-41.378),
    • son directeur des ressources humaines (Cass. soc. 23 septembre 2009 n° 07-44.200 ; 15 décembre 2011 n° 10-21.926),
    • son directeur général (Cass. soc. 13 juin 2018 n° 16-23.701)
    • ou le délégué de ce dernier (Cass. soc. 16 janvier 2013 n° 11-26.398),
    • son directeur financier titulaire d’une délégation de pouvoirs en matière de gestion du personnel (Cass. soc. 30 juin 2015 n° 13-28.146)
    • ou le travailleur temporaire ayant pour mission l’assistance et le conseil du directeur des ressources humaines ainsi que son remplacement éventuel (Cass. soc. 2 mars 2011 n° 09-67.237).

 

A défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse s’il est prononcé par une personne non habilitée pour le faire (Cass. soc. 17 mars 2015 n° 13-20.452) ou si la lettre de licenciement est signée par une personne étrangère à l’entreprise (Cass. soc. 7 décembre 2011 n° 10-30.222), peu important que cette lettre ait été signée pour ordre pour le compte de l’employeur (Cass. soc. 26 avril 2017 n° 15-25.204).

 

La Cour de cassation vient de se prononcer sur le licenciement prononcé par le DRH d’une société sÅ“ur. En l’espèce un salarié est engagé en qualité de directeur général par une société X, filiale de la société Z, puis licencié par Mme [E], directrice des ressources humaines de la société Y, autre filiale du groupe, mandatée à cette fin par l’employeur.

 

Pour défendre le fait que la procédure de licenciement et sa notification avaient été faites par le DRH de la société sœur, la société employeur faisait valoir les arguments suivants :

 

« 1°/ que si la finalité même de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour conduire la procédure de licenciement jusqu’à son terme, il en va différemment pour une personne qui, sans être membre du personnel de la société employeur, est salariée d’une autre société du groupe, sans qu’une telle faculté de donner mandat soit réservée aux salariés de la seule société mère ; que dès lors qu’il n’est pas contesté qu’un mandat a été donné à une salariée ayant qualité de directrice des ressources humaines d’une filiale du groupe auquel appartient la société employeur, la lettre de licenciement signée par cette salariée a vocation à produire effet ; qu’en jugeant au contraire que le mandat n’avait pas été valablement délivré au motif que la salariée mandataire n’était pas salariée de la société mère du groupe, la cour d’appel a violé l’article L. 1232-6 du Code du travail ;

2°/ que les sociétés du groupe ont la faculté de donner mandat au responsable des ressources humaines de l’une des sociétés du groupe aux fins de prendre des décisions particulières comme le licenciement d’un cadre dirigeant d’une filiale du groupe, nonobstant le fait que cette filiale avait embauché un directeur administratif, financier et des ressources humaines dont les attributions pouvaient être ainsi limitées ; qu’en jugeant que le mandat n’avait pas été valablement délivré à la responsable des ressources humaines d’une autre filiale du même groupe au motif que la société employeur venait d’embaucher un  »directeur administratif, financier et des ressources humaines », la cour d’appel s’est prononcée par un motif inopérant et a violé l’article L. 1232-6 du Code du travail ;

3°/ que les sociétés du groupe ayant la faculté de donner mandat au responsable des ressources humaines de l’une d’entre elles, aux fins de prendre des décisions particulières comme le licenciement d’un cadre dirigeant d’une filiale du groupe, il en résulte que seule importe l’existence non contestée du mandat, non les énonciations du contrat de travail de ce responsable ; qu’en jugeant que le mandat n’avait pas été valablement délivré à la responsable des ressources humaines d’une autre filiale du même groupe au motif  »que le contrat de travail de Mme [E], dont il est constant qu’elle est directrice des ressources humaines de la société Manufactures de mode depuis avril 2017, n’est pas versé aux débats », la cour d’appel s’est fondée sur un motif inopérant et a violé l’article L. 1232-6 du Code du travail ;

4°/ qu’en statuant comme elle l’a fait, sans rechercher, comme l’y invitaient les conclusions de l’exposante, si l’organisation du groupe ne commandait pas que le pouvoir de licencier le directeur général d’une filiale soit délégué à la société du groupe qui était spécialement chargée d’accompagner les missions des filiales et des sites de fabrication, de telle sorte que le licenciement signé par Mme [E] était régulier, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1232-6 du Code du travail. »

 

Faisant application des principes classiques, la Cour de cassation rappelle le 20 octobre 2021 que :

 

« la finalité même de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour procéder à cet entretien et notifier le licenciement » et précise qu’ «Ayant relevé qu’il n’était pas démontré que la gestion des ressources humaines de la société [X] relevait des fonctions de la directrice des ressources humaines de la société [Y société sÅ“ur de X], ni que cette dernière exerçait un pouvoir sur la direction de la société [X], la cour d’appel en a exactement déduit […] que la lettre de licenciement avait été signée par une personne étrangère à l’entreprise qui ne pouvait recevoir délégation de pouvoir pour procéder au licenciement.» (Cass. soc. 20-10-2021 n° 20-11.485).

 

Ainsi, seul le DRH de la société mère, dont les fonctions pouvaient s’exercer au sein des sociétés filiales, peut conduire une procédure de licenciement dans une filiale.

En aucun cas, le DRH d’une filiale pourrait mener une procédure de licenciement dans une autre filiale, même, semble-t-il à la lecture de l’arrêt de la Cour de cassation, en cas de précisions contractuelles contraires.

Il est dès lors important de bien vérifier lorsque la personne chargée de mener une procédure de licenciement n’est pas salariée de la société concernée qu’elle appartient bien à la société mère.

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