CHSCT : les sièges réservés à l’encadrement constituent une représentation minimale

5 novembre 2014
Par un arrêt du 14 janvier 2014, la Cour de cassation apporte une précision concernant les dispositions réservant des sièges à l’encadrement au sein du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) : celles-ci ne fixent pas une limite à la représentation des cadres mais une représentation minimale.
L’article R. 4613-1 du Code du travail détermine le nombre et la composition de la délégation du personnel au CHSCT : de trois à six sièges, dont un ou deux doivent être réservés au personnel de maîtrise ou des cadres, en fonction de l’effectif de l’établissement ou de l’entreprise concernée.
Ce dispositif a vocation à assurer une représentation équilibrée du personnel au sein de l’instance dont l’objectif est d’associer les salariés aux actions de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail.
Des sièges réservés à l’encadrement
L’employeur ne peut être assuré de l’existence de candidats appartenant à la catégorie de l’encadrement au sens du CHSCT et davantage de leur élection.
A cet égard, la Cour de cassation a précisé qu’en l’absence de candidats relevant de cette catégorie, le collège désignatif ne pouvait modifier la répartition des sièges pour attribuer ce siège à un salarié d’une autre catégorie : il doit demeurer vacant. (Cass. soc. 10 mai 2012).
De même, l’existence de sièges réservés permet, voire impose, de déroger aux règles normales d’attribution des sièges :
- un candidat cadre peut être désigné alors qu’il dispose de moins de voix qu’un candidat non-cadre ou qu’il est moins bien placé sur la liste. (Cass. soc. 9 juillet 2008),
- une liste peut se voir octroyer un siège alors que l’application des règles de droit commun ne lui en octroie pas lorsque cela aboutit à l’absence de représentation des cadres (Cass. soc 13 octobre 2010).
Néanmoins, ces dérogations ne permettent pas de désigner un candidat n’ayant reçu aucune voix. (Cass. soc. 13 octobre 2010).
Une représentation minimale et non un plafond de représentation
Dans la décision du 14 janvier 2014, la Cour de cassation apporte une nouvelle précision concernant les sièges réservés : ceux-ci ne constituent qu’une représentation minimum des cadres au sein de l’instance.
En l’espèce, la société procédait au renouvellement du CHSCT, dans un établissement en vue d’une délégation du personnel composée de trois salariés dont un appartenant au personnel d’encadrement.
Or, à l’issue du processus électoral, la délégation du personnel s’est trouvée composée de deux salariés cadres et d’un salarié non-cadre.
L’employeur saisit le tribunal d’instance aux fins de contester la désignation des deux salariés cadres au motif qu’un seul siège devait être réservé à cette catégorie de personnel.
Le tribunal d’instance suit le raisonnement de l’employeur et retient que «les dispositions de l’article R. 4613-1 du Code du travail fixant le nombre de sièges réservés doivent être entendues de manière restrictive et s’interpréter comme prévoyant la désignation d’un seul cadre et non d’au moins un cadre.». En conséquence, il annule les désignations des deux salariés cadres.
La Cour de cassation ne l’entend pas ainsi et casse la décision en affirmant que :
«l’article R. 4613-1 du Code du travail, qui impose de réserver un certain nombre de sièges à la catégorie agents de maîtrise et cadres n’interdit pas que des salariés appartenant à cette catégorie puissent être par ailleurs élus pour pourvoir les sièges auxquels le Code du travail n’attribue aucune affectation catégorielle particulière.»
Un cadre peut donc occuper un siège non réservé à l’encadrement.
La fin de la nécessaire dérogation administrative ?
Dans la décision du 14 janvier 2014, était notamment invoquée par l’employeur l’absence d’autorisation administrative permettant de déroger à la répartition légale des sièges au sein du CHSCT, argument qui n’a pas été retenu par la Cour de cassation.
En effet, l’article R. 4613-2 du code du travail prévoit que l’inspecteur du travail peut autoriser des dérogations aux règles déterminant la répartition des sièges entre les représentants du personnel de maîtrise ou des cadres et ceux des autres catégories de personnel.
La jurisprudence encadrait cette dérogation en précisant que l’inspecteur du travail ne pouvait autoriser une telle dérogation qu’en cas de disproportion manifeste entre l’importance respective des collèges de salariés et l’importance du nombre de sièges qui leur sont attribués (CE 2 juillet 2007).
Cette disposition peut également permettre à l’inspecteur du travail de supprimer le(s) siège(s) réservé(s) en cas de carence de candidatures.
L’autorisation administrative semblait donc constituer le préalable indispensable à toute adaptation du nombre de sièges réservés aux cadres en fonction de la composition de l’effectif de la société.
Cet arrêt montre qu’il serait possible, d’une certaine manière et au vu des candidats, de déroger à la répartition des sièges sans autorisation administrative préalable et illustre un certain pragmatisme bienvenu des juges du droit tout comme la décision de la Chambre sociale du 8 octobre 2014, selon laquelle si le renouvellement des membres du CHSCT ne peut avoir pour effet de mettre fin aux mandats en cours avant leur date d’expiration, l’employeur, afin d’assurer la permanence de l’institution, peut réunir le collège désignatif avant le terme ultime de ces mandats, les désignations ainsi effectuées ne prenant effet qu’à ce terme.
Néanmoins, cette décision n’ôte pas tout intérêt à l’autorisation administrative, laquelle peut seule imposer au collège désignatif la nomination d’un nombre déterminé de personnel d’encadrement ou supprimer le siège réservé.
L’impact sur la représentation des non-cadres
La loi ne réserve aucun siège à la catégorie des non-cadres.
A l’extrême, un CHSCT pourrait donc être constitué seulement de collaborateurs cadres … ce qui ne correspondrait pas nécessairement à l’objectif d’une représentation équilibrée des catégories professionnelles de l’entreprise au sein de l’instance.
Auteur
Vincent Delage, avocat associé en droit social.
Laure Soyer, avocat en droit social.
Article paru dans Les Echos Business le 5 novembre 2014
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