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Contrats globaux : le rôle de la maîtrise d’oeuvre renforcé

Contrats globaux : le rôle de la maîtrise d’oeuvre renforcé

Un décret vient définir largement les missions réservées à la maîtrise d’oeuvre dans les marchés publics globaux. Une satisfaction pour les architectes.

Dernier texte en matière de commande publique du quinquennat Hollande, le décret n°2017-842 du 5 mai 2017 portant adaptation des missions de maîtrise d’œuvre aux marchés publics globaux, a été publié au « Journal officiel » du 7 mai.

Ce texte s’applique aux marchés publics globaux qualifiés comme tels par l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics (marchés de conception-réalisation, marchés globaux de performance, marchés globaux sectoriels), pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à compter du 1er juillet 2017.

L’obligation d’identifier l’équipe de maîtrise d’œuvre

Issu d’un amendement1, l’article 91 de la loi n°2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite « loi LCAP », a introduit un article 35 bis dans l’ordonnance précitée. Cette nouvelle disposition impose, pour les marchés publics globaux, l’identification de l’équipe de maîtrise d’œuvre chargée de la conception de l’ouvrage et du suivi de sa réalisation.

Cette obligation apparaît comme une tentative de conciliation entre les exigences de la loi n°85-704 du 12 juillet 1985, dite « loi MOP » -qui consacre la séparation des missions d’entrepreneur de celles de maîtrise d’oeuvre-, et les marchés publics globaux, qui peuvent y déroger. Cette dérogation a d’ailleurs pu être questionnée dans le cadre des débats parlementaires relatifs au projet de loi LCAP: un amendement entendait supprimer la possibilité, pour les acheteurs soumis à la loi MOP, de recourir à un marché public global de performance en l’absence de motifs d’ordre technique ou d’engagement contractuel sur un niveau de performance énergétique2. Il n’a finalement pas été adopté.

Désignation dès la candidature. La loi LCAP a ainsi introduit l’obligation d’identifier l’équipe de maîtrise d’oeuvre.

L’article 35 bis de l’ordonnance, qui élève cette exigence au rang de condition d’exécution d’un marché public global, n’imposait pas de désigner l’équipe de maîtrise d’oeuvre au stade de la candidature: cela paraissait pouvoir faire simplement l’objet d’une clause contractuelle. Mais l’article 1er du décret du 5 mai 2017 ne s’inscrit pas dans cette perspective : il énonce que l’équipe de maîtrise d’oeuvre doit être identifiée dès la candidature.

Équipe juridiquement distincte ou non. L’identification de l’équipe de maîtrise d’oeuvre n’implique pas nécessairement que celle-ci ait une personnalité morale distincte. Le candidat au marché  global peut certes conclure une convention de groupement avec une ou plusieurs structures juridiques exerçant la maîtrise d’oeuvre (BET et agences d’architectes). L’équipe de maîtrise d’oeuvre, distincte du candidat, est alors clairement désignée.

Un service identifié au sein de l’entreprise peut aussi constituer l’équipe de maîtrise d’oeuvre. Mais, lorsque le marché global porte sur la réalisation de travaux soumis à permis de construire, la désignation d’une agence d’architectes sera nécessaire, certaines missions relevant de leur monopole3.

Les précisions relatives aux missions confiées à la maîtrise d’oeuvre 

L’article 7 de la loi MOP liste différentes missions susceptibles d’être attribuées au maître d’oeuvre et précise,pour les ouvrages de bâtiment, qu’une mission de base doit lui être dévolue.

Ces missions sont précisées par le décret n°93-1268 du 29 novembre 1993, dont les modalités techniques d’exécution sont fixées par l’arrêté du 21 décembre 1993 (NOR: EQUU9301426A).

Pour les marchés publics globaux portant sur des ouvrages de bâtiment, le second alinéa de l’article 35 bis de l’ordonnance marchés publics du 23 juillet 2015 laissait le soin au pouvoir réglementaire de préciser les missions confiées à l’équipe de maîtrise d’oeuvre par rapport à celles prévues à l’article 7 de la loi MOP. C’est désormais chose faite avec le décret du 5 mai 2017.

Alors qu’ils dérogent à la loi MOP, les marchés publics globaux comprenant des missions de conception et portant sur un ouvrage de bâtiment se voient donc, en ce qui concerne les missions de maîtrise d’oeuvre, appliquer un régime très proche de la mission définie par la loi MOP.

Mission de base. Suivant la logique de la mission de base, certaines missions doivent, au minimum, être confiées à l’équipe de maîtrise d’oeuvre, quelle que soit la valeur estimée du besoin (art. 2 du décret) : études d’avant-projet définitif, études de projet, études d’exécution ou, lorsque ces dernières ne sont pas réalisées par l’équipe de maîtrise d’oeuvre, visa de ces études. Il s’agit également du suivi de la réalisation des travaux et, enfin, de l’association aux opérations de réception et à la mise en oeuvre de la garantie de parfait achèvement.

Adaptation des missions. Le décret du 5 mai a pour objet d’adapter le contenu des missions aux spécificités de la mission globale confiée au titulaire. Par exemple,les études d’avant-projet sommaire, d’avant-projet définitif ou de projet ne portent pas sur l’estimation provisoire ou définitive du coût prévisionnel des travaux, mais doivent comporter la vérification de la cohérence des éléments du projet et des prestations avec l’économie générale du marché public (art. 4 et 5).

Pour les marchés publics globaux, les missions de l’équipe de maîtrise d’oeuvre n’incluent pas la mission d’assistance au maître d’ouvrage pour la passation du contrat de travaux ; et le décret ne précise pas,contrairement à celui du 29 novembre 1993 (art. 6 et 7)4, que les différentes études serviront de base à la mise en concurrence des entreprises. Il n’y a en effet pas lieu à mise en concurrence, les travaux étant réalisés par le titulaire du marché public global. Selon la même logique, les dispositions relatives à l’allotissement ne figurent pas dans le décret du 5 mai.

L’équipe de maîtrise d’oeuvre est ainsi en charge du suivi de la réalisation des travaux (participation aux réunions de chantier, visa des procès-verbaux) et, le cas échéant, de sa direction (organisation et direction des réunions de chantier, établissement des procès-verbaux de ces réunions) [art. 7 du décret]. Enfin, l’équipe de maîtrise d’oeuvre est seulement associée aux opérations de réception et à la mise en oeuvre de la garantie de parfait achèvement (art. 8 du décret) – là où le décret de 1993 prévoit un rôle d’assistance au maître d’ouvrage.

Différence avec les marchés de partenariat. Notons que, en application de l’article 69 de l’ordonnance marchés publics modifié par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016,dite « loi Sapin 2 », l’obligation d’identifier l’équipe de maîtrise d’oeuvre est également prévue pour les marchés de partenariat lorsque l’acheteur confie tout ou partie de la conception des ouvrages au titulaire. La modification ainsi apportée par la loi Sapin 2 est un « rattrapage », cette exigence n’ayant pas été reprise dans la version initiale de l’ordonnance marchés publics alors qu’elle figurait déjà à l’article 12 de l’ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat (aujourd’hui abrogée).

Sur ce point, le régime juridique des marchés de partenariat et celui des marchés publics globaux sont alignés. Toutefois, l’article 69 ne précise pas,à la différence de l’article 35 bis, qu’un texte réglementaire viendra définir les missions de maîtrise d’oeuvre dans le cadre des marchés de partenariat portant sur un ouvrage de bâtiment. La liberté contractuelle prévaut donc pour ces contrats.

Notes

1 Amendement rect. n°384 sur le texte n°3583,présenté par Daniel Boisserie (SOC,Haute-Vienne).
2 Amendement n°274 sur le texte n°3068,présenté par Patrick Bloche (SOC,Paris).
3 Article L.111-2 du Code de la construction et de l’habitation.
4 Décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’oeuvre confiées par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé.

Ce qu’il faut retenir

  • Pris pour l’application de la loi LCAP, le décret du 5 mai 2017 encadre les missions de maîtrise d’oeuvre dans les marchés publics globaux (conception-réalisation, marchés globaux de performance, marchés globaux sectoriels).
  • Dans ces contrats, l’identification de l’équipe de maîtrise d’oeuvre s’imposera désormais dès le stade de la candidature.
  • Le décret liste les éléments de la mission de base qui doit être confiée à l’équipe de maîtrise d’oeuvre.
  • II adapte le contenu de chaque élément, obligatoire ou facultatif (études d’avant-projet définitif, études de projet, études d’exécution, suivi de la réalisation des travaux, participation aux opérations de réception et à la mise en oeuvre de la garantie de parfait achèvement) aux spécificités des contrats globaux.

 

Auteur

François Tenailleau, avocat associé en droit public des affaires

 

Contrats globaux. Le rôle de la maîtrise d’œuvre renforcé – Article paru dans le magazine Le Moniteur du 2 juin 2017