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Crédit d’impôt recherche (CIR) : panorama des évolutions intervenues en 2021

Crédit d’impôt recherche (CIR) : panorama des évolutions intervenues en 2021

L’efficacité et l’attractivité du crédit d’impôt recherche (CIR) sont régulièrement soulignées. Ce dispositif a connu plusieurs évolutions notables en 2021[1]. Retour sur les principales nouveautés.

  1. Définition des activités de recherche éligibles

Une mise à jour du BOFIP le 13 juillet 2021 apporte d’importantes précisions :

  • Les activités de R&D éligibles au CIR voient leur définition alignée sur celle de la dernière édition du Manuel de Frascati et englobent désormais « les activités créatives et systématiques entreprises en vue d’accroître la somme des connaissances – y compris la connaissance de l’humanité, de la culture et de la société – et de concevoir de nouvelles applications à partir des connaissances disponibles[2]».
  • Les opérations de R&D relevant d’une des trois catégories de recherche doivent impérativement, cumulativement, (i) comporter un élément de nouveauté, (ii) un élément de créativité et (iii) un élément d’incertitude, (iv) être systématiques et (v) être transférables et/ou reproductibles. Cette grille de lecture est, selon notre expérience, mise en Å“uvre de façon stricte dans le cadre des contrôles.
  • La définition des activités de développement expérimental est complétée et détaillée avec force précisions[3].
  • La notion d’« état des techniques préexistantes» est précisée (BOI précité n° 70). L’établissement de cet état doit permettre d’apprécier si l’opération combine un élément de nouveauté non négligeable avec la dissipation d’une incertitude scientifique et / ou technique.
  • Une démarche d’identification des activités de R&D (sous forme de schéma) est proposée[4] et les exemples des trois types d’activités de R&D dans 5 domaines scientifiques et secteurs économiques sont mis à jour[5].

Les dossiers justificatifs de l’éligibilité au CIR des projets gagneront à intégrer en particulier ces précisions relatives à l’état des techniques préexistantes et à la démarche d’identification.

  1. Sous-traitance

2.1. Pour mémoire[6], depuis le 1er janvier 2022 :

  • le mécanisme de prise en compte des dépenses pour les opérations de recherches externalisées à des organismes publics pour le double de leur montant est abrogé[7];
  • le plafonnement de la prise en compte des dépenses externalisées à trois fois le montant total des autres dépenses de recherche ouvrant droit au CIR, applicable aux organismes privés, est étendu aux organismes de recherche publics. En pratique, l’entreprise devra donc réaliser au minimum en interne un quart des dépenses de recherche prises en compte dans la base de calcul de son CIR ;
  • l’ensemble des dépenses de sous-traitance sont plafonnées à 10 M€ par an en l’absence de lien de dépendance, ou à 2 M€ en présence de tels liens.

Depuis le 1er janvier 2022, tous les organismes de recherche doivent être titulaires d’un agrément pour permettre au donneur d’ordre de bénéficier du CIR[8]. La démarche peut être effectuée en ligne sur le site du Ministère de la recherche. Le site explicite, selon le type d’organisme, comment adresser la demande d’agrément, quelles pièces fournir et quel formulaire utiliser[9].

Afin de compenser l’effet préjudiciable de la disparition de « la règle du double » sur les collaborations public / privé, la loi de finances pour 2022 instaure un crédit d’impôt pour la recherche collaborative au bénéfice des entreprises qui concluent, entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025, des contrats de collaboration avec des organismes de recherche et de diffusion des connaissances (ORDC) et qui financent, dans ce cadre, les dépenses de recherche exposées par ces organismes. Ce crédit d’impôt est égal à 40 % (50% pour les PME) des sommes facturées par les organismes, dans la limite de 6 M€ par an. Les modalités d’agrément des ORDC devraient être définies prochainement par décret.

2.2. La CAA de Versailles avait admis (CAA Versailles, 22 janvier 2019 n°17VE01717, SA Altran Technologie) la possibilité pour un organisme privé agréé qui fournit à un donneur d’ordre des prestations ne portant pas contractuellement sur la réalisation d’opérations de recherches de bénéficier du CIR pour les dépenses qu’il expose lui-même à cette occasion, sous réserve que (a) les dépenses en question soient nettement individualisées des prestations objet du contrat de sous-traitance, (b) qu’elles soient assumées par le sous-traitant sans être intégralement répercutées au donneur d’ordre, et que (c) le sous-traitant conserve la propriété et l’usage des résultats pour sa propre activité.

Le Conseil d’Etat (CE, 18 juin 2021, Sté Sopra Steria Group, n° 433319) censure la deuxième condition fixée par l’arrêt précité. La prise en compte des dépenses par l’organisme doit être appréciée en fonction de la qualité de R&D des dépenses exposées et de l’assurance que les donneurs d’ordre ne sont pas à l’initiative des travaux de R&D.

2.3. De façon salutaire, la doctrine administrative[10] et le Guide du CIR 2021 intègrent la solution dégagée par le Conseil d’Etat dans l’arrêt FNAMS (CE, 22 juillet 2020, n°428127) et admettent la prise en compte par le donneur d’ordre, dans la base de calcul de son CIR, des dépenses de sous-traitance n’ayant pas le caractère de R&D mais indispensables à la réalisation d’une opération de R&D menée en interne.

2.4. La loi de finances pour 2020 a, pour mémoire[11], écarté du bénéfice du CIR au niveau du donneur d’ordre, les travaux de R&D non réalisés directement par le sous-traitant agréé (sauf si ces travaux sont confiés à des sous-traitants eux-mêmes agréés). Selon la doctrine administrative, le fait que d’autres opérations (que celles objets du CIR) soient confiées à un sous-traitant non agréé de second niveau ne vient pas remettre en cause le bénéfice du CIR chez le donneur d’ordre.

Afin de sécuriser le donneur d’ordre, les factures émises par les organismes sous-traitants pourront comporter certaines mentions précisant les conditions dans lesquelles les opérations de recherche ont été réalisées[12].

En revanche, selon la doctrine administrative, les travaux réalisés par les sous-traitants de rang 3 sont inéligibles au CIR au niveau du donneur d’ordre.

2.5. Mettant fin aux velléités de certains services de contrôle, la doctrine administrative admet[13] que l’externalisation d’opérations de recherche regroupe deux types de recherche contractuelles, la sous-traitance proprement dite et la collaboration. Une entreprise partie à une collaboration pourra intégrer dans la base de calcul de son CIR les montants facturés par une autre partie à la collaboration, sous réserve (a) qu’il s’agisse de dépenses éligibles, (b) que ce flux financier soit prévu par l’équilibre du contrat de collaboration et (c) que la partie qui émet la facture n’intègre pas ces dépenses dans son propre CIR.

  1. Dépenses de personnel

3.1. La doctrine administrative admet que les dépenses afférentes aux intérimaires peuvent être retenues dans les dépenses de personnel éligibles, dès lors que ces derniers sont des personnels de recherche directement et exclusivement affectés aux opérations de R&D[14].

3.2. Elle définit, dans un sens extensif, la notion d’activités de soutien dont les personnels sont exclus du champ d’application du CIR[15]. De façon intéressante, plusieurs cours d’appel ont retenu des positions plus souples.

3.3. Le Conseil d’Etat juge (CE, 19 mai 2021, n°432370, Sté Publicis Groupe, intégrée depuis à la doctrine administrative[16]) que la contribution exceptionnelle et temporaire (CET) au régime Agirc peut être retenue dans la base de calcul du CIR. Cette solution paraît selon nous transposable à la contribution d’équilibre technique qui a remplacé la CET à compter du 1er janvier 2019.

Cette décision confirme en outre que les dépenses de veille technologique peuvent valablement inclure des dépenses de personnel (autres que celles concernant les chercheurs ou techniciens de recherche).

  1. Aspects procéduraux

4.1. Depuis le 7 janvier 2021, les agents du MESR peuvent transmettre à la DGFIP les renseignements et copies de documents recueillis dans le cadre du contrôle sur lesquels ils se sont fondés pour émettre leur avis (modification de l’article R 45 B-1 du LPF).

4.2. Depuis le 1er avril 2021, les entreprises déposant une demande de saisine auprès du comité consultatif du CIR ont 60 jours pour transmettre au service de contrôle de la DGFiP un document de synthèse des contestations (modification de l’article R 60-1 B du LPF). L’administration ne devrait pas selon nous pouvoir refuser aux entreprises d’accéder au comité consultatif, même celles dont le dossier a peu de chance d’être éligible au CIR.

4.3. Selon le Conseil d’Etat (CE, 3 février 2021 n° 431253, Sté Zoomici), le MESR qui a considéré qu’un projet de recherche n’était pas éligible au CIR au motif que les explications de la société étaient ambiguës, aurait dû adresser à cette société une demande d’éléments justificatifs, et, en cas de seconde demande d’informations complémentaires, engager avec ses représentants un débat oral et contradictoire. La société ayant été privée de ces garanties, la procédure est irrégulière.

4.4. La demande de remboursement d’une créance de CIR constitue une réclamation n’ouvrant pas droit, lorsqu’elle est admise, au bénéfice d’intérêts moratoires. A l’opposé, selon le Conseil d’Etat (CE, 11 mai 2021, n°441603, Sté Acofi Gestion et n° 442936, Association Groupe ESA, reprises au BOI-CTX-DG-20-50-10 n°155), le remboursement de créance postérieur au rejet, explicite ou né du silence gardé par l’administration au-delà du délai de 6 mois, a le caractère d’un dégrèvement contentieux ouvrant droit au versement d’intérêts moratoires à compter de la date de la demande de remboursement.

[1]   L’année 2021 aura également été riche en changements au niveau du crédit d’impôt innovation. La loi de finances pour 2022 proroge son application jusqu’au 31 décembre 2024. En outre, pour les dépenses exposées à compter du 1er janvier 2023, le forfait de frais de fonctionnement sera supprimé du calcul, cependant que le taux du crédit passera de 20 % à 30 % (le plafond des dépenses d’innovation prise en compte, fixé à 400.000 €, étant laissé inchangé).

[2]   BOI-BIC-RICI-10-10-10-20, n° 1 (mise à jour du 13 juillet 2021).

[3]   BOI précité, n° 70.

[4]   BOI-BIC-RICI-10-10-10-25 n° 60.

[5]   Biologie avec des applications pharmaceutiques, chimie avec des applications aux industries chimiques et des matériaux, sciences exactes, naturelles et de l’ingénieur, sciences et technologies du numérique, sciences humaines et sociales.

[6] Loi de finances pour 2021.

[7] Il reste possible pour les dépenses engagées jusqu’au 31 décembre 2021, y compris en cas de sous-traitance en cascade à un organisme public agréé de second niveau).

[8] BOI-BIC-RICI-10-10-20-30 n°15.

[9] Demande d’agrément CIR pour les structures publiques ou assimilées | enseignementsup-recherche.gouv.fr.

[10]  BOI-BIC-RICI-10-10-20-30, n° 172.

[11]  Et à l’effet de faire échec à la jurisprudence du Conseil d’Etat du 9 juin 2020, n°427441, Sté Hays France.

[12]  BOI-BIC-RICI-10-10-20-30 n° 177.

[13]  BOI-BIC-RICI-10-10-20-20, n° 171.

[14]  BOI-BIC-RICI-10-10-20-20, n° 80.

[15]  BOI précité, n° 140.

[16]  BOI-BIC-RICI-10-10-20-20, n° 320.

Article paru dans Option Finance 31/01/2022

Auteurs

Christophe Leclère, avocat associé en droit fiscal

Adrien Sanvelian, avocat en droit fiscal

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