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Entretiens professionnels : les règles d’abondement du compte personnel de formation

Entretiens professionnels : les règles d’abondement du compte personnel de formation

Les entreprises d’au moins cinquante salariés qui, pendant une période de six ans, ont manqué à leur obligation de faire bénéficier leurs salariés d’entretiens professionnels biennaux, d’un entretien d’état des lieux tous les six ans et d’au moins une formation non obligatoire (1), doivent inscrire au compte personnel de formation (CPF) de ces derniers un abondement correctif de 3000 euros dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat.

Cette obligation d’abondement, qui devait initialement s’appliquer à compter du 7 mars 2020, date d’échéance du premier cycle de six ans fixé par la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 pour l’accomplissement de ses obligations par l’employeur, a été reportée à plusieurs reprises du fait de la crise sanitaire.

Les entreprises ont ainsi bénéficié d’un délai supplémentaire pour exécuter leurs obligations jusqu’au 30 juin 2021 (ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020 modifiée) puis jusqu’au 30 septembre 2021 pour tenir l’entretien d’état des lieux (questions-réponses sur l’entretien professionnel).

La date d’application des sanctions prévues en cas de non-respect de cette obligation a été repoussée au 1er octobre 2021 (loi n° 2021- 689 du 31 mai 2021). Si les entreprises doivent en principe procéder spontanément à cet abondement lorsqu’elles n’ont pas respecté leurs obligations, la loi prévoit également des mesures pour les contraindre à y procéder en cas de manquement.

 

Délai de versement spontané de l’abondement

Lorsque l’employeur n’a pas fait bénéficier le salarié de l’ensemble des entretiens professionnels prévus par la loi et d’au moins une formation non obligatoire sur une période de six ans, il doit inscrire au CPF du salarié un abondement de 3000 euros et verser une somme égale à ce montant à la Caisse des dépôts et consignations.

Un décret n°2021-1916 du 30 décembre 2021 précise que le versement de la somme et la transmission des informations nécessaires à l’abondement à la Caisse des dépôts et consignation doivent intervenir au plus tard, le dernier jour du trimestre civil suivant la date de l’entretien professionnel pris en compte pour apprécier la période de six ans.

Il résulte de la référence faite par le décret au trimestre civil que, lorsque l’entretien marquant la fin de la période de six ans – c’est-à-dire l’entretien d’état des lieux – se tient au 15 mars d’une année, l’abondement doit être inscrit au CPF et la somme correspondante versée par l’employeur au plus tard au 30 juin de la même année.

Cette disposition est entrée en vigueur le 1er janvier 2022.

 

Ainsi pour les entretiens d’état des lieux marquant la fin de la période de six ans qui devaient se tenir en 2020 et 2021, le versement devra – compte tenu des reports successifs accordés pour la tenue de ces entretiens et de la date d’entrée en vigueur du décret – intervenir au plus tard le 31 mars 2022.

Il en est de même pour les entretiens qui auraient dû se tenir entre le 1er octobre et le 31 décembre 2021 lorsque l’employeur ne les a pas organisés.

L’abondement doit être versé, par virement, via l’Espace des Employeurs et des Financeurs (EDEF) disponible sur le site www.financeurs.moncompteformation.gouv.fr

 

Sanction applicable en l’absence de versement spontané

Les agents de contrôle de l’inspection du travail, les inspecteurs de la formation professionnelle et les agents de catégorie A placés sous l’autorité du ministre de la Formation Professionnelle peuvent contrôler le respect par l’employeur de son obligation en matière de réalisation des entretiens professionnels.

Les employeurs doivent alors leur présenter les documents et les pièces établissant le respect de leurs obligations en matière de formation et d’organisation des entretiens professionnels (convocation, courriers et courriels, compte rendu d’entretien, etc.).

Si ces derniers constatent que l’employeur n’a pas respecté son obligation et n’a pas procédé au versement prévu ou a effectué un versement insuffisant, il lui adresse une mise en demeure de remédier au versement de l’insuffisance constatée après avoir respecté une procédure contradictoire.

 

Ainsi, l’entreprise qui n’aura pas procédé spontanément à l’abondement du CPF du salarié alors qu’elle aura manqué à ses obligations en matière de formation et d’organisation des entretiens professionnels disposera d’un délai pour y procéder sans majoration, dont le terme est fixé à l’échéance de la mise en demeure adressée par l’auteur du contrôle.

Ce n’est que si l’employeur ne défère pas à cette mise en demeure, qu’il devra, à titre de sanction, verser au Trésor public un montant équivalent à l’insuffisance constatée majoré de 100 %, soit le cas échéant, une somme de 6000 euros par salarié concerné. Ce versement se substitue alors à l’abondement du CPF.

Ce versement est établi et recouvré selon les modalités ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d’affaires.

 

Prescription de l’abondement

Aux termes de l’article L. 6323-13 du Code du travail, « le contrôle et le contentieux du versement de l’abondement correctif est opéré selon les règles applicables à la taxe sur le chiffre d’affaires ».

Or, l’article 176 du Livre des procédures fiscales, relatif à la taxe sur le chiffre d’affaires dispose que « le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l’article 269 du Code général des impôts« .

 

Il en résulte que le contrôle de l’abondement ne peut être exercé que jusqu’au terme de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l’abondement est devenu exigible.

 

L’employeur doit donc conserver les justificatifs prouvant qu’il a rempli l’ensemble de ses obligations vis-à-vis des salariés suffisamment longtemps, faute de quoi il pourra être tenu de procéder à l’abondement du CPF.

 

Un droit à indemnisation du salarié ?

On peut également s’interroger sur le point de savoir si le salarié pourrait demander des dommage-intérêts en justice en raison du non-respect par l’employeur de ses obligations en matière d’organisation des entretiens professionnels et de formation ou si l’abondement constitue la seule sanction applicable à un tel manquement.

En tout état de cause, pour qu’une telle action ait une chance de prospérer, il conviendrait de l’engager dans un délai de deux ans à compter de la constatation du manquement dans la mesure où une telle action se rattache à l’exécution du contrat de travail. Il sera également nécessaire que le salarié rapporte la preuve que ce manquement lui a causé un préjudice lequel ne saurait résulter de plein droit du manquement de l’employeur depuis l’abandon de la jurisprudence selon laquelle le manquement de l’employeur cause nécessairement un préjudice au salarié (Cass. soc., 13 avril 2016, n°14-28.293).

Si à ce jour, la Cour de cassation n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur cette question à l’aune de la nouvelle législation applicable sur les entretiens professionnels, elle a pu juger par le passé qu’un salarié n’ayant bénéficié que d’un entretien d’évaluation en dix ans ne pouvait être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat de travail dès lors qu’un accord collectif applicable dans l’entreprise prévoyait que le salarié ayant au moins deux ans d’ancienneté devait bénéficier d’un entretien professionnel au moins tous les deux ans (Cass. soc., 6 juillet 2016, n°15-18.419).

 

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(1) Entretiens professionnels : l’abondement du CPF est-il obligatoire lorsque le salarié n’a pas bénéficié de l’ensemble des entretiens professionnels prévus par la loi ? Damien Decolasse et Matthieu Beaumont

 

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