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Echange de renseignements avec la Suisse : L’administration fiscale française abat de nouvelles cartes

Echange de renseignements avec la Suisse : L’administration fiscale française abat de nouvelles cartes

Le 11 mai 2016, la France, ainsi que l’y autorise le nouvel avenant à la convention fiscale franco-suisse du 25 juin 2014, entré en vigueur le 30 mars 2016, a adressé à l’Administration fédérale des contributions (AFC) une demande groupée d’informations bancaires portant sur des clients de la banque UBS au cours des années 2010 à 2015. L’AFC a fait droit à cette demande et a invité la banque UBS à entrer ne contact avec ses clients résidents fiscaux de France.

Face à la fermeture envisagée de la cellule de régularisation des avoirs étrangers et à la prochaine mise en œuvre de l’échange automatique d’informations avec la Suisse, il apparaît primordial de savoir si une telle demande peut aboutir à la transmission à la France des informations requises.

Cette demande offre également l’occasion de faire le point sur les différents instruments juridiques encadrant les échanges de renseignements entre la France et la Suisse.

I. Echange sur demande : un nouvel avenant à la convention fiscale franco-suisse

A. Contenu du nouvel accord

Le nouvel avenant à la convention fiscale franco-suisse, signé le 25 juin 2014, est entré en vigueur le 30 mars 20161. Il met en conformité le dispositif existant instauré par l’avenant du 27 août 2009 avec les commentaires de l’OCDE qui ont introduit en 2012 la faculté de procéder à des demandes d’information groupées.

Il modifie le mécanisme d’échange de renseignements sur demande introduit par l’avenant du 27 août 2009 qui prévoyait l’obligation de fournir le nom et l’adresse du contribuable visé (ce qui excluait de fait les demandes groupées) et l’obligation d’identifier préalablement l’établissement détenant les informations.

Le nouveau texte vise en premier lieu à permettre les demandes de renseignements sans qu’il soit nécessaire, pour l’Etat requérant, de fournir précisément le nom et l’adresse du contribuable concerné. A cette fin, la référence explicite au nom et à l’adresse est remplacée par une simple référence à « l’identité de la personne », celle-ci « pouvant résulter de la fourniture du nom de cette personne ou de tout autre élément de nature à en permettre l’identification ». Si la « pêche aux renseignements » demeure proscrite, conformément aux recommandations de l’OCDE, cette rédaction autorise implicitement l’Etat requérant à procéder à des demandes groupées s’agissant de contribuables se trouvant dans la même situation.

Par ailleurs, l’obligation pour l’Etat requérant de fournir à l’Etat requis le nom de l’établissement bancaire qui détient les informations demandées est supprimée. Une fois encore, cette obligation résultait de l’interprétation restrictive de l’avenant de 2009. En effet, le nouvel accord précise simplement que si l’autorité requérante a identifié l’établissement détenteur des informations demandées, elle communique ses nom et adresse à l’Etat requis. Cette communication n’étant pas obligatoire, l’administration française peut donc désormais demander des informations, sans avoir à produire le nom de la banque dépositaire.

Enfin, une clause de portée générale précise que l’interprétation que les parties pourraient faire du nouvel accord ne saurait faire obstacle à un échange effectif de renseignements.

B. Une application rétroactive ?

L’administration fiscale suisse a un droit de contrôle sur le contenu de la demande formulée par l’administration fiscale française. Elle a considéré que la demande faite à UBS est conforme aux nouvelles dispositions de l’avenant du 25 juin 2014.

Ceci étant, une divergence d’interprétation semble exister entre la France et la Suisse s’agissant de l’application dans le temps du nouvel accord.

Du côté français, il résulte des travaux parlementaires2 précédant l’adoption de la loi promulguant le nouvel accord que les faits motivant la demande de renseignements doivent être survenus à compter du 1er février 2013. Les renseignements objet de la demande peuvent quant à eux porter sur les années 2010 et suivantes. Ainsi, dans le cadre d’un contrôle portant sur les années 2013 et suivantes, la France est en droit de demander des informations sur des années antérieures, sans pouvoir remonter au-delà du 1er janvier 2010.

Du côté suisse, et compte tenu du fait que l’abandon de l’exigence d’identification préalable de la personne visée a été introduit par l’avenant de 2014, il semblerait qu’une demande groupée ou une demande identifiant le contribuable concerné par des éléments autres que le nom ne soit recevable que si elle porte sur des informations postérieures au 1er février 2013. Les exigences d’identification préalable du contribuable et de la banque resteraient donc applicables aux demandes visant une période antérieure.

L’AFC n’a pas semblé s’émouvoir de l’incertitude entourant le champ d’application temporel du nouvel accord et a, dans une communication du 26 juillet 2016, invité les personnes concernées à lui communiquer leur nom et adresse et à désigner, avant le 15 août 2016, un représentant en Suisse, seul habilité à les représenter auprès des autorités fiscales suisses et avoir accès aux éléments du dossier.

Deux voies s’offrent ensuite au contribuable ayant levé son anonymat :

  • Soit il consent à la transmission des données à l’AFC qui les relayera à l’administration fiscale française. La procédure arrivera ainsi à son terme.
  • Soit il n’y consent pas. L’AFC accorde néanmoins l’assistance administrative et lui notifie alors sa décision susceptible de recours devant le tribunal administratif fédéral (TAF) dans les 30 jours suivant sa publication à la feuille fédérale.

S’agissant d’UBS, le tribunal administratif fédéral (TAF) vient de lui reconnaître la qualité de partie à la procédure3. Par conséquent, elle peut faire valoir ses droits dans le cadre de la procédure en cours et notamment, l’AFC doit lui donner accès à tous les éléments du dossier et lui notifier toutes ses décisions finales.

Le tribunal administratif fédéral ne s’est en revanche pas prononcé sur l’admissibilité même de la demande de la France à l’AFC. Une affaire similaire, portée devant le Tribunal fédéral, apporte néanmoins un éclairage sur ce point.

Sur le fondement de la validité des demandes groupées, l’AFC avait accepté une demande d’assistance administrative émanant des Pays-Bas en novembre 2015. Elle aurait ainsi communiqué aux autorités fiscales néerlandaises l’identité d’une centaine de clients de l’UBS résidents fiscaux des Pays-Bas.

Suite au recours d’un contribuable concerné, le TAF a, le 21 mars 2016, jugé que l’AFC ne pouvait faire droit à la demande des Pays-Bas au motif que la convention fiscale entre les Pays-Bas et la Suisse excluait les demandes groupées sans indication de nom.

L’AFC a fait appel de cette décision et fondé son recours sur un accord amiable de 2011 qui précisait que les personnes visées par une demande groupée pouvaient être identifiées par d’autres moyens que le nom et l’adresse.

Dans un arrêt du 16 septembre 20164, le Tribunal fédéral a admis le recours de l’AFC et considéré que le fait que les nom et adresse ne doivent pas nécessairement être mentionnés résulte du but de la convention fiscale entre les Pays-Bas et la Suisse qui consiste à « assurer un échange de renseignements en matière fiscale qui soit le plus large possible, sans qu’il soit pour autant loisible aux Etats contractants de procéder à une pêche aux renseignements ». Il faut donc en déduire que la demande des autorités fiscales néerlandaises ne présentait pas le caractère d’une « une pêche aux renseignements » et que l’assistance administrative pouvait donc être accordée, sous réserve que les autres conditions de son octroi soient satisfaites.

Compte tenu de ce que laisse augurer cette décision et de l’effet d’entraînement qu’aura l’échange automatique de renseignements avec la Suisse qui entrera en vigueur le 1er janvier 2018, les titulaires (ou anciens titulaires) d’un compte en Suisse non déclaré ont intérêt à régulariser au plus vite leur situation auprès des autorités fiscales françaises. Une démarche rapide et spontanée ouvre en effet droit aux atténuations de pénalités prévues à la circulaire Cazeneuve du 21 juin 2013 dont le barème est régulièrement revu.

II. Echange automatique : L’accord multilatéral entre autorités compétentes pour l’échange automatique de renseignements et l’accord modifié entre l’Union européenne et la Suisse sur la fiscalité de l’épargne

A. L’accord multilatéral adopté par la France et la Suisse

L’accord multilatéral entre autorités compétentes pour l’échange automatique de renseignements (EAR) relatifs aux comptes financiers signé le 29 octobre 2014 a été approuvé par la France5 et par la Suisse6. L’échange automatique de renseignements entrera ainsi en vigueur en Suisse au 1er janvier 2018.

Conformément à la norme commune de déclaration (Common Reporting Standard) déterminée par l’OCDE, les informations suivantes sont couvertes par l’échange automatique et doivent être déclarées annuellement par les institutions financières: les nom, adresse, numéro d’identification fiscale et lieu de naissance (dans le cas d’une personne physique) de chaque personne résident d’un Etat partenaire titulaire d’un compte déclarable. Dans l’hypothèse où le titulaire du compte est une entité, les mêmes données seront transmises quant à ceux qui en détiennent le contrôle. S’ajoutent le numéro du compte, les nom et numéro d’identification de l’Institution financière déclarante ainsi que le solde du compte à la fin de l’exercice considéré ou à tout autre moment jugé adéquat (solde à la clôture du compte par exemple). Enfin doivent également être déclarés les intérêts, dividendes et autres revenus des actifs financiers.

B. L’accord entre l’Union européenne et la Suisse

Un nouvel accord entre l’Union européenne et la Suisse a été signé le 27 mai 2015. Cet accord remplace l’accord entre les parties du 26 octobre 2004, entré en vigueur le 1er juillet 2005, sur la fiscalité de l’épargne. Ce protocole de modification fait écho à l’abrogation de la directive 2003/48/CE dite directive « épargne » résultant de l’inclusion des intérêts dans les revenus couverts par l’échange de renseignements prévu à la directive 2014/107/UE. Il prévoit ainsi des mesures équivalentes à celles prévues à la directive 2014/107/UE c’est-à-dire l’échange automatique de renseignements s’agissant des revenus de l’épargne.

L’accord a été ratifié par l’Union européenne et dernièrement par la Suisse7. L’échange automatique de renseignements entre l’Union européenne et la Suisse s’appliquera donc à compter du 1er janvier 2018 et concernera des informations portant sur l’année 2017. Les Etats partenaires (chaque Etat membre de l’Union européenne et la Suisse) échangeront, dans le cadre de la norme commune de déclaration, les informations relatives aux comptes détenus par les non-résidents de leur Etat.

Compte tenu de la rapidité avec laquelle la France a mis en œuvre le nouvel accord d’échange de renseignements sur demande, le rythme des demandes va probablement s’intensifier dès lors qu’entrera en vigueur l’échange automatique, ce dernier permettant d’attirer l’attention de l’administration fiscale sur des situations potentiellement inconnues auparavant.

Notes

1 Décret n°2016-534 du 29 avril 2016 du côté français et publication au Registre Officiel fédéral n°40 du 19 avril 2016 du côté suisse.
2 Cf. rapports de présentation du nouvel avenant à l’Assemblée Nationale (N°3300 par Boinali Said) et au Sénat (N°387 par Eric Doligé)
3 Tribunal administratif fédéral, 25 octobre 2016, A-4974/2016
4 Tribunal fédéral, 16 septembre 2016, 2C_276/2016
5 Loi n°2015-1778 du 28 décembre 2015.
6 Loi fédérale (LEAR) du 18 décembre 2015 publié au Registre Officiel Fédéral n°45 du 10 mai 2016 suite à l’expiration du délai référendaire au 9 avril 2016.
7 L’arrêté fédéral portant approbation et mise en œuvre de l’accord a été adopté au vote par les assemblées suisses le 17 juin 2016.

Auteurs

Bernhard Lötscher, Partner, CMS von Erlach Poncet Ltd

Dimitar Hadjiveltchev, avocat spécialisé en fiscalité internationale, CMS Bureau Francis Lefebvre

Rosemary Billard-Moalic, avocat, fiscalité internationale, CMS Bureau Francis Lefebvre

Mise à jour de l’article du 13 juillet 2016

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