Envoi de salariés à l’étranger : pensez à l’assurance chômage !

4 mars 2015
Dans quels cas un employeur doit-il affilier ses salariés détachés ou expatriés à l’assurance chômage française ? La circulaire Unédic parue le 23 décembre 2014 est l’occasion de refaire le point sur cette question importante.
Situation des salariés détachés vis-à-vis de l’assurance chômage
Un salarié peut être «détaché» par son employeur établi en France :
- au sein d’un Etat membre de l’Espace économique européen (ou de la Suisse), en application du règlement communautaire n°883/2004 du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;
- au sein d’un pays ayant conclu avec la France un accord bilatéral de sécurité sociale qui prévoit la possibilité d’un tel détachement ;
- ou encore, au sein d’un pays non européen, non signataire d’un accord de sécurité sociale avec la France, en application de l’article L. 761-2 du Code de la sécurité sociale. Ce texte prévoit ainsi la possibilité de maintenir un salarié affilié à la législation française de sécurité sociale pour une durée maximale de trois ans. Pour autant, ce type de détachement ne dispense pas l’employeur de verser les cotisations sociales obligatoires dans le pays d’accueil.
Dans tous ces cas, les salariés demeurent rattachés à la sécurité sociale française, et partant, à l’assurance chômage, comme s’ils travaillaient en France.
A leur retour en France, les salariés ayant perdu leur emploi au cours de leur détachement ou à l’issue de ce dernier, peuvent ainsi bénéficier des prestations de chômage françaises à condition d’en remplir les conditions d’attribution (durée minimum d’affiliation, résidence en France, recherche effective d’un emploi, etc.).
L’obligation d’affilier les salariés expatriés en dehors de l’Union européenne
Les entreprises qui ont un établissement en France et qui envoient leurs salariés en mission de longue durée à l’étranger (hors Espace économique européen et Suisse) dans le cadre d’une « expatriation » sont en principe dispensés de payer les cotisations sociales françaises.
Cependant, comme le rappelle la circulaire Unédic du 23 décembre 2014, elles doivent impérativement maintenir, pour leurs salariés expatriés, une affiliation à l’assurance chômage française, et ce indépendamment de leur nationalité (avant l’entrée en vigueur de la nouvelle convention d’assurance chômage, l’affiliation n’était obligatoire que pour les français ou ressortissants de l’Union européenne).
Comme l’a précisé la Cour de cassation dans une décision du 1er avril 2003, l’affiliation au chômage est obligatoire même si le salarié a signé un contrat de travail local avec la société qui l’accueille à l’étranger. Peu importe également que le salarié soit assuré, pendant son expatriation, auprès d’un régime étranger offrant des garanties similaires au système français.
Les contributions à l’assurance chômage sont dues, dans la limite d’un salaire de 12.680 € bruts par mois pour 2015 :
- soit sur la base de l’ensemble des rémunérations brutes plafonnées (incluant, le cas échéant les primes liées à l’expatriation…) ;
- soit, dans certaines conditions, sur la base de la rémunération brute que le salarié aurait perçue, pour les mêmes fonctions, s’il avait travaillé en France.
Rappelons que l’affiliation des salariés expatriés doit se faire auprès d’une branche spécifique de Pôle Emploi: «Pôle Emploi Services» (ex GARP). Elle permet au salarié expatrié de retour en France de percevoir les mêmes prestations de chômage et dans les mêmes conditions que s’il n’était pas parti à l’étranger.
Si le salarié expatrié est privé de ces prestations du fait d’une absence de cotisations ou de cotisations insuffisantes pendant la mission à l’étranger, il peut agir contre son employeur défaillant et prétendre à des dommages-intérêts. Dans un arrêt du 20 février 2013, la cour d’appel de Grenoble a ainsi condamné un employeur à verser des dommages-intérêts à l’un de ses directeurs expatriés en Chine, du fait du préjudice causé par l’insuffisance de contributions à l’assurance chômage pendant son séjour à l’étranger.
Salariés «expatriés» en Europe : des règles particulières s’appliquent
En cas d’expatriation au sein d’un pays de l’Espace économique européen ou en Suisse, il n’y a pas lieu de maintenir une affiliation à l’assurance chômage française. En application du règlement communautaire n°883/2004, toutes les cotisations de sécurité sociale afférentes à la rémunération perçue pendant l’expatriation, y compris les cotisations d’assurance chômage, doivent être payées dans le pays d’accueil, selon la législation locale.
De ce fait, si le salarié perd son emploi, les droits à prestations chômage ne seront pas les mêmes qu’en cas d’expatriation en dehors de cette zone géographique. Mais sous certaines conditions, les salariés expatriés peuvent faire valoir leurs droits en cas de retour en France.
Beaucoup se souviennent de l’épisode des traders français licenciés, à Londres, dans le cadre de la crise financière de 2008, qui grâce à une journée de travail en France, avaient pu obtenir de la part de Pôle Emploi des indemnités proportionnelles au salaire qu’ils percevaient au Royaume-Uni ou calculées en fonction d’un salaire «d’équivalence».
Les règles ont quelque peu changé depuis l’entrée en vigueur, le 1er mai 2010, du règlement communautaire n°8883/2004 relatif à la coordination des systèmes de sécurité sociale.
En effet, il est toujours nécessaire de travailler au moins une journée en France après l’expatriation pour pouvoir être indemnisé par Pôle Emploi. De plus, les périodes passées dans un autre Etat-Membre sont prises en considération pour l’ouverture des droits à chômage. En revanche, l’allocation chômage n’est désormais calculée que sur les seules rémunérations perçues en France. Elle ne prend plus en compte le salaire perçu pendant l’expatriation.
Précisons que si le salarié expatrié en Europe perd son emploi et s’il ne retravaille pas en France après son expatriation, il n’aura pas droit aux allocations de chômage françaises. Il lui faudra solliciter le bénéfice de l’assurance chômage dans le pays où il est expatrié (en répondant aux conditions requises) puis solliciter, à son retour en France, le maintien de ces allocations pour une durée maximale de trois mois.
Auteurs
Caroline Froger-Michon, avocat en matière de droit social.
Guillemette Peyre, avocat, en matière de droit social.
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