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Falsification de factures personnelles : le licenciement pour faute grave est justifié

Falsification de factures personnelles : le licenciement pour faute grave est justifié

Par un arrêt du 16 janvier 2019 (n°17-15002), la Cour de cassation entérine sa jurisprudence selon laquelle des faits tirés de la vie personnelle du salarié peuvent justifier un licenciement pour faute, la fraude à l’assurance constituant en l’espèce un manquement à l’obligation de loyauté de la salariée. Explications.

Rappel des faits

Deux salariés travaillaient pour une société filiale de plusieurs organismes complémentaires d’assurance maladie en tant que conseillers de santé.

L’une des deux salariés, qui occupait le poste de superviseur d’une équipe de conseillers santé, a, avec l’aide de son collègue, falsifié des factures personnelles afin de tenter d’obtenir un remboursement de frais de soins médicaux auprès de l’un de ces organismes à hauteur de 7 000 euros.

L’organisme en question assurait non seulement la couverture collective de l’ensemble des salariés de l’employeur, mais était également client de celui-ci.

La salariée a contesté son licenciement pour faute grave, estimant que des faits tirés de la vie personnelle ne sauraient justifier un licenciement disciplinaire, sauf à constituer un manquement de l’intéressé à une obligation de son contrat de travail ou se rattachant à la vie professionnelle.

Principe : un fait tiré de la vie personnelle ne saurait justifier un licenciement disciplinaire

L’argument soulevé par la salariée n’étonne pas. La Cour de cassation a érigé en principe la règle selon laquelle un fait tiré de la vie personnelle ne peut, en principe, constituer une faute dans les relations de travail (Cass. Soc., 23 juin 2009, n°07-45.256).

C’est donc sur cette base que la salariée a – vainement – tenté de faire valoir devant la Cour d’appel puis devant la Cour de cassation que la falsification des factures n’avait aucun lien avec sa vie professionnelle et ne saurait donc servir de motif à son licenciement.

A cette fin, la salariée soutenait :

  • d’une part que le fait d’avoir, en tant qu’assurée d’un organisme d’assurance complémentaire de santé, falsifié des factures personnelles pour tenter d’obtenir un remboursement de frais de santé, ne saurait être rattaché à l’exercice de ses fonctions, ces faits ayant été commis en dehors de son lieu et de son temps de travail et sans user de ses fonctions ou des moyens dont elle disposait dans l’entreprise ;
  • d’autre part, que la Cour d’appel ne pouvait retenir que les fausses factures établies avaient été mises au nom d’un dentiste membre du réseau de praticiens constitué par l’employeur et que les falsifications avaient été établies à partir des factures similaires à celles manipulées par la salariée dans le cadre de ses fonctions. La salariée faisait valoir qu’elle avait subi des soins auprès du prestataire dont les factures ont été falsifiées bien avant d’avoir été embauchée par l’employeur, de sorte que le choix de ce praticien ne pouvait être considéré comme directement lié à ses activités professionnelles.

Exception au principe lorsque le fait en question peut être rattaché à la vie professionnelle du salarié

La Cour de cassation rejette l’ensemble des arguments soulevés par la salariée.

En effet, selon la Cour de cassation, l’employeur ne peut licencier un salarié pour motif disciplinaire en raison de faits commis hors du temps et du lieu de travail que si ceux-ci sont soit susceptibles d’être rattachés à sa vie professionnelle, soit caractérisent un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail (Cass. Soc., 3 mai 2011, n°09-67464).

Or, en l’espèce, la Cour de cassation a relevé que :

  • les faits reprochés avaient été commis auprès de l’assureur complémentaire de santé avec lequel l’employeur avait contracté une couverture complémentaire de santé ;
  • les faits avaient eu lieu au détriment de l’un des principaux clients de l’employeur et de l’un des praticiens de son réseau professionnel ; et enfin
  • les falsifications avaient été établies à partir de factures similaires à celles que chacun des salariés manipulait dans le cadre de ses fonctions et manifestement grâce à la connaissance de ces documents acquise dans ce cadre.

Les faits étaient donc bien rattachés à la vie de l’entreprise, de sorte que l’employeur pouvait, sur la base de ces éléments, prononcer le licenciement des deux salariés.

Cet arrêt confirme la jurisprudence antérieure sur les limites aux faits tirés de la vie personnelle.

Ainsi, à titre d’exemple, il a été jugé que le licenciement d’un salarié ayant remis en connaissance de cause des bulletins falsifiés pour obtenir un prêt immobilier et qui a lui-même tenté de tromper son employeur en lui remettant des documents bancaires qu’il savait falsifiés afin de se soustraite aux poursuites de ses créanciers était justifié. En effet, pour la Cour de cassation, ce comportement est fautif et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. Soc., 23 octobre 2002, n°00-41671).Dans le même ordre d’idées, les faits commis par le salarié en sa qualité d’allocataire d’une caisse d’allocations familiales qui étaient les mêmes que ceux qu’il était chargé de poursuivre dans ses fonctions de rédacteur d’une caisse constituaient une faute grave, le salarié étant soumis à une obligation particulière de loyauté et de probité (Cass. Soc., 25 février 2003, n°00-42031).

Enfin, le vol commis par un salarié dans le cadre de sa vie privée peut justifier un licenciement lorsque ce vol a été commis au préjudice d’un client de l’employeur ou que le salarié a utilisé des moyens mis à sa disposition dans le cadre de son travail pour commettre ces faits.

Ainsi, la barrière vie personnelle et vie professionnelle n’est pas totalement étanche : même pour des faits commis en-dehors de leur lieu et de leur temps de travail, les salariés ne sont pas à l’abri que ces faits puissent être rattachés à l’exercice de leurs fonctions et justifier une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement…

 

Auteurs

 

 

Falsification de factures personnelles : le licenciement pour faute grave est justifié – Article paru dans Les Echos Exécutives le 11 mars 2019

 

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