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Faire du commerce sans le savoir

Faire du commerce sans le savoir

La question qui était posée à la Cour était et reste brûlante d’actualité : c’est celle de savoir si un particulier peut vendre plus ou moins régulièrement des biens ou des services sans payer d’impôts ou de charges sociales, ni déclarer son activité.

Au cas d’espèce, des perquisitions effectuées au domicile de deux personnes physiques avaient permis de révéler un stock d’objets, dont elles revendiquaient d’ailleurs la propriété par la présentation de factures d’achat. Ces objets avaient vocation à être revendus. Ces deux personnes avaient alors été poursuivies pour travail dissimulé par dissimulation d’activité, faute de s’être immatriculées au registre du commerce et des sociétés (RCS).

Les juges de première instance, comme la Cour d’appel, avaient prononcé la relaxe au motif, d’une part, que la première personne avait une activité très limitée dont le caractère professionnel n’était pas démontré et, d’autre part, que la seconde personne avait certes réalisé de nombreux achats et constitué un stock mais qu’il lui était loisible de ne pas revendre ces objets.

L’arrêt de la Cour d’appel est cassé par la Chambre criminelle au visa de l’article L. 8221-3 du Code du travail et des articles L. 110-1, L. 121-1 et L. 123-1 du Code de commerce au motif « qu’acquiert la qualité de commerçant assujetti à l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, quiconque, agissant en son nom et pour son propre compte, se livre de manière habituelle et professionnelle à des achats de biens meubles en vue de les revendre » (Cass. crim., 30 mars 2016, n°15-81.478).

Cette motivation découle d’une stricte application de l’enchaînement des textes. En effet, l’article L. 110-1 du Code de commerce répute actes de commerce « tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en vente ». L’article L. 121-1 du même code énonce que « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle » et l’article L.1 23-1 du Code de commerce dispose que doivent s’inscrire au RCS « les personnes physiques ayant la qualité de commerçant ». Dès lors, très logiquement, celui qui fait des actes de commerce de façon habituelle sans être immatriculé au RCS s’expose aux sanctions prévues en cas de travail dissimulé par application de l’article L. 8221-3 du Code du travail selon lequel « est réputé travail dissimulé par dissimulation d’activité, l’exercice à but lucratif d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations […] n’a pas demandé son immatriculation […] au registre du commerce et des sociétés, lorsque cette immatriculation est obligatoire […] ».

La cour d’appel de Besançon, devant laquelle l’affaire est renvoyée, a la charge de se prononcer sur la question de savoir si les deux particuliers peuvent ou non être qualifiés de commerçants. Conformément à la jurisprudence en la matière, elle devra donc examiner si les conditions d’exercice habituel, à titre personnel et indépendant, de l’activité d’achat/revente sont remplies.

Il est probable que les condamnations pour travail dissimulé fleurissent avec l’apparition et la multiplication des plates-formes numériques, sur lesquelles des particuliers non immatriculés au RCS vendent des produits ou des services.

Rappelons toutefois que le nouvel article L. 111-5-1 du Code de la consommation, tel qu’issu de la loi n°2015-990 du 6 août 2015, dite loi « Macron », prévoit désormais que « toute personne dont l’activité consiste à mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service est tenue de délivrer une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des offres mises en ligne.
Lorsque seuls des consommateurs ou des non-professionnels sont mis en relation, la personne mentionnée au premier alinéa du présent article est également tenue de fournir une information loyale, claire et transparente sur la qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale »
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Auteurs

Brigitte Gauclère, avocat Counsel en droit commercial, de la distribution et immobilier.

Miléna Oliva, avocat en droit commercial et droit de la distribution.

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