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Filialisation et responsabilité de la mère

Filialisation et responsabilité de la mère

Peut-on filialiser une activité déficitaire sans transférer les moyens suffisants à sa filiale ? La question de la filialisation abusive a déjà été l’objet de débats, notamment à l’occasion de l’affaire Rhodia/Sanofi (CA Paris, pôle 5, ch. 8, 17 sept. 2013, n°12/02203).

Cette question est à nouveau d’actualité puisque la Cour de cassation a été saisie de cette affaire. Par un arrêt rendu en date du 12 mai 2015 (n°13-27.716), la chambre commerciale a confirmé l’arrêt d’appel et rejeté le pourvoi formé par Rhodia.

Le fait de «filialiser» une activité déficitaire sans transférer à sa filiale les moyens nécessaires pour faire face au passif peut être considéré comme une faute d’imprudence ou de négligence de la part de la société mère. La société Rhodia reprochait ainsi à la société Sanofi de lui avoir transféré une activité comportant un important passif de retraite et d’environnement et de ne pas l’avoir dotée d’actifs suffisants pour lui permettre d’y faire face. Elle souhaitait obtenir réparation du préjudice subi.

Néanmoins, ni les juges du fond ni la Cour de cassation n’ont donné de suite à cette demande. Ceux-ci ont, en effet, estimé que la société Sanofi n’avait pas méconnu les intérêts de la société Rhodia, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elle l’a dotée de fonds propres d’un montant égal à 2,18 milliards d’euros. Ensuite, dans la période qui suit la filialisation, la société Rhodia est devenue un acteur majeur de l’industrie chimique et a formé le «premier groupe de chimie de France», dont les titres ont, ultérieurement, été admis à la cotation. Néanmoins, il avait été plaidé que la valeur de ces titres avait considérablement chuté à partir des années 2000. À cela, les juges du fond ont répondu que cette baisse valeur n’était pas due à l’existence des passifs transférés mais «à un contexte pénalisant pour la chimie ainsi qu’à diverses opérations coûteuses». En somme, il n’était pas démontré, en l’espèce, que l’échec de la société Rhodia était dû à un transfert insuffisant de moyens.

L’affaire Rhodia illustre donc un phénomène bien connu lorsqu’un groupe est restructuré. Certes, lorsque des passifs importants existent, la société qui transfère sa branche d’activité doit fournir à la société bénéficiaire les moyens d’y faire face. À défaut, elle engagerait sa responsabilité civile et serait donc tenue de contribuer à l’insuffisance d’actif. Encore faut-il, cependant, que l’insuffisance de moyens soit démontrée. En l’espèce, tel n’était pas le cas puisque l’activité qui avait suivi la filialisation n’avait connu aucune difficulté. Les premières complications ne sont apparues qu’après certains choix stratégiques ultérieurs. Le partage des responsabilités à l’occasion d’une opération de filialisation est donc une question qui n’est pas évidente et qui soulèvera immanquablement de nouveaux contentieux.

 

Auteur

Christophe Blondeau, avocat associé spécialiste des opérations transactionnelles de fusions – acquisitions, de joint-venture et de private equity.

 

*Filialisation et responsabilité de la mère* – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 15 juin 2015
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