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Les remises sur les produits de l’entreprise et le risque de redressement URSSAF

Une tolérance permet qu’aucun avantage ne soit constaté lorsque l’employeur accorde à ses salariés des remises n’excédant pas 30% du prix public sur les produits de l’entreprise. Cette tolérance certes avantageuse donne cependant lieu à une application restrictive.

L’existence d’une tolérance pour les remises n’excédant pas 30% du prix de vente public

Lorsque l’employeur accorde des remises tarifaires à ses salariés sur les produits qu’il vend au public, il en résulte une économie pour les intéressés.

Cette économie en ce qu’elle constitue pour le salarié un avantage en nature accordé en raison de son appartenance à l’entreprise doit en principe être soumise aux cotisations de sécurité sociale.

Cela étant, une tolérance a été introduite sous l’empire de l’ancien arrêté du 9 janvier 1975 et reconduite sous l’empire de l’arrêté du 10 décembre 2002.

Ainsi, la circulaire ministérielle du 7 janvier 2003 précise que «les fournitures de produits et services réalisés par l’entreprise à des conditions préférentielles ne constituent pas des avantages en nature dès lors que leurs réductions tarifaires n’excèdent pas 30% du prix de vente public normal, toutes taxes comprises».

Elle poursuit en indiquant que «lorsque la fourniture est gratuite ou lorsque la remise dépasse 30% du prix de vente normal, il convient de réintégrer la totalité de l’avantage en nature dans l’assiette».

Cette tolérance donne lieu à une application stricte suite à la position retenue par la Cour de cassation dans plusieurs arrêts.

Une tolérance uniquement applicable aux biens ou services produits par l’employeur

La circulaire du 7 janvier 2003 précise que la tolérance ne concerne que les biens ou services produits par l’entreprise qui emploie le salarié à l’exclusion des produits ou services acquis par l’entreprise auprès d’un fournisseur ou d’une autre entreprise.

Il est vrai que certaines URSSAF ont été amenées à reconnaître l’applicabilité de la tolérance au sein d’un groupe et en particulier d’une unité économique et sociale (UES), considérant que la notion d’entreprise doit prendre en compte l’inclusion au sein d’un tel groupe ou d’une telle unité, dès lors que le bénéfice des tarifs préférentiels a pour fondement l’appartenance au groupe ou à l’UES, et considérant également que la tolérance n’est exclue que lorsque les produits sont réalisés par une entreprise extérieure au groupe, notamment dans le cadre de relations exclusivement commerciales.

La Cour de cassation ne l’a cependant pas entendu ainsi. En effet, par application du principe d’interprétation stricte des exceptions, elle a limité le champ d’application de la tolérance à l’intérieur de l’entreprise qui produit les biens ou services.

Ainsi, dans un arrêt du 14 septembre 2006 (n°05-11840), elle a approuvé la réintégration dans l’assiette des cotisations de l’avantage constitué par des offres spéciales sur les abonnements téléphoniques SFR et internet AOL qui sont accordées par la société Cegetel –filiale du groupe dont font aussi partie les sociétés SFR et AOL– à ses salariés. Puis, de manière encore plus expresse, dans un arrêt du 1er juillet 2010 (n°09-14364), la Cour de cassation a décidé que «les remises sur le prix des produits vendus par d’autres sociétés du groupe SEB» à des salariés de la société Calor «constituaient des avantages en nature soumis à cotisations».

Cette restriction n’est pas sans poser de difficultés dans le cadre d’un groupe d’entreprises au sein duquel les produits commercialisés par l’une des enseignes sont distribués aux salariés des autres sociétés du groupe qui concourent à l’activité et qui regroupent par exemple les fonctions support.

Il est en effet contestable que le choix de scinder les activités du groupe en plusieurs sociétés juridiquement indépendantes les unes des autres conduise à ne plus appliquer l’exclusion de l’assiette des cotisations, lorsqu’il existe des liens étroits entre les différentes sociétés.

Cela conduit à créer une inégalité dans les avantages accordés aux salariés qui participent à l’activité commune du groupe.

En dépit de ces difficultés, les URSSAF n’hésitent pas à notifier des redressements.

Une autre difficulté peut survenir dans le cadre d’un contrôle. En effet, si l’employeur établit qu’il entre dans le champ de la tolérance, il se pose la question de savoir sur quelle base se calcule la réduction maximale de 30%.

Les incertitudes relatives à la détermination du prix pour le calcul de la tolérance

La circulaire questions-réponses du 19 août 2005 est venue préciser la notion de «prix public TTC pratiqué par l’employeur» sur lequel est calculée la remise tarifaire de 30%.

Ainsi, notamment, selon cette circulaire, lorsque le produit est habituellement commercialisé dans une boutique, il convient de retenir «le prix TTC le plus bas pratiqué dans l’année par l’employeur pour la vente du même produit à la clientèle de la boutique».

Les URSSAF s’attachent à vérifier le prix retenu pour l’application de la tolérance et n’hésitent pas à procéder à des redressements chaque fois qu’elles estiment que le prix public TTC a été sous-évalué.

Il existe un enjeu important sur ce thème alors même que la détermination du prix peut donner lieu à des incertitudes. Qu’en est-il par exemple lorsque l’employeur pratique fréquemment des offres promotionnelles sur ses produits ?

Les URSSAF ont tendance à exclure de la détermination du prix public normal toutes les offres promotionnelles effectuées par l’employeur.

La Cour de cassation a toutefois adopté une position plus nuancée. En effet, elle a jugé que seules doivent être exclues les offres qui ne présentent pas de caractère permanent et stable, c’est-à-dire celles qui sont limitées dans le temps et qui sont ponctuelles et exceptionnelles (Cass. civ. 2e, 29 novembre 2012, n°11-23919 ; CA Douai, 31 mai 2013, n°11/00217).

Dès lors que les offres promotionnelles pratiquées sur certains produits sont telles que le prix réduit correspond à un prix normal de vente et dès lors que le commerce de ces produits est indissociablement lié aux promotions pratiquées, il peut être soutenu que le prix à retenir pour le calcul de la tolérance est le prix remisé.

De même, qu’en est-il lorsque les produits distribués aux salariés à des tarifs préférentiels sont des invendus ?

Il pourrait là encore être soutenu que s’agissant de ces produits, qui ne peuvent par définition être vendus au public, aucun prix de vente normal n’existe, ce d’autant que le produit présenterait un défaut qui en diminuerait la valeur.

Une tolérance à appliquer avec prudence…

Au regard de l’application stricte de la tolérance administrative, les entreprises sont invitées à utiliser la faculté qui leur est offerte de faire bénéficier leurs salariés de remises tarifaires dans la limite de 30% avec la plus grande prudence.

Cette prudence n’exclut cependant pas totalement l’incertitude sur l’analyse que pourra retenir l’URSSAF pour chaque cas particulier.

 

Auteurs

Delphine Pannetier, avocat en droit du travail et droit de la sécurité sociale.

Chloé Sannier-Talbotier, avocat en droit social

 

*Les remises sur les produits de l’entreprise et le risque de redressement URSSAF* – Article paru dans Les Echos Business le 13 avril 2015
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