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Licenciement économique : pas de dispense des obligations relatives au préavis et au reclassement même en cas de demande du salarié

Licenciement économique : pas de dispense des obligations relatives au préavis et au reclassement même en cas de demande du salarié

Au cours d’une réorganisation, un employeur informe l’une de ses salariées que son poste sera supprimé et qu’elle peut bénéficier de mesures d’accompagnement.
Dans une démarche proactive, la salariée lui précise qu’elle a retrouvé un emploi sous réserve d’être disponible rapidement, et lui demande d’être licenciée au plus vite sans effectuer de préavis.

 

Tenant compte de ce souhait, l’employeur lui notifie son licenciement pour motif économique dans les jours qui suivent et lui indique qu’il accepte sa demande d’être dispensée d’exécuter son préavis.
Il est pourtant condamné, dans un arrêt de la Cour de cassation du 7 décembre 2022 (1), à lui verser une indemnité compensatrice de préavis ainsi que des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Il résulte de l’article L. 1231-4 du Code du travail que l’employeur et le salarié ne peuvent renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles relatives au licenciement. Ce principe s’applique, comme en l’espèce, aux règles entourant l’exécution du préavis ainsi qu’à l’obligation de reclassement dans le cadre d’un licenciement économique.

 

S’il est loisible pour un employeur de tenir compte du souhait d’un salarié de quitter rapidement l’entreprise, a fortiori lorsque ce dernier a retrouvé un nouvel emploi dans un contexte de licenciement économique, l’arrêt commenté est l’occasion de rappeler qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation.

 

L’employeur ne peut tenir compte de la renonciation du salarié à exécuter son préavis lorsqu’elle est exprimée avant la notification de son licenciement

Il est de jurisprudence constante qu’en cas d’inexécution du préavis par le salarié, l’employeur n’est tenu au paiement d’une indemnité compensatrice que lorsqu’il a unilatéralement dispensé le salarié de l’exécuter, ou lorsque cette inexécution lui est imputable (2). En d’autres termes, lorsque c’est le salarié qui demande à être dispensé de son préavis, il n’a pas droit au versement d’une indemnité compensatrice.

 

Au cas particulier, l’employeur expliquait qu’il n’était pas tenu au paiement d’une telle indemnité puisque la salariée avait demandé à ne pas effectuer son préavis quelques jours avant la notification de son licenciement afin d’être disponible pour débuter son nouvel emploi. C’est ainsi que dans la lettre de notification du licenciement pour motif économique, l’employeur avait simplement confirmé à la salariée qu’il acceptait sa demande de dispense de préavis.

 

Au visa de l’article L.1231-4 du Code du travail, la Cour de cassation considère que la renonciation de la salariée à l’exécution de son préavis «n’était pas valable comme intervenue avant la notification de son licenciement». Cette renonciation ne pouvant être prise en compte, la dispense de préavis émanait donc de l’employeur, qui était alors redevable d’une indemnité compensatrice de préavis.

 

Cette solution, bien que sévère pour l’employeur, n’est pas nouvelle. Elle avait déjà été dégagée par la Haute juridiction dans un arrêt du 18 mai 1999 (3). Juridiquement, elle s’explique par le fait que le droit au préavis nait au moment de la notification du licenciement, de sorte que le salarié ne peut renoncer par avance à un droit qui n’est pas encore né.

 

Dans ces conditions, l’on ne peut que recommander à l’employeur, dans cette situation, de demander au salarié de réitérer par écrit sa demande de dispense de préavis postérieurement à la notification de son licenciement afin que sa renonciation soit considérée comme valable, l’exonérant ainsi du versement d’une indemnité compensatrice.

 

L’employeur doit respecter son obligation préalable de reclassement même lorsque le salarié demande à être licencié rapidement

L’employeur ne peut licencier un salarié pour motif économique qu’après avoir préalablement recherché, au sein de l’entreprise et du groupe auquel elle appartient en France, les possibilités de reclassement. Il doit ensuite proposer au salarié les postes disponibles qu’il a identifiés (4). Le non-respect de cette obligation de reclassement est lourde de conséquences puisque le licenciement est alors sans cause réelle et sérieuse.

 

Au cas particulier, après avoir informé la salariée de la suppression de son poste, l’employeur lui avait proposé un accompagnement à la recherche d’emploi. La salariée a répondu qu’elle n’était pas intéressée par cet accompagnement, dès lors qu’elle avait d’ores et déjà retrouvé un emploi. Tenant compte du souhait de la salariée d’être licenciée rapidement, l’employeur lui a notifié son licenciement sans lui proposer au préalable de postes de reclassement dans l’entreprise ou le groupe.

 

Considérant que «l’employeur ne peut limiter ses recherches de reclassement et ses offres en fonction de la volonté du salarié, exprimée par avance, en dehors de toute proposition concrète», la Cour de cassation précise que la demande de la salariée «ne pouvait dispenser l’employeur de ses obligations légales en matière de licenciement pour motif économique». Elle juge, en conséquence, que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

 

L’on savait déjà que l’employeur ne peut, avant toute recherche ou proposition de reclassement, prendre l’initiative de questionner les salariés sur leurs souhaits ou leur demander de remplir une «fiche d’intention» afin d’orienter ses recherches (5). Il peut uniquement tenir compte des souhaits exprimés par le salarié en réponse à une proposition concrète de reclassement.

 

Tel est notamment le cas si, pour des raisons familiales, un salarié exprime le souhait de ne pas s’éloigner de son domicile (6). L’employeur peut alors limiter ses prochaines recherches au périmètre géographique défini par le salarié.

 

Dans l’arrêt commenté, il était reproché à l’employeur d’avoir tenu compte du souhait de la salariée de ne pas bénéficier de l’accompagnement à la recherche d’emploi avant même de lui avoir proposé des postes de reclassement. Il aurait donc dû, malgré le souhait exprimé par la salariée, lui transmettre des propositions concrètes de reclassement afin de satisfaire à son obligation légale, laquelle est d’ordre public.

 

Dès lors, si l’employeur envisage de satisfaire au souhait du salarié de quitter rapidement l’entreprise, il devra veiller préalablement à respecter ses propres obligations, au risque de devoir indemniser le salarié pourtant à l’origine d’une telle demande.

 

Emilie Bourguignon, Avocat Counsel et Camille Mathelin, Avocat, avec la participation de Nicolas Habib, stagiaire élève-avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats

 

(1) Cass. soc., 7 décembre 2022, n°21-16.000
(2) Notamment, Cass. soc., 28 janvier 2005, n°03-47.403
(3) Cass. soc., 18 mai 1999, n°97-40.686
(4) Article L.1233-4 du Code du travail
(5) Cass. soc., 4 mars 2009, n°07-42.381 ; Cass. soc., 18 mai 2011, n°10-16.486
(6) Cass. soc., 13 novembre 2008, n°06-46.227

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