PLFSS et PLF 2018 : quelles conséquences pour les employeurs en matière de protection sociale complémentaire ?

17 octobre 2017
Un vent de réformes souffle sur la France. Après les ordonnances modifiant le Code du travail, les projets de lois de financement de la Sécurité sociale et de finances pour 20181 ont été présentés en conseil des ministres. Quelles sont les principales mesures qui impacteront les entreprises en matière de protection sociale complémentaire ?
Baisse des cotisations salariales en contrepartie d’une augmentation de la CSG
L’une des principales mesures du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 (ci-après « PLFSS 2018 ») consiste à supprimer les cotisations chômage (2,4%) et maladie (0,75%) pour les salariés du secteur privé, qui représentent en principe 3,15% du salaire (sous réserve de certains plafonds) en contrepartie d’une augmentation du taux de contribution sociale généralisée (CSG) de 1,7 point.
L’augmentation du taux de la CSG de 1,7 point s’appliquerait à l’ensemble des revenus d’activité, de remplacement et du capital, à l’exception des allocations chômage et des indemnités journalières de la Sécurité sociale. En revanche, la hausse serait applicable aux pensions de retraite et d’invalidité. Pour les retraités, la hausse de la CSG ne concernerait que les pensionnés dont les revenus sont supérieurs au seuil permettant l’application d’un taux normal de la CSG soit, pour une personne seule dont le revenu est exclusivement constitué de sa pension de retraite, un revenu net de 1 394 euros par mois. Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit quant à lui que le montant correspondant à la hausse de 1,7 point de la CSG sera déductible des revenus imposables à l’impôt sur le revenu (comme l’était le montant correspondant aux cotisations salariales qui sont supprimées). Dans le cas classique, le taux de déductibilité passerait ainsi de 5,1% à 6,8%.
La baisse des cotisations salariales s’appliquerait en deux temps au cours de l’année 2018 :
- dès le 1er janvier 2018, les salariés pourraient constater une baisse de 2,25 points des cotisations salariales qu’ils acquittent, soit les deux tiers de la baisse totale prévue, alors que la CSG serait augmentée de 1,7 point ;
- à compter du 1er octobre 2018 s’ajouterait l’exonération du reliquat des cotisations d’assurance chômage restant dues.
Une mesure neutre pour les employeurs en matière de protection sociale complémentaire, en apparence uniquement
A première vue, cette baisse des cotisations salariales en contrepartie de la hausse de la CSG déductible fiscalement peut apparaître neutre en termes de coût pour l’employeur, dans la mesure où seules des cotisations et contributions mises à la charge du salarié sont modifiées. Toutefois, l’augmentation du salaire net imposable du salarié en découlant pourrait impliquer une hausse du montant des cotisations en matière de prévoyance et de retraite supplémentaire si celles-ci sont exprimées en fonction du salaire déclaré à l’administration fiscale (en matière de frais de santé, les cotisations sont souvent forfaitaires).
En outre, pour ce qui est des prestations de prévoyance, si le contrat prévoit que les prestations en cas d’incapacité de travail sont plafonnées au montant du salaire net que percevait le salarié quand il était en activité, ce plafond serait augmenté du fait de la hausse du salaire net à payer aux salariés. Par ailleurs, pour l’invalidité, si le montant de la prestation d’assurance est calculé sous déduction de la rente d’invalidité de la Sécurité sociale nette de CSG, cette mesure augmenterait également les engagements de l’assureur. Dans ces hypothèses, à sinistres équivalents, les résultats du contrat de prévoyance seraient donc a fortiori moins bons en 2018 qu’en 2017, de sorte qu’on ne peut exclure une future augmentation des cotisations globales finançant les régimes de prévoyance.
Autres mesures attendues
Enfin, en matière de frais de santé, d’autres mesures pourraient également avoir un impact sur le coût des régimes. Tel est notamment le cas de la prorogation et de l’augmentation de la participation des organismes complémentaires au financement des nouveaux modes de rémunération via une taxe, et du report d’un an de l’application du règlement arbitral dentaire instaurant un plafonnement des dépassements sur les soins prothétiques et de la revalorisation des soins conservateurs, toutes deux prévues par le PLFSS 2018.
En outre, on relèvera que le dossier de presse du PLFSS 2018 mentionne une augmentation du forfait journalier hospitalier des établissements de santé de 2 euros, passant ainsi de 18 à 20 euros, et de celui des séjours en psychiatrie de 1,5 euros, passant ainsi de 13,5 à 15 euros. Cette hausse du forfait journalier, qui augmentera également le coût des engagements des organismes assureurs, devrait intervenir par voie réglementaire et non dans la loi de financement de la Sécurité sociale.
En revanche, le tiers payant annoncé initialement comme devant être généralisé, c’est-à-dire imposé, ne serait que généralisable, c’est-à-dire facultatif, selon les propos de la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, dans une interview le 31 août 2017.
Ces mesures et annonces ne seront donc pas sans incidence en matière de protection sociale complémentaire pour l’employeur compte tenu du fait qu’elles pourraient avoir un impact sur le coût des régimes. S’il ne s’agit à ce stade que de projets, il conviendra d’être attentif aux dispositions finales qui seront adoptées.
Note
1 Le projet de loi de finances a été déposé à l’Assemblée nationale le 27 septembre 2017.
Auteurs
Florence Duprat-Cerri, avocat counsel,droit social
Jennifer Morin-Lucas, avocat, droit social
PLFSS et PLF 2018 : quelles conséquences pour les employeurs en matière de protection sociale complémentaire ? – Article paru dans Les Echos Exécutives le 16 octobre 2017
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