Protection renforcée pour les lanceurs d’alerte
11 avril 2017
Quelques jours après la promulgation de la loi instituant un statut général du lanceur d’alerte1, le 16 décembre 2016, la cour d’appel de Paris a annulé le licenciement d’un salarié ayant dénoncé la pratique de l’un de ses collègues de front running (consistant à manipuler les cours par l’acquisition de titres pour son propre compte, peu de temps après avoir reçu un ordre de rachat d’un client).
La Cour d’appel a jugé notamment que la concordance des dates et des faits permettait de présumer à elle seule que le salarié avait été licencié pour avoir exercé son devoir d’alerte et a condamné la société au paiement de dommages et intérêts, au titre du préjudice découlant de la perte de rémunération, et à la réintégration du salarié dans l’entreprise.
Le statut protecteur du lanceur d’alerte par anticipation
Cette décision s’inscrit dans un contexte de construction d’un statut juridique des lanceurs d’alerte. Ainsi, la protection conférée aux lanceurs d’alerte a été prévue par la loi du 6 décembre 2013 et, compte tenu du principe de non-rétroactivité de la nouvelle loi, n’était pas applicable aux faits de l’espèce qui dataient de 2008. En l’absence d’application de ces dispositions nouvelles, la Cour d’appel s’est inscrite dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour de cassation qui considère nul tout licenciement en violation de la liberté d’expression du salarié2.
Cette décision témoigne de l’importance de la protection du lanceur d’alerte qui bénéficie désormais, avec la loi Sapin II, d’un statut général applicable quel que soit le champ de l’alerte et des modalités de protection contre les mesures d’obstruction à la transmission d’un signalement et de rétorsion (protection contre les mesures discriminatoires ou les sanctions disciplinaires, etc.).
Notes
1 Loi n°2016-691 du 9 décembre 2016 dite Sapin II.
2 A propos d’un lanceur d’alerte licencié en 2011 voir : Cass., soc., 30 juin 2016, n°15-20.557.
Auteur
Maïté Ollivier, avocat en droit social
Protection renforcée pour les lanceurs d’alerte – Article paru dans La Lettre des Fusions-Acquisitions et du Private Equity, supplément du magazine Option Finance du 27 mars 2017
A lire également
Droit social : quand la RSE devient source d’obligations et d’opportunités ... 21 juin 2021 | Pascaline Neymond
Conséquences imprévues de la transformation d’une SA en SAS sur une clause d... 10 avril 2017 | CMS FL
Licenciement suite à une rupture conventionnelle refusée : pas d’incompa... 7 novembre 2013 | CMS FL
Le management abusif d’un cadre peut conduire au licenciement du responsable d... 16 mai 2017 | CMS FL
Salarié absent : le licenciement sans remplacement effectif n’est pas né... 2 mai 2016 | CMS FL
La délégation de pouvoirs, instrument indispensable pour le bon fonctionnement... 30 novembre 2020 | CMS FL Social
La compliance au sein des entreprises : alerte et recueil de signalement... 4 juillet 2018 | CMS FL
La loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alert... 13 mai 2022 | Pascaline Neymond
Articles récents
- Visites médicales : les nouveaux modèles de documents remis au travailleur à l’occasion des visites réalisées par la médecine du travail sont publiés
- Forfait jours : quel contenu pour la convention individuelle de forfait ?
- La Défenseure des droits publie son premier rapport sur la protection des lanceurs d’alerte en France
- Webinaire – La politique des rémunérations
- Attribution gratuite d’actions et calcul des indemnités de rupture
- Retraite anticipée pour inaptitude au travail : la CNAV apporte des précisions sur ce dispositif
- Condition d’ancienneté pour le bénéfice des ASC : une mise en conformité nécessaire pour éviter les redressements Urssaf
- Participation : la Cour de cassation entérine l’impossibilité de remettre en cause le bénéfice fiscal
- Virus mpox ou « variole du singe » : les préconisation du ministère du Travail et de la Santé
- Droit Social + marque une pause estivale