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La loi sur le renforcement de la protection des lanceurs d’alerte est publiée !

La loi sur le renforcement de la protection des lanceurs d’alerte est publiée !

Adoptées définitivement par le Parlement le 16 février 2022, la loi n°2022-401 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et la loi organique n°2022-400 visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte ont été publiées au Journal officiel le 22 mars 2022, après leur validation par le Conseil constitutionnel (décisions n°2022-838 DC et 2022-839 DC du 17 mars 2022).

 

La loi n°2022-401 transpose la directive n°2019/1937 du 23 octobre 2019 relative à la protection des personnes signalant des violations du droit de l’Union européenne (UE) et modifie les dispositions de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, dite « loi Sapin II » qui a fixé le cadre de la protection des lanceurs d’alerte. Cette loi entre en vigueur le premier jour du sixième mois suivant sa date de promulgation, soit le 1er septembre 2022.

Panorama des principales modifications issues de ces nouvelles dispositions qui réécrivent en grande partie la loi du 9 décembre 2016.

 

Une définition élargie des lanceurs d’alerte

L’article 1 de la loi n° 2022-400 du 21 mars 2022 modifie la définition du lanceur d’alerte, qui résultait de l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016.

Désormais, est un lanceur d’alerte, « une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles […], le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance ».

 

A la différence du texte initial, cette nouvelle définition :

 

    • n’exige plus du lanceur d’alerte qu’il soit désintéressé mais seulement qu’il ne bénéficie pas d’une contrepartie financière directe pour son signalement ;
    • supprime l’exigence d’une violation « grave et manifeste » d’un engagement international, de la loi ou du règlement ;
    • supprime la condition de gravité en cas de menace ou de préjudice pour l’intérêt général ;
    • élargit le domaine de l’alerte aux violations du droit de l’UE ;
    • restreint l’exigence d’une connaissance personnelle des faits aux informations qui n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles. Dans le cadre professionnel, peut être lanceur d’alerte celui qui rapporte des faits qu’il n’a pas personnellement constatés ;
    • étend le périmètre du signalement aux tentatives de dissimulation d’une violation d‘un engagement international, du droit de l’UE, de la loi ou du règlement.

 

Il résulte de cette nouvelle définition qui n’exige plus de l’auteur de l’alerte qu’il soit désintéressé que celui-ci peut désormais avoir un intérêt personnel à procéder au signalement.

 

Sont désormais exclus du régime de l’alerte – outre les faits, informations et documents couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ainsi que le secret professionnel de l’avocat – les faits, informations et documents couverts par le secret des délibérations judiciaires, de l’enquête ou de l’instruction judiciaire.

 

Signalement anonyme et identification de l’auteur d’un signalement

L’article 9 de la loi du 9 décembre 2016, indique que « les procédures mises en œuvre pour recueillir les signalements […] garantissent une stricte confidentialité de l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement ».

Le fait de divulguer ces éléments confidentiels est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

 

Par ailleurs, le référentiel relatif aux traitements de données destiné à la mise en œuvre d’un dispositif d’alertes professionnelles adopté par la CNIL le 18 juillet 2019 précise que l’émetteur de l’alerte professionnelle doit s’identifier mais que son identité est traitée de façon confidentielle et envisage la possibilité d’une alerte anonyme à la condition que la gravité des faits soit établie par des éléments factuels suffisamment détaillés et après un examen préalable de l’opportunité d sa diffusion dans le cadre du dispositif.

Selon la loi du 9 décembre 2016, les éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte ne peuvent être divulgués qu’avec son consentement. Ces éléments peuvent être communiqués à l’autorité judiciaire lorsque destinataire du signalement est tenu de dénoncer ces faits. Le lanceur d’alerte en est alors informé, à moins que cette information compromette la procédure judiciaire.

 

Notons enfin que le nouvel article 7-1 ajouté à la loi du 9 décembre 2016 admet la possibilité de recourir à un signalement anonyme puisqu’il prévoit que, lorsqu’un signalement ou une divulgation publique a été réalisé de manière anonyme, le lanceur d’alerte dont l’identité a été révélée ultérieurement bénéficie de la protection.

 

Elargissement des bénéficiaires de la protection accordée aux lanceurs d’alerte

Pour rappel, la loi institue au profit du lanceur d’alerte une protection contre les mesures de rétorsion qui pourraient être prises à son encontre pour avoir procédé à une alerte.

La loi étend le bénéfice de cette protection à certaines personnes liées à ce dernier.

 

Sont concernés :

 

    • les « facilitateurs » : c’est à dire les personnes physiques et les personnes morales à but non-lucratif qui aident le lanceur d’alerte à effectuer un signalement ou une divulgation ;
    • les personnes physiques en lien avec un lanceur d’alerte qui risquent de faire l’objet d’une mesure de représailles dans le cadre de leur activité professionnelle de la part de leur employeur, de leur client ou du destinataire de leurs services ;
    • les entités juridiques contrôlées au sens de l’article L.233-3 du Code de commerce pour lesquelles il travaille ou avec lesquelles il est en lien dans un contexte professionnel.

 

Assouplissement de la procédure de signalement

Jusqu’à présent, la protection des lanceurs d’alerte est réservée aux personnes qui respectent la procédure de signalement fixée par la loi et articulée en trois étapes successives :

 

    • un signalement interne auprès du supérieur hiérarchique, de l’employeur ou d’un référent désigné par lui ;
    • en l’absence de diligences du destinataire de l’alerte dans un délai raisonnable, le signalement est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels ;
    • à défaut de traitement par l’un des organismes destinataire dans un délai de trois mois, le signalement peut être rendu public.

 

Néanmoins, en cas de danger grave et imminent ou de risque de dommages irréversibles, le signalement peut être porté directement à la connaissance à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels ou rendu public.

 

La loi du 21 mars 2022 modifie comme suit l’articulation des procédures de signalement :

 

Les personnes physiques qui ont obtenu dans le cadre de leurs activités professionnelles des informations portant sur des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l’entité concernée peuvent signaler ces informations par la voie interne, en particulier lorsqu’elles estiment qu’il est possible de remédier efficacement à la violation par cette voie et qu’elles ne s’exposent pas à un risque de représailles.

 

Ce type de signalement est ouvert :

 

    • aux salariés actuels et anciens salariés de l’entreprise ainsi qu’aux candidats à un emploi ;
    • aux actionnaires, associés ou titulaires de droits de vote et membres de l’organe d’administration de direction ou de surveillance de l’entité ;
    • aux collaborateurs extérieurs et occasionnels, aux cocontractants et à leurs sous-traitants ainsi qu’aux membres de leur personnel.

 

Ce signalement doit être effectué dans les conditions prévues par la procédure de recueil et de traitements qui doit obligatoirement être mise en place par les personnes morales publics et privées employant au moins 50 salariés ou agents, après consultation des instances de dialogue social.

Dans les groupes de sociétés, une procédure commune peut être mise en place dans des conditions fixées par décret. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, dépourvues de procédure interne, les informations sont portées à la connaissance du supérieur hiérarchique direct ou indirect, de l’employeur ou du référent désigné par lui.

 

Tout lanceur d’alerte peut également adresser un signalement externe, soit après avoir effectué un signalement interne, soit directement auprès :

 

    • de l’autorité compétente parmi celles qui sont désignées par décret ;
    • du défenseur des droits ;
    • de l’autorité judiciaire ;
    • d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’UE compétent pour recueillir des informations sur des violations relevant du champ d’application de la directive 2019/1937 du 23 octobre 2019.

 

Un décret en Conseil d’Etat fixe la liste des autorités susceptibles d’être saisies, les garanties d’indépendance et d’impartialité de la procédure, les délais de retour d’informations auprès des auteurs de signalement.

Désormais un signalement externe n’est donc plus subordonné à un signalement préalable interne resté sans effet.

 

En revanche, la divulgation publique d’informations demeure subordonnée à la réalisation d’un signalement externe, précédé ou non d’un signalement interne, resté sans effet à l’expiration des délais fixés par décret, sauf dans deux situations :

 

    • en présence d’un cas de danger grave et imminent ;
    • en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général notamment lorsqu’il existe une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible s’agissant d’informations obtenues dans le cadre professionnel ;
    • lorsque la saisine de l’autorité compétente ferait courir à son auteur un risque de représailles ou ne permettrait pas de remédier efficacement à l’objet de la divulgation au regard de la particularité de l’affaire (risque de dissimulation ou de destruction de preuves, de conflit d’intérêt, de collusion avec l’auteur des faits ou implication de l’autorité).

 

Cette possibilité de divulgation publique sans signalement externe ou interne préalable ne s’applique pas lorsque la divulgation publique porte atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationales.

 

Renforcement des mesures de protection des lanceurs d’alerte

 

Responsabilité civile et pénale des auteurs de signalement

Les auteurs de signalement ne sont pas civilement responsables des dommages causés du fait de leur signalement ou de leur divulgation publique dès lors qu’ils ont des motifs raisonnables de croire qu’ils étaient nécessaires à la sauvegarde des intérêts en cause.

Ils bénéficient également d’une irresponsabilité pénale, y compris en cas de soustraction, détournement ou recel de documents contenant les informations dont ils ont eu connaissance de manière licite et qui ont fait l’objet du signalement. Les complices de ces faits sont également couverts par cette immunité.

 

Interdiction des mesures de représailles

La loi insère dans le Code du travail un nouvel article L.1121-2 qui reprend et élargit les mesures de représailles qui ne peuvent être prises à l’encontre des lanceurs d’alerte prévues par l’article L.1132-3-3 ainsi que le champ des mesures discriminatoires interdites :

« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ni faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d’horaires de travail, d’évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat, ni de toute autre mesure mentionnée au II de l’article 10-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, pour avoir signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 de la même loi ».

 

A cette interdiction s’ajoute la prohibition de toute mesure de représailles prenant la forme :

 

    • de préjudice (atteintes à la réputation d la personne, perte d’activité et perte de revenu) ;
    • de résiliation anticipée ou annulation d’un contrat pour des biens ou des services ;
    • d’annulation d’une licence ou d’un permis ;
    • d’orientation abusive vers un traitement psychiatrique ou médical.

 

Ces interdictions s’appliquent également à l’égard des personnes ayant :

 

    • témoigné de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont elles ont eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions ou ayant relaté de tels faits (c. trav., art. L.1132-3-3) ;
    • facilité le signalement ou la divulgation et les personnes en lien avec l’auteur de l’alerte ;
    • subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou sexuel ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements (c. trav; art. L.1152-2 et L.1153-2 et qui élargit le champ des mesures) ;
    • utilisé leur droit d’alerte en cas de risque grave sur la santé publique ou l’environnement (c. trav., art. L.4133-1).

 

 

Toute mesure prise en violation de cette interdiction est nulle de plein droit. En outre, la loi interdit à peine de nullité toute mesure de renonciation ou de limitation de la protection dont bénéficient les lanceurs d’alerte.

 

Procédures contentieuses engagées consécutivement à une alerte

 

Actions en justice dilatoires ou abusives

La loi sanctionne les actions en justice abusives ou dilatoires dirigées contre un lanceur d’alerte en raison des informations signalées ou divulguées, et fixe à 60 000 euros – contre 30 000 actuellement – le montant de l’amende civile pouvant être prononcée par le juge, complétée le cas échéant, de dommages-intérêts et d’une peine d’affichage. L’amende civile est prononcée sans préjudice de l’octroi de dommages-intérêts à la victime de la procédure dilatoire ou abusive.

 

Recours contre une mesure de représailles

La loi rappelle que, en cas de recours contre une mesure de représailles, le demandeur n’a pas à rapporter la preuve des faits en cause mais seulement à présenter des éléments de faits permettant de supposer qu’il a procédé à un signalement ou une divulgation dans les conditions prévues par la loi. Il appartient alors au défendeur de prouver que sa décision est dûment justifiée.

 

Abondement du compte personnel de formation

A l’occasion de tout litige consécutif au signalement d’une alerte, le conseil de prud’hommes peut en complément de toute autre sanction, obliger l’employeur à abonder le compte personnel de formation du salarié ayant lancé l’alerte à hauteur de 8000 euros.

 

Elargissement du contenu du règlement intérieur

Le règlement intérieur doit désormais rappeler l’existence du dispositif de protection des lanceurs d’alerte (c. trav., art. L.1321-2). Au 1er septembre 2022, les entreprises devront procéder à la modification de leur règlement intérieur pour y intégrer cette disposition.

 

Renforcement des pouvoirs du Défenseur des droits

Adoptée concomitamment à la loi relative au renforcement de la protection des lanceurs d’alerte, la loi organique n°2021-400 précise les prérogatives du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte.

 

Ainsi, toute personne peut saisir le Défenseur des droits afin qu’il rende un avis :

 

    • soit pour apprécier sa qualité de lanceur d’alerte au regard des dispositions de la loi du 9 décembre 2016 modifiée ;
    • soit pour apprécier si elle a respecté les conditions pour bénéficier de la protection prévue par un autre dispositif spécifique de signalement de violations et de protection de l’auteur du signalement prévu par la loi ou le règlement.

 

L’avis est rendu dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande.

En outre, toute personne peut adresser un signalement au Défenseur des droits.

 

Trois hypothèses doivent alors être distinguées :

 

    • lorsque le signalement relève de la compétence du Défenseur des droits, celui-ci le traite selon une procédure autonome et indépendante, dont les délais et les garanties de confidentialité sont fixés par décret et fournit un retour d’information à son auteur ;
    • lorsque le signalement relève de la compétence d’une autre autorité parmi celles désignées par décret, le Défenseur des droits oriente son auteur vers cette autorité ;
    • lorsque le signalement ne relève d’aucune de ces autorités ou de plusieurs d’entre elles, le Défenseur des droits oriente son auteur vers l’autorité, l‘administration ou l’organisme qui lui semble le mieux à même d’en connaitre.

 

Le Défenseur des droits établit tous les deux ans un rapport sur le fonctionnement global de la protection des lanceurs d’alerte qu’il transmet au Président de la République et au Président de l’Assemblée nationale.

Ces dispositions sont entrées en vigueur le 23 mars 2022.

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