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Traitements informatiques et contrôle fiscal : quel délai pour formaliser son option ?

Traitements informatiques et contrôle fiscal : quel délai pour formaliser son option ?

Lors de la présentation de la demande de traitements informatiques par un service vérificateur, l’entreprise doit pouvoir formaliser son choix pour l’une des trois modalités de réalisation des traitements en toute connaissance de cause. Pour cela, encore faut-il lui laisser un minimum de temps de réflexion pour formaliser son choix. Or, des arrêts de jurisprudence récents écartent le motif d’absence de délai raisonnable comme entachant la procédure de contrôle d’irrégularité.

Rappel du cadre légal

L’article L. 47 A II du livre des procédures fiscales (ci-après LPF) encadre la mise en œuvre de la procédure de demande de traitements informatiques dans le cadre d’un contrôle fiscal. A ce titre, dès lors qu’un service vérificateur envisage d’effectuer de tels traitements, l’entreprise doit choisir entre l’une des trois options suivantes pour la réalisation des investigations souhaitées par les agents de l’administration :

  • la vérification, par l’administration, sur le matériel de l’entreprise (alinéa a) ;
  • la réalisation par l’entreprise de tout ou partie des traitements informatiques (alinéa b) ;
  • transmission au service vérificateur des copies des documents, données et traitements soumis au droit de contrôle (alinéa c).

La loi prévoit que le contribuable formalise par écrit son choix parmi ces options mais ne donne pas d’autre indication sur les modalités de cette option, en particulier en ce qui concerne le délai dont il dispose pour prendre sa décision. La doctrine de l’administration fiscale apporte en précision que « Ce choix doit être fait par écrit, dans les délais fixés par l’administration » mais n’apporte aucune indication sur ces délais, ce qui laisse en pratique l’initiative au service vérificateur de les fixer au cas par cas de chaque contrôle.

L’administration indique toutefois également que : « Cette formalisation écrite de la nature des investigations envisagées par l’administration a pour objet de donner au contribuable une information précise lui permettant de faire son choix sur les modalités de traitement en toute connaissance de cause. »[1]

Par cette dernière précision, l’administration nous paraît admettre, certes implicitement mais nécessairement, que l’entreprise doit pouvoir formaliser son choix de façon « éclairée », ce qui nécessite généralement, compte tenu de l’organisation des entreprises, un délai de réflexion lui permettant d’appréhender l’étendue, la complexité et surtout la faisabilité des traitements à mettre en œuvre.

 Retour d’expérience sur les pratiques mises en œuvre par les services vérificateurs

S’agissant des contrôles fiscaux des grandes entreprises qui relèvent de la Direction des vérifications nationales et internationales (DVNI), la procédure de demande de traitements informatiques est diligentée par les vérificateurs spécialisés des brigades de vérification de comptabilité informatisées (BVCI) qui, tenant compte  des contraintes techniques et organisationnelles des entreprises, formalisent par écrit, dans la demande de traitement, que le contribuable dispose d’un délai compris généralement entre 5 et 7 jours pour formaliser son choix pour l’une des trois modalités de réalisation des traitements.

Si un délai de réflexion est également généralement accordé par les autres services de contrôle (Directions de contrôle fiscal régionales ou départementales) dans le cadre des contrôles diligentés dans les entreprises qui relèvent de leurs compétence, force est de constater qu’il n’en est pas toujours fait état dans le courrier de demande de traitement.

Il n’est du reste pas rare de voir des entreprises formuler leur option le jour même de la réception du courrier de la demande de traitements informatiques, ou encore lors de la remise de celui-ci en présence du service vérificateur dans les locaux de l’entreprise. Le plus souvent d’ailleurs, l’entreprise n’est pas informée qu’elle dispose d’un délai pour formuler son choix, soit que le courrier de demande de traitements informatiques ne mentionne aucun délai particulier, soit que la demande d’option est formulée oralement par le service vérificateur, lors de son intervention dans les locaux de l’entreprise.

Des arrêts de jurisprudence récents écartent l’absence d’octroi de délai comme entachant la procédure d’irrégularité

Par une décision du 15 mars 2019 [2], le Conseil d’Etat a jugé que le contribuable ne peut pas se prévaloir du délai de 30 jours prévu à l’article L 11 du LPF pour répondre à une demande de traitements informatiques, celle-ci constituant « un élément du dialogue » auquel donne lieu la vérification de comptabilité et non une demande de renseignement, d’éclaircissement ou de justification au sens de ces disposition. La Haute juridiction a également estimé en l’espèce que la Cour d’appel avait pu faire une appréciation souveraine des faits en jugeant que l’entreprise avait bénéficié d’un délai suffisant (7 jours au cas particulier) pour exercer son choix à partir de la remise du courrier de mise en œuvre des traitements informatiques sur lequel était mentionné le délai de réponse à apporter.

Plus récemment, la cour administrative de Lyon a, de son côté, jugé qu’en l’absence de disposition légale concernant un éventuel délai pour formuler l’option, une procédure de demande de traitement ne peut être entachée d’irrégularité au motif que l’entreprise ait formalisé une option le jour même de la remise du courrier.[3]

Mais un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris semble, quant à lui, reconnaître l’exigence d’un délai suffisant. Ainsi en l’espèce, le représentant de la société avait formalisé son choix le jour même de la présentation de la demande de traitements. La cour énonce que : « Il ne résulte pas de l’instruction qu’il ait demandé un délai qui lui aurait été refusé ni que la vérificatrice l’aurait privé du délai suffisant pour formuler sa réponse. Le moyen tiré de ce qu’il n’a pu bénéficier d’un délai suffisant pour choisir entre les options proposées ne peut en conséquence qu’être écarté. »[4]

Pour autant, le représentant de l’entreprise savait-il qu’il pouvait disposer d’un délai de réflexion pour formaliser son option ? Comment formuler un choix pour l’une des trois modalités de réalisation d’un traitement de façon « éclairée » en l’absence d’un délai raisonnable pour prendre l’attache d’un prestataire par exemple afin de savoir si les traitements peuvent être effectués intégralement (option b de l’article L 47 A II du LPF) ?

Quelle attitude adopter face à de telles situations ?

Face à ce type de procédure pouvant s’avérer lourde de conséquences en cas de manquements (le défaut de formulation d’une des trois options est considéré comme un motif d’opposition au contrôle fiscal et peut entrainer l’application de la procédure d’évaluation d’office (article L 74 du LPF), les rehaussements / rappels consécutifs de la mise en œuvre de celle-ci pouvant être assortis d’une amende correspondant à 100 % des droits rehaussés mis à la charge de l’entreprise), et au regard des récentes décisions jurisprudentielles, il ne peut qu’être recommandé de demander formellement un délai au service vérificateur pour formuler son choix.

Il doit également être rappelé que la loi ne s’oppose pas à ce que l’entreprise puisse changer d’option (car celle choisie initialement, parfois dans la précipitation, peut s’avérer in fine inadaptée aux contraintes organisationnelles et / ou techniques de l’entreprise) tant que le délai pour la réalisation des traitements n’est pas arrivé à son terme.

Enfin, le recours, dès le début de la procédure, à un conseil spécialisé en la matière s’avère souvent utile. Rappelons que l’arrêt du Conseil d’Etat précité 2, précise que le courrier de mise en œuvre des traitements informatiques est « un élément de dialogue », ce qui implique qu’il s’inscrit pleinement dans le cadre du débat oral et contradictoire et doit donner lieu à un échange, y compris

[1]   §160 et §120 BOI CF-IOR-60-40-30 dans sa version au 13 janvier 2021.

[2]   Décision du conseil d’Etat du 15 mars 2019 n° 414580.

3   Cour administrative de Lyon, 16 décembre 2021 19LY04063 « Sarl Bernard D… et fils » : « la circonstance que la société a effectué son choix, en l’espèce, pour l’option c), le jour même où le courrier de l’administration lui offrant les différentes options lui a été remis, n’est pas de nature à entacher la procédure d’imposition d’irrégularité. »

4   Cour administrative d’appel de Paris, 22 septembre 2021, 20PA00654 « Auto-école Marko ».

Article paru dans Option Finance le 21/03/2022

Auteurs

Frédéric Agez, avocat associé en droit Fiscal

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