Quel budget pour la sécurité sociale en 2025 ?
9 décembre 2024
Pour la première fois depuis 1962, et par le vote historique d’une motion de censure sur un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), les députés viennent de renverser le gouvernement.
Une motion de censure déposée par le Nouveau Front populaire (NFP) a en effet été adoptée le mercredi 4 décembre 2024, après le déclenchement de l’article 49.3 de la Constitution par le Premier ministre. Les députés se sont donc prononcé et ont rejeté le PLFSS, tel qu’adopté par la commission mixte paritaire.
Les travaux parlementaires sont dès lors suspendus jusqu’à nouvel ordre et Michel Barnier a remis sa démission et celle de son gouvernement.
L’adoption d’une loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 avant la fin de l’année semble donc plus qu’improbable, compte tenu des délais imposés par la Constitution.
En effet, il faudrait qu’un nouveau gouvernement soit nommé rapidement et qu’il ne soit pas censuré à peine nommé, pour que le texte puisse achever son parcours parlementaire en nouvelle lecture devant chaque chambre ou bien que le nouveau gouvernement ait le temps de proposer un autre projet de loi qui puisse convenir à une majorité de députés.
La question de la détermination du budget de la sécurité sociale pour 2025 se pose dès lors avec une particulière acuité. Depuis la création des PLFSS en 1996, la nécessité d’avoir recours à un dispositif d’urgence ne s’est jamais présentée et la loi organique reste muette à ce sujet.
Dans cette situation inédite, une certitude demeure cependant, la France ne devrait pas rester sans budget en 2025. En effet, compte tenu des enjeux attachés à la détermination du budget, la Constitution prévoit, en effet, la possibilité pour le gouvernement de demander en urgence au parlement l’autorisation de percevoir les impôts et d’ouvrir par décret les crédits se rapportant aux services votés. Le budget 2024 pourra, a minima, être reconduit à l’euro près en 2025.
En revanche, concernant le budget de la sécurité sociale, la procédure reste très incertaine. Ainsi, le mode d’emploi pour un dispositif d’urgence reste à écrire en cas de rejet du PLFSS après la censure du gouvernement qui l’a proposé.
Quoiqu’il en soit, si l’absence de loi de financement de la sécurité sociale créerait incontestablement un vide normatif, elle n’aurait pas les mêmes conséquences que le défaut d’adoption du budget au 31 décembre 2024 puisqu’elle ne devrait compromettre ni le versement des prestations sociales ni la collecte des cotisations.
En effet à la différence de la loi de finances, la LFSS est une loi de financement et non de finances, elle ne détermine pas le budget de la sécurité sociale à proprement parler mais fixe des objectifs de dépenses et des prévisions de recettes de sorte que les deux textes sont de nature très différente.
Cependant, à défaut de texte l’y autorisant, comme c’est le cas chaque année de la LFSS, l’URSSAF Caisse nationale (Ex Acoss) pourrait être empêchée d’emprunter sur les marchés alors même que son déficit atteindra des proportions abyssales de plus de 15 milliards d’euros l’an prochain.
Dans ces conditions, l’adoption d’un texte parait indispensable à la sécurisation de l’autorisation d’emprunt de l’URSSAF Caisse nationale, seule disposition du texte ayant un caractère normatif et indispensable à « la continuité de la vie de la Nation ».
Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées
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1 – La solution de court terme serait de rehausser le plafond d’emprunt de l’URSSAF Caisse nationale prévu par la LFSS pour 2024, au titre de 2024, par décret en Conseil d’Etat en application de l’article LO111-9-2 du Code de la sécurité sociale. Cependant l’URSSAF Caisse nationale ne pourra pas emprunter suffisamment sur les marchés d’ici la fin de l’année 2024 pour couvrir l’ensemble de ses besoins de trésorerie en 2025.
Par ailleurs, il n’est pas possible de recourir à un décret pour autoriser l’URSSAF Caisse nationale à emprunter au titre de l’année 2025, car il s’agit d’une disposition qui relève du domaine de la loi, qui plus est du domaine obligatoire des LFSS.
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2 – Une solution de plus long terme serait de faire adopter un projet de loi spéciale, réduit à un seul article, autorisant l’URSSAF Caisse nationale à emprunter en 2025 en s’inspirant de ce qui est prévu pour les lois de finances et ce, afin « d’assurer la continuité de la vie de la Nation ».
A cet égard, il résulte tant de la doctrine que des précédents, sous les Troisième et Quatrième Républiques, qu’en cas d’urgence financière, un gouvernement démissionnaire peut déposer des projets de loi, pour permettre la continuité de la vie de la Nation.
3 – Enfin, la dernière solution qui semble être privilégiée par le cabinet du ministre chargé du Budget consisterait à intégrer la disposition relative à la capacité d’emprunt de l’URSSAF Caisse nationale dans le projet de loi spéciale destiné à pallier l’absence de budget de l’État, annoncé par le Président de la République lors de son allocution télévisée du 5 décembre dernier, avant qu’un nouveau projet de budget soit établi en début d’année.
En matière de sécurité sociale, tout l’enjeu des prochaines semaines résidera donc dans le choix du vecteur législatif susceptible de permettre l’adoption d’un texte pour préserver la capacité d’emprunt de l’URSSAF Caisse nationale…
AUTEURS
Béatrice Taillardat-Pietri, Responsable-adjointe de la Doctrine sociale, CMS Francis Lefebvre
Pascaline Neymond, Juriste Knowledge manager, CMS Francis Lefebvre Avocats
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