Basculement des arrêts de travail dérogatoires en activité partielle : un dispositif qui manque encore de lisibilité
27 mai 2020
Pour faire face à la crise sanitaire du Covid-19, le Gouvernement a ouvert à des personnes non malades le bénéfice d’arrêts de travail, leur permettant d’être indemnisées à ce titre par la sécurité sociale et de bénéficier du versement d’un complément de rémunération par leur employeur. Depuis le 1er mai 2020, afin d’éviter que ces salariés ne supportent une baisse de rémunération, mais aussi afin de protéger les finances de l’assurance maladie, certains de ces arrêts de travail dérogatoires – mais pas tous – sont désormais pris en charge au titre de l’activité partielle. Ce basculement, qui suppose une démarche de l’employeur, pose des difficultés pratiques.
Qui est concerné par le basculement ?
Sont visés par la mesure de basculement en activité partielle :
-
- les salariés considérés comme « personne vulnérable », c’est-à-dire les personnes présentant un risque élevé de développer une forme grave d’infection au virus SARS-Co V-2 (Covid-19) dont la liste est désormais fixée par décret (n° 2020-521 du 5 mai 2020) ;
-
- les salariés qui partagent le même domicile qu’une personne vulnérable ;
-
- les salariés, parents d’un enfant de moins de seize ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile.
On notera que les arrêts de travail dérogatoires délivrés dans le cadre de la crise sanitaire aux salariés qui ont été en « contact étroit » avec une personne atteinte du Covid-19, comme les arrêts de travail de droit commun délivrés pour incapacité de travail (personne infectée par le Covid-19 ou suspectée de l’être), ne sont pas concernés par cette mesure de basculement et demeurent indemnisés par la Caisse primaire d’assurance maladie et, le cas échéant, par leur employeur.
Il en est de même des travailleurs non-salariés (travailleurs indépendants, travailleurs non-salariés agricoles, artistes auteurs, stagiaires de la formation professionnelle, dirigeants de société relevant du régime général en application de l’article L. 311-3 Code Sécurité sociale) qui continuent à bénéficier du dispositif antérieur.
Quelles démarches sont à accomplir par le salarié ?
En principe, le basculement en activité partielle est de droit pour tous les salariés qui remplissent les conditions pour en bénéficier. Néanmoins, selon le questions-réponses sur le dispositif d’activité partielle du ministère du Travail (question 17, p. 26), cette mesure n’est pas automatique et suppose que le salarié fournisse, selon le cas :
-
- une attestation sur l’honneur justifiant de la nécessité du maintien à domicile pour garde d’enfant ;
-
- ou un certificat d’isolement, transmis par l’assurance maladie pour les salariés vulnérables qui se sont auto-déclarés sur la plateforme et dont l’arrêt est en cours au 30 avril ou établi par un médecin de ville ou par le médecin du travail pour les autres salariés vulnérables ou les salariés partageant le domicile d’une personne vulnérable. Encore faut-il que les médecins traitants maîtrisent les différents dispositifs mis en place dans le cadre du Codiv-19 pour délivrer le document approprié.
Que doit faire l’employeur ?
Au 30 avril 2020, le versement des indemnités journalières de sécurité sociale a cessé automatiquement pour les salariés bénéficiaires d’arrêts de travail pour garde d’enfant ou en qualité de personne vulnérable. Pour les arrêts prescrits au-delà de cette date, l’employeur a dû transmettre, via la déclaration sociale nominative (DSN), un signalement de reprise d’activité anticipée.
A partir du 1er mai 2020, en présence d’un certificat d’isolement ou d’une attestation de maintien à domicile pour garde d’enfant, l’employeur doit faire une déclaration d’activité partielle pour les salariés concernés, même si l’activité de l’entreprise n’est pas impactée par la crise sanitaire actuelle et qu’il n’a pas demandé le bénéfice de l’activité partielle pour ses autres salariés.
Les conditions légales de mise en œuvre de l’activité partielle (fermeture d’établissement ou réduction d’activité) ne sont donc pas requises pour le placement en activité partielle de ces salariés et la consultation préalable du comité social et économique (CSE) n’est pas nécessaire selon l’administration.
Cette déclaration devra être effectuée en ligne sur le site dédié « activité partielle » dans les 30 jours suivant le 1er mai. Néanmoins, celle-ci pose des problèmes pratiques dans la mesure où la configuration du site n’a pas été modifiée pour prévoir la possibilité de déposer une simple déclaration d’activité partielle pour les salariés qui bénéficiaient jusqu’alors d’arrêts de travail dérogatoires.
En l’état actuel du dispositif et alors même qu’aucune autorisation n’est requise dans ce cas puisque leur prise en charge au titre de l’activité partielle est de droit, ces salariés doivent donc faire l’objet d’une demande d’activité partielle.
Ainsi, à défaut de dispositif spécifique :
-
- pour les entreprises qui bénéficient déjà de l’activité partielle, il convient de distinguer deux hypothèses : soit leur demande initiale prévoit déjà un volume d’heures et un nombre de salariés permettant d’intégrer les salariés en arrêt de travail dérogatoires et dans ce cas, elle procède simplement à une demande d’indemnisation pour ces salariés au titre du mois concerné ; soit la demande initiale ne permet pas d’intégrer les heures d’absence de ces salariés et dans ce cas, l’entreprise doit créer un avenant à sa demande initiale pour y intégrer les salariés en arrêt de travail dérogatoire ;
-
- pour les entreprises qui n’ont pas eu recours à ce jour à l’activité partielle, un compte doit être créé et une demande doit être effectuée sur le site dédié à l’activité partielle.
L’employeur doit, en outre, informer les salariés concernés de leur basculement en activité partielle.
Quelle indemnisation pour le salarié ? Et pour l’employeur ?
Le salarié ainsi placé en activité partielle bénéficie d’une indemnisation dans les conditions du droit commun de l’activité partielle. Il est donc indemnisé à hauteur de 70 % de sa rémunération brute antérieure (soit en moyenne, 84% du salaire net).
De son côté, l’employeur bénéficie au titre du placement de ses salariés en activité partielle d’une allocation correspondant à 70 % de la rémunération brute antérieure du salarié, dans la limite de 70 % de 4,5 SMIC. Le montant de cette allocation est toutefois susceptible d’évoluer au cours des mois prochains.
Quel avenir pour ces dispositifs ?
Ces nouvelles dispositions s’appliquent à compter du 1er mai et jusqu’à une date différente en fonction de leur objet.
Ainsi, pour les salariés considérés comme personne vulnérable, ainsi que les salariés partageant le même domicile qu’une personne vulnérable, jusqu’à une date qui sera fixée par décret et ne pourra être postérieure au 31 décembre 2020.
Notons, qu’à ce jour, les médecins du travail ne sont habilités à délivrer des arrêts de travail pour ces salariés que dans la période courant du 13 au 31 mai 2020.
Pour les salariés parents d’un enfant de moins de seize ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile, ces dispositions s’appliquent jusqu’au terme de la mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile de leur enfant.
Reste à savoir quel est l’évènement constitutif de la fin de la mesure. En principe, il devrait s’agir de la réouverture des écoles, établissements spécialisés et structures de garde. Mais on le voit, ceux-ci ne réouvrent que progressivement et n’accueillent les enfants que de façon très partielle.
Le Premier ministre Édouard Philippe a confirmé en début de semaine que les parents d’enfants qui ne pourraient pas être accueillis à l’école pour des raisons sanitaires pourront continuer à bénéficier des dispositions relatives à l’activité partielle après le 2 juin.
A cet égard, le ministère du travail considère qu’il est possible d’alterner des périodes d’activité partielle pour garde d’enfants et des périodes de travail en fonction des conditions de réouverture des écoles.
Pour cela, le salarié doit présenter à l’employeur une attestation sur l’honneur justifiant de la nécessité de maintien à domicile pour garde d’enfant (le cas échéant pour certains jours seulement), le placement en activité partielle est alors de droit pour les jours concernés si le télétravail est impossible.
Selon l’Administration, lors de la demande d’indemnisation, l’employeur doit préciser le nombre de jours demandés pour les salariés concernés.
Article publié dans les Echos Executives du 27/05/2020
A lire également
Modalités d’application des dispositifs d’exonération et d’aide au paiem... 1 octobre 2021 | Pascaline Neymond
Covid-19 : actualités de l’activité partielle... 2 avril 2021 | CMS FL Social
Ordonnance relative au renforcement de la négociation collective... 27 septembre 2017 | CMS FL
Délais de consultation du CSE raccourcis sur les décisions de l’employeu... 6 mai 2020 | CMS FL Social
Publication de la loi relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire... 1 juin 2021 | Pascaline Neymond
Zoom sur l’augmentation exceptionnelle du bénéfice : qui doit négocier,... 22 avril 2024 | Pascaline Neymond
Activité partielle : le décret est publié !... 27 mars 2020 | CMS FL Social
Télétravail : le protocole sanitaire en entreprise est de nouveau modifié (03... 30 décembre 2021 | Pascaline Neymond
Articles récents
- Syntec : quelles actualités ?
- Modification du taux horaire minimum de l’allocation d’activité partielle et de l’APLD
- Congés payés acquis et accident du travail antérieurs à la loi : premier éclairage de la Cour de cassation
- Télétravail à l’étranger et possible caractérisation d’une faute grave
- La « charte IA » : un outil de contrôle et de conformité désormais incontournable
- Rapport de durabilité : la nouvelle obligation de consultation du CSE entre en vigueur le 1er janvier 2025
- Statut de lanceur d’alerte : le Défenseur des droits et la jurisprudence précisent ses contours
- Enquêtes internes : des règles en constante évolution
- Pas de co-emploi sans immixtion dans la gestion économique et sociale de la société : illustration en présence d’une société d’exploitation
- Fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2025