Le reclassement ou le licenciement d’un salarié physiquement inapte doivent intervenir dans le bon timing
29 décembre 2015
En cas d’inaptitude physique d’un salarié, dûment constatée par la médecine du travail, l’employeur doit entreprendre les recherches utiles aux fins d’assurer, autant que possible, le reclassement dudit salarié.
Il ressort d’un arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 novembre 2015 (n°14-11879) qu’une telle recherche doit intervenir à la suite non pas du premier avis du médecin du travail, mais du second.
En cas d’impossibilité de reclasser le salarié, ou lorsque celui-ci refuse les solutions qui lui ont été proposées aux fins d’assurer son reclassement, le licenciement est envisageable. Selon l’arrêt précité, il ne peut cependant pas être initié le jour même du second avis.
La(les) visite(s) médicale(s) de reprise
La visite médicale de reprise est obligatoire après une absence pour maladie professionnelle, un congé maternité ou une absence d’au moins 30 jours pour raison aussi bien de maladie ou d’accident non professionnel, que d’accident du travail.
Par dérogation, le médecin du travail doit être informé de tout arrêt de travail consécutif à un accident du travail inférieur à 30 jours. II peut, à cet égard, estimer opportun qu’une visite de reprise soit organisée, quand bien même l’absence ne serait pas supérieure à 30 jours.
La visite médicale de reprise doit être diligentée par l’employeur dans les 8 jours de la reprise. Il est cependant conseillé d’organiser et d’entreprendre cette visite médicale le jour même de la reprise théorique du salarié.
Conformément aux dispositions de l’article R 4624-31 du Code du travail, le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s’il a réalisé une étude de poste, une étude des conditions de travail dans l’entreprise et que si deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines, accompagnés le cas échéant d’examens complémentaires, sont intervenus.
Par exception, lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles de tiers, ou lorsqu’un examen de pré reprise a eu lieu dans un délai de 30 jours au plus, l’avis d’inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen.
L’employeur est lié par le second avis du médecin du travail
Lorsque l’on est en présence de deux avis successifs (espacés de deux semaines) rendus par le médecin du travail, c’est le second avis qui lie l’employeur.
Ce point est important à au moins deux titres.
C’est en effet à compter de ce second avis que prend effet le délai d’un mois à l’intérieur duquel l’employeur doit soit avoir reclassé le salarié, soit l’avoir licencié. A défaut de rupture du contrat de travail pendant ledit délai, l’employeur devra reprendre le paiement du salaire à son expiration.
Ce sont ensuite les conclusions et observations émises par le médecin du travail à l’occasion de son second avis qui seront opposables à l’employeur et qui lui permettront d’apprécier les contours de son obligation de reclassement.
Ce second point ne pose pas de difficulté en pratique lorsque les deux avis sont rendus dans des termes similaires, et a fortiori identiques. Il en va différemment lorsque le second avis mentionne des limites, réserves, conclusions ou observations très différentes du premier. En pareil cas, l’employeur qui s’était préparé à entreprendre des recherches, et éventuellement à proposer un ou des postes au salarié sur la base des termes du premier avis, devra revoir sa copie à l’issue du second, quitte au final, pour des raisons qui ne lui seraient alors pas imputables, à priver le salarié d’une perspective effective de reclassement.
Les recherches de reclassement doivent intervenir postérieurement au second avis rendu par le médecin du travail
Dans son arrêt précité du 4 novembre 2015, la Haute Cour a estimé que seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la visite de reprise (soit l’unique visite en cas de danger immédiat ou la seconde visite dans le cas général) peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement. Ce faisant, la Haute Cour a conforté sa jurisprudence, telle qu’exprimée notamment dans deux précédents arrêts en date des 20 janvier 2010 (n°08-44322) et 19 mars 2014 (n°13-11541).
Dans l’affaire tranchée par la Cour le 4 novembre 2015, les faits de l’espèce étaient très simples. Une salariée, embauchée en qualité de secrétaire de direction, a été déclarée inapte par le médecin du travail, à l’issue de deux visites médicales qui se sont déroulées les 1er et 15 avril 2010.
L’employeur, considérant que le reclassement de cette salariée était impossible (il s’agissait d’une entreprise justifiant d’un effectif réduit), a entrepris une procédure de licenciement.
Pour considérer que ledit licenciement présentait une cause réelle et sérieuse et débouter la salariée de ses demandes indemnitaires, la Cour d’appel a estimé :
- que la seconde fiche d’inaptitude était rédigée dans les mêmes termes que la première ;
- que le délai de deux semaines séparant les deux avis est précisément destiné à engager une réflexion sur le reclassement, de sorte que l’employeur a disposé de ce délai pour examiner les différentes possibilités ;
- qu’en l’espèce cet examen pouvait être fait rapidement dès lors qu’il n’existait qu’une seule structure, comportant sept salariés y compris les dirigeants, et qu’ainsi les possibilités d’emploi pouvaient être examinées sans consultation d’autres établissements, par une personne connaissant parfaitement l’entreprise.
La Cour de cassation a censuré la décision de la Cour d’appel au motif, notamment, que l’employeur n’a pas recherché de possibilités de reclassement postérieurement au second avis d’inaptitude rendu par la médecine du travail.
L’employeur peut certes commencer à réfléchir, durant les deux semaines espaçant les avis, aux propositions susceptibles d’être présentées au salarié pour assurer son reclassement. Cependant, ce n’est qu’après le second avis qu’il devra proposer au salarié des postes ou des aménagements de son poste, en tenant compte des observations émises par le médecin du travail, et en sollicitant au besoin ses observations complémentaires.
La procédure de licenciement, en l’absence de reclassement, ne peut être initiée le jour du second avis rendu par le médecin du travail
Dans l’hypothèse où le reclassement s’avèrerait impossible, soit parce qu’aucune solution de reclassement n’est envisageable, soit parce que le salarié a refusé toutes les propositions qui lui ont été présentées, l’employeur est fondé à entreprendre à l’encontre du salarié une procédure de licenciement.
Il est bien évidemment acquis que la convocation du salarié ne saurait être notifiée avant le second avis du médecin du travail.
L’employeur peut-il cependant notifier la convocation à l’entretien préalable le même jour que le second avis médical ?
Dans l’affaire tranchée le 4 novembre 2015, l’employeur a convoqué la salariée le 15 avril 2010 (soit précisément à la même date que le second avis).
La Cour de cassation en a conclu que l’employeur n’a pas procédé aux recherches utiles de reclassement, postérieurement au second avis, et a censuré la décision de la Cour d’appel.
La position de la Cour de cassation est assez logique et s’inscrit dans sa lignée jurisprudentielle.
Elle a en effet été amenée à juger, par le passé, que la brièveté du délai observé entre le second avis du médecin du travail et la notification de la convocation à l’entretien préalable caractérisait une insuffisance des recherches de reclassement du salarié, et donc par voie de conséquence un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (en ce sens notamment Cass. soc. 30 avril 2009, n°07-43219).
La précipitation avec laquelle l’employeur notifie la convocation à l’entretien préalable caractérise de la même manière, selon la Haute Cour, une absence de loyauté dans la recherche de solutions de reclassement, singulièrement lorsque l’employeur n’est pas en mesure de démontrer qu’il a effectivement accompli des démarches positives en ce sens.
Pour minimiser les risques qu’il encoure, l’employeur doit donc prendre son temps, faire preuve de bonne foi et justifier de démarches et d’actions concrètes pour permettre l’éventuel reclassement du salarié en son sein, mais encore, s’il fait partie d’un groupe, dans l’entier périmètre de ce dernier.
Auteur
Rodolphe Olivier, avocat associé en droit social
Le reclassement ou le licenciement d’un salarié physiquement inapte doivent intervenir dans le bon timing – Article paru dans Les Echos Business le 21 décembre 2015
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