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Réforme de la formation professionnelle : trois mesures clefs

La réforme, issue de la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 (JO du 6 février 2014), affiche une volonté de responsabiliser salariés et entreprises, par la mise en place, entre autres mesures, du compte personnel de formation et d’un nouvel entretien professionnel, comme par un changement essentiel du financement de la formation.

Ces dispositions entreront en vigueur à partir du 1er janvier 2015, à l’exception des dispositions relatives à l’entretien professionnel qui, en l’absence de précision dans la loi, sont donc entrées en vigueur le 7 mars.

Après le DIF, le CPF

Cité souvent comme la clef de voûte de la réforme, le compte personnel de formation (CPF) remplacera le DIF. Ce compte sera ouvert dès 16 ans –ou 15 ans sous certaines conditions- et fermé au départ en retraite.

Comme le DIF, le compte sera alimenté en heures de formation chaque année dans la limite de 150 heures, mais le dispositif comporte des innovations importantes par rapport au DIF :

  • son objectif est de permettre le développement de formations qualifiantes, ce qui limite les formations éligibles.
  • géré par le biais d’un traitement automatisé de données personnelles extérieur à l’entreprise dénommé «système d’information du compte personnel de formation», le CPF sera intégralement transférable.
  • enfin, la loi met en place diverses possibilités d’abonder le CPF, au-delà des heures créditées au fil des ans, ce qui peut être essentiel pour accéder à des formations qualifiantes de longue durée.

Au sein de l’entreprise, cet abondement devra être évoqué dans le cadre de la négociation sur la Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) et peut être prévu par un accord d’entreprise (cf. infra).

Les formations financées par le CPF ne seront soumises à l’accord de l’employeur que pour celles suivies en tout ou partie pendant le temps de travail (à la différence du DIF). L’accord de l’employeur ne sera toutefois pas requis lorsque la formation visera l’acquisition du socle de compétence ou utilisera les 100 heures de compensation d’une insuffisance durable de l’effort d’adaptation et de formation (cf. infra).

Le financement du CPF sera assuré par l’employeur lorsqu’un accord d’entreprise sur le financement du CPF aura été conclu. En l’absence d’accord, les frais de formation du salarié seront pris en charge par l’OPCA ou, pour un congé individuel de formation, par le fond paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP).

Un nouvel entretien professionnel obligatoire

La loi prévoit de généraliser la tenue d’un entretien professionnel périodique afin de mieux apprécier l’évolution des compétences des salariés et de favoriser leur progression professionnelle.

Cet entretien, qui a lieu en principe tous les deux ans, devra également être proposé au salarié qui reprend son activité à l’issue de certains congés (congé de maternité ou d’adoption, congé parental, etc.), d’un arrêt longue maladie ou à l’issue d’un mandat syndical.

Il a le mérite de remplacer l’entretien de seconde partie de carrière, le bilan d’étape professionnel et l’entretien prévu au retour d’un congé de maternité, d’un congé parental d’éducation et d’un congé de soutien familial.

En revanche, l’entretien professionnel nouvellement créé ne se substitue pas à l’indispensable entretien annuel prévu pour les salariés en « forfait jours » et ne se confond pas non plus avec l’entretien annuel d’évaluation mis en place par les entreprises.

Cet entretien devra être formalisé par écrit (modèles « OPCA » ou annexe du « passeport orientation formation » créé en 2004).

Tous les six ans l’employeur doit procéder à un récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, lorsqu’à l’occasion de ce bilan il est établi que le salarié n’a pas bénéficié des entretiens professionnels tous les 2 ans, ainsi que de deux des trois mesures suivantes : action de formation, progression salariale ou professionnelle, acquisition d’éléments de certification de la formation ou validation des acquis de l’expérience, le CPF du salarié sera crédité de 100 heures et l’employeur devra verser une somme correspondante à l’OPCA.

Le financement de la formation : disparition de la déclaration fiscale « 2483 »

La nouvelle loi marque la disparition du dispositif actuel qui repose sur une logique fiscale assortie d’un système de dépenses libératoires permettant à une entreprise de réduire ou de se libérer totalement de son obligation en finançant directement des actions au profit des salariés.

Les employeurs auront à verser une contribution unique à un seul OPCA. Elle sera de 0,55% pour les entreprises de moins de 10 salariés et de 1% pour celles d’au moins 10 salariés.

Les entreprises d’au moins 10 salariés peuvent réduire leur contribution de 0,2% en concluant un accord d’entreprise pour consacrer ces 0,2% en interne au financement du CPF. Cela peut permettre d’afficher une politique d’entreprise mais les contraintes sont réelles. Si employeurs et salariés ont des besoins prioritaires de formation d’adaptation au poste ou de remise à jour des connaissances, ces formations ne sont pas éligibles au CPF. Ce choix méritera donc réflexion …

L’employeur demeure tenu à la mise en place d’un plan de formation et, plus généralement, a l’obligation de contribuer au développement de la formation professionnelle continue en finançant directement des actions. Le choix est celui de la responsabilisation des entreprises, appelées à voir dans la formation une ardente obligation et un investissement rentable.

A n’en pas douter, cette réforme va remettre encore davantage au goût du jour la question de la formation et de l’employabilité des salariés. La moindre faille de l’employeur en la matière risque d’être mise à profit dans le cadre des contentieux prud’homaux. Rappelons que la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé le 5 juin 2013 qu’il y avait lieu d’indemniser un salarié du préjudice de n’avoir bénéficié « d’aucune formation permettant de maintenir sa capacité à occuper un emploi au regard de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations ».

 

A propos de l’auteur

Carole Rometti, avocat intervient dans le conseil et la défense des entreprises en matière de droit du travail, droit de la sécurité sociale et de la protection sociale. Spécialisée en droit social, elle traite plus particulièrement des questions relatives à l’aménagement du temps de travail, à la politique salariale et l’épargne salariale, à la négociation collective et à la représentation du personnel, aux plans de sauvegarde de l’emploi, au contentieux collectif et individuel (relations de travail, contrôles URSSAF …), aux restructurations et plus généralement aux questions touchant les problématiques liées aux transferts d’activité et de changement d’employeur (fusion, cession d’activité, sous-traitance …), aux plans de retraite et de prévoyance et à la gestion de la mobilité internationale.

 

Article paru dans Les Echos Business du 12 mars 2014

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