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La répartition des charges inspirée par la loi Pinel emporte-t-elle le déplafonnement du bail renouvelé ?

La répartition des charges inspirée par la loi Pinel emporte-t-elle le déplafonnement du bail renouvelé ?

Sauf cas particuliers, le loyer du bail renouvelé ne peut être fixé à la valeur locative qu’en présence d’un motif de « déplafonnement » visé à l’article L.145-33 du Code de commerce. Parmi ces motifs, le bailleur peut se prévaloir d’une modification des obligations respectives des parties et notamment des « obligations découlant de la loi et génératrices de charges » (article R.145-8 alinéa 2 du Code de commerce).

C’est sur ce fondement que certains bailleurs tentent d’arguer de la loi Pinel du 18 juin 2014 et de la nouvelle interdiction de répercuter certaines charges sur le locataire, pour obtenir un déplafonnement du loyer du bail renouvelé. Une décision récente du juge des loyers commerciaux de Paris est à cet égard intéressante car, à notre connaissance, il est le premier à s’être prononcé sur cette problématique (TGI Paris, 29 juin 2017, n°16/15417).

En l’espèce, le renouvellement du bail commercial était intervenu le 1er avril 2016. Alors que le bail initialement conclu entre les parties mettait valablement à la charge du preneur toutes les réparations y compris celles prévues par l’article 606 du Code civil, tel ne pouvait plus être le cas du bail renouvelé en raison de l’entrée en vigueur, au cours du bail expiré, de la loi Pinel et de son décret d’application du 3 novembre 2014 qui pose désormais le principe de la non-imputabilité de ces réparations au locataire.

Le bailleur soutenait en conséquence que, dans la mesure où ces dispositions législatives et réglementaires allaient entraîner une modification de ses obligations génératrice de charges pour lui, le déplafonnement du loyer était justifié sur le fondement de l’article R.145-8 alinéa 2 du Code de commerce ; il suffisait en effet, selon lui, que la modification soit intervenue depuis la dernière fixation du prix.

A l’appui de cet argument juridique, le bailleur soulevait également un argument économique : lors de la conclusion du bail, le bailleur avait déterminé le montant du loyer afin de s’assurer une certaine rentabilité. Or, s’il ne pouvait augmenter le montant du loyer tout en supportant plus de charges, nécessairement, cette rentabilité était mise à mal.

Pour autant, la législation des baux commerciaux a été pensée pour assurer la pérennité du fonds de commerce exploité dans les murs et la jurisprudence, s’inscrivant dans cette même logique, exige notamment que le motif de déplafonnement dont se prévaut l’une des parties soit intervenu au cours du bail échu.

En l’occurrence, le juge des loyers commerciaux de Paris a considéré que cette condition faisait défaut et a rejeté la demande de déplafonnement du bailleur.

Le juge a ainsi relevé qu’en distinguant expressément l’applicabilité immédiate aux contrats en cours à la date de la publication du texte de certaines des dispositions du Code de commerce, dans leur rédaction issue du décret du 3 novembre 2014, et l’applicabilité différée aux contrats conclus ou renouvelés à compter de sa publication d’autres dispositions du même Code, issues de ce même décret, la loi Pinel a implicitement mais nécessairement entendu exclure l’applicabilité de ces autres dispositions aux contrats en cours à la date de publication du décret.

Dès lors, considérant que l’article R.145-35 du Code de commerce, tel qu’issu de la loi Pinel, n’était pas applicable aux contrats en cours à la date de la publication du décret du 3 novembre 2014 et qu’il n’était donc pas applicable au bail de l’espèce, venu à échéance le 31 mars 2016, le juge des loyers commerciaux a conclu que, dans ces conditions, la modification de l’une des clauses du bail à renouveler qui découle des dispositions d’un article du Code de commerce inapplicable à ce bail ne pouvait pas être considérée comme « intervenue » au cours dudit bail et n’était donc pas susceptible de justifier le déplafonnement du loyer.

L’affaire a toutefois fait l’objet d’un appel et nul doute que le débat n’en est qu’à ses prémices eu égard à son enjeu, qui est ni plus ni moins celui du déplafonnement de la majeure partie des baux de France !

 

Auteurs

Brigitte Gauclère, avocat counsel, droit commercial, droit de la distribution et immobilier

Miléna Oliva, avocat en droit commercial et droit de la distribution.

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