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Responsabilité du transporteur pour rupture de la chaîne du froid et absence de dommage

Responsabilité du transporteur pour rupture de la chaîne du froid et absence de dommage

Par un arrêt du 9 février 2016, la Cour de cassation affirme que la rupture de la chaîne du froid engage la responsabilité du transporteur même si les produits n’ont pas subi d’altération (Cass. com., 9 février 2016, n°14-24.219).

En l’espèce, un transporteur chargé d’acheminer des produits surgelés périssables les avait livrés à une température supérieure à celle contractuellement prévue. A la livraison, le destinataire avait refusé la marchandise et maintenu par la suite sa position, bien que les experts aient relevé, par une analyse de bactériologie alimentaire, l’absence d’altération des marchandises. L’expéditeur, contraint d’indemniser le destinataire et de procéder à la vente en sauvetage des produits, avait assigné le transporteur et son assureur en paiement de la somme versée déduction faite du produit de la vente. La Cour de cassation, confirmant la décision de la Cour d’appel, a rejeté le pourvoi formé par le transporteur.

L’argumentation du transporteur était fondée sur l’article L. 133-1 du Code de commerce qui dispose en son alinéa 2 que le transporteur est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeure. La notion d’avarie s’entendant habituellement du dommage subi par la marchandise au moment de la livraison, le transporteur soulignait qu’en l’espèce les prélèvements effectués sur la marchandise et confiés à un laboratoire indépendant pour analyse bactériologique avaient établi que la marchandise n’avait été rendue impropre à la consommation. Il s’en inférait pour le transporteur une absence de dommage subi par la marchandise et corrélativement une absence de responsabilité pour avarie.

La Cour de cassation en a jugé autrement. Elle a rappelé qu’en vertu du contrat type « marchandises périssables sous température dirigée », issu du décret du 12 février 2001 et de son article 8.2, le transporteur est responsable du maintien de la température ambiante dans le véhicule selon les indications portées sur le document de transport ou les instructions écrites du donneur d’ordre et elle a affirmé que « la non-conformité de la température à celle contractuellement prévue constitue une avarie, même en l’absence d’altération physique de la marchandise ». La simple constatation d’une température non conforme suffit donc à caractériser, pour un transport sous température dirigée, une avarie et à engager la responsabilité du transporteur tenu d’une obligation de résultat en application de l’article L. 133-1 précité, malgré la conformité des produits à la consommation.

Ainsi, la Cour de cassation précise la notion d’avarie. Ce n’est pas seulement, comme considéré jusqu’alors, le mauvais état d’une marchandise saine et intacte au départ ou l’aggravation de son mauvais état, mais ce peut être aussi le manquement à l’une des obligations essentielles prévues au contrat type.

Soulignons que de ce fait, la preuve d’un dommage n’est plus requise pour engager la responsabilité du transporteur en application de ce contrat type, le simple risque suffit. Toutefois, cette entorse aux principes de la responsabilité (impliquant le triptyque constitué par la faute, le dommage et le lien causal entre la faute et le dommage) s’explique, en l’espèce, par le principe de précaution et l’idée d’une responsabilité préventive.

Auteur

Francine Van Doorne-Isnel, Avocat-counsel, spécialisée en droit commercial et droit de la distribution