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Revente à perte entre professionnels et imposition d’un caractère minimal à un prix de vente

Revente à perte entre professionnels et imposition d’un caractère minimal à un prix de vente

Après un arrêt du 22 novembre 2017 de la Chambre commerciale puis une décision de la Chambre criminelle du 19 décembre 2017, c’est la troisième fois en peu de temps, avec ce nouvel arrêt de la Chambre criminelle du 16 janvier 2018, que la Cour de cassation prend position sur la question de l’interdiction de la revente à perte entre professionnels (Cass. crim., 16 janvier 2018, n°16-83.457).

Au cas particulier, une centrale d’achats active dans le secteur de la vente de vêtements et accessoires à prix discount avait été condamnée par la Cour d’appel pour revente à perte de chaussures à des magasins.

A cette occasion, s’est à nouveau noué le débat de la compatibilité, dans des relations entre professionnels, de l’article L.442-2 du Code de commerce avec la directive 2005/29 du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, laquelle ne reprend pas la revente à perte dans sa liste de pratiques réputées déloyales en toutes circonstances. On rappellera aussi que l’article 3 paragraphe 1 de cette directive précise expressément qu’elle s’applique aux pratiques déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs.

Après avoir observé que la pratique en cause ne concernait que des professionnels, à savoir une centrale d’achat et des détaillants, la Cour de cassation considère que l’argument de l’incompatibilité de l’interdiction française de revente à perte avec la directive précitée n’est pas pertinent : en effet, la directive « ne trouve à s’appliquer qu’aux pratiques qui portent directement atteinte aux intérêts économiques des consommateurs et, ainsi ne s’applique pas aux transactions entre professionnels ». Plus curieusement, elle estime pouvoir pleinement fonder sa conclusion sur un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 19 octobre 2017, lequel, après un examen approfondi, a pourtant remis en cause l’interdiction espagnole de revente à perte dans le cas d’un litige de vente à perte entre un grossiste et des détaillants (CJUE, 19 octobre 2017, C-295/16). Mais il est vrai aussi que la législation espagnole, à la différence du texte français, a plus nettement pour finalité la protection des consommateurs (voir le focus de la lettre Concurrence / Economie de février 2018).

Par ailleurs, la Cour de cassation se prononce sur les dispositions de l’article L.442-5 du Code de commerce prohibant le fait d’imposer un caractère minimal à un prix de revente ou à une marge commerciale, disposition autonome qui ne se confond pas avec la prohibition des prix imposés en tant que pratique anticoncurrentielle (ententes, abus de position dominante). Après avoir relevé que l’enquête de la DGCCRF avait conduit à constater que sur le logiciel des caisses des magasins les prix de vente étaient insérés par la centrale d’achat, que les informations relatives aux prix et aux chiffres de vente étaient centralisées par cette dernière et que les vêtements étaient livrés pré-étiquetés, la Cour d’appel avait estimé que les co-gérants des magasins ne disposaient en réalité d’aucune autonomie de gestion. Dans ce contexte, la Cour de cassation en a déduit qu’un tel mode opératoire de fonctionnement du réseau constituait un moyen indirect d’imposer un caractère minimal au prix de revente, ce qui est contraire à l’article L.442-5 du Code de commerce.

 

Auteur

Denis Redon, avocat associé, droit douanier et droit de la concurrence

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