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L’autorisation judiciaire préalable dans les inspections européennes de concurrence ?

Par un arrêt du 6 septembre 2013, le Tribunal de l’Union européenne (TUE) vient de valider trois inspections menées par la Commission européenne dans les locaux d’une entreprise et de ses filiales.

Le fondement de ces inspections reposait sur les dispositions de l’article 20 paragraphe 4 du règlement 1/2003 du 16 décembre 2002 qui ne prévoit pas une autorisation judiciaire préalable (à l’inverse des paragraphes 6 à 8 du même article, applicables après une opposition à l’inspection, ou de l’article 21, qui l’exigent).

L’entreprise souhaitait faire constater l’incompatibilité de l’article 20 paragraphe 4 avec la Convention européenne des droits de l’homme, en particulier avec le principe d’inviolabilité du domicile et celui du droit à un recours juridictionnel effectif, et partant l’illégalité des inspections.

Sur le premier argument, le TUE considère d’abord que l’absence d’autorisation judicaire préalable n’emporte pas en soi l’invalidité de la perquisition. Il ajoute que le niveau de protection visant à encadrer les pouvoirs d’investigation est déterminant et que, les cinq garanties suivantes organisées par le droit de l’Union sont suffisantes : la motivation des décisions d’inspections, les limites imposées à la Commission lors du déroulement des inspections, l’impossibilité pour la Commission – de recourir à l’inspection par la force, l’intervention des instances nationales, et l’existence de voies de recours a posteriori. En outre, le TUE s’est attelé à caractériser leur effectivité, relevant notamment le descriptif contenu dans la décision d’inspection, la possibilité d’une assistance juridique avec le bénéfice d’un délai, « raisonnable mais bref », pour examiner avec l’avocat la décision d’inspection ou les demandes d’explications orales, l’absence de moyens coercitifs pour forcer l’accès, la notification concomitante à la décision des notes explicatives de la Commission, le contrôle de la légalité a posteriori par la Cour de justice…

Le deuxième argument n’est pas davantage retenu, le TUE estimant que le moment du contrôle est indifférent (donc pas forcément ex ante) à l’inverse de son intensité qui est primordiale. De ce point de vue, le TUE se satisfait du contrôle a posteriori par le juge de l’Union, en soulignant que la possibilité d’un recours devant ce dernier est mentionné dans la décision d’inspection. Soulignons que si l’entreprise avait refusé l’inspection, elle aurait pu en revanche bénéficier d’un accès à un contrôle ex ante supplémentaire avant le déclenchement des inspections et que la comparaison des situations ne semble pas avoir infléchi le raisonnement du TUE. La nécessité d’un mandat judiciaire préalable est donc totalement écartée par le TUE.

Enfin, dans cette affaire, l’entreprise soulevait aussi une atteinte aux droits de la défense liée au fait que des informations obtenues illicitement lors de la première inspection auraient conduit aux deux interventions suivantes. Se posait alors la question de l’utilisation d’informations dans un but autre que celui pour lequel elles ont été collectées. Si le TUE rappelle le principe selon lequel un tel usage affecterait les droits de la défense, il le tempère sévèrement, en considérant que le fait que la Commission ait obtenu pour la première fois des documents dans une affaire donnée n’empêche pas que ces documents puissent être demandés dans une autre et utilisés comme preuve. Une des raisons avancée, plutôt curieuse, serait que les « entreprises seraient incitées, lors d’une vérification dans une première affaire, à donner tous les documents permettant d’établir une autre infraction et à se prémunir ainsi de toute poursuite à cet égard ». En tous cas, il ne semble pas à l’ordre du jour qu’un juge saisi ex ante puisse ici se prononcer…

 

A propos de l’auteur

Denis Redon, avocat associé en droit de la concurrence. Il est notamment en charge des questions relatives au droit des concentrations (notification d’opérations, analyse concurrentielle des dossiers, etc.) et droit anti-trust.

 

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 7 octobre 2013

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