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La rupture de la période d’essai n’est pas dénuée de risques

L’employeur dispose de la liberté de rompre à tout moment le contrat de travail d’un salarié pendant la période d’essai. Il doit toutefois s’assurer de l’existence réelle d’une telle période d’essai, procéder à la rupture du contrat de travail au moment opportun et pour de bonnes raisons, et respecter un délai de prévenance.

1. La période d’essai ne se présume pas et doit être visée dans le contrat de travail

La période d’essai a pour objet de permettre à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.

Pour qu’il soit procédé à la rupture de la période d’essai, encore faut-il que les parties au contrat de travail soient effectivement liées par une telle période d’essai, étant ici précisé que celle-ci ne se présume pas. Elle doit donc être expressément mentionnée dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail et acceptée par le salarié.

Sa durée maximale, s’agissant d’un contrat de travail à durée indéterminée, est fixée à :

  • 2 mois pour les ouvriers et les employés,
  • 3 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens,
  • 4 mois pour les cadres.

Elle peut être renouvelée une fois si la convention collective de branche étendue applicable dans l’entreprise le prévoit, et si cette faculté de renouvellement est mentionnée dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail. En pareil cas, la durée de la période d’essai, renouvellement inclus, ne saurait excéder :

  • 4 mois pour les ouvriers et les employés,
  • 6 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens,
  • 8 mois pour les cadres.

Ces durées peuvent être :

  • allongées lorsqu’elles sont prévues dans des accords de branche conclus avant la date de publication de la loi n°2008-596 du 25 juin 2008,
  • écourtées par des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi du 25 juin 2008 précitée,
  • en tout état de cause écourtées dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail.

Il y a lieu de tenir compte, pour fixer la durée de la période d’essai, des contrats de travail à durée déterminée précédemment accomplis par le salarié, ainsi que de la durée des stages pédagogiques réalisés lors de la dernière année d’études, dans les conditions exposées à l’article L 1221-24 du Code du travail.

Certaines dispositions, dérogatoires à ce qui précède, prévoient enfin des durées de période d’essai différentes (cas des salariés liés par un contrat de travail à durée déterminée ou un contrat de travail temporaire, situation des VRP, etc.).

L’absence de période d’essai dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail conduira :

  • l’employeur à devoir engager une procédure de licenciement s’il souhaite rompre le contrat de travail,
  • le salarié à démissionner s’il souhaite mettre un terme à la relation de travail.

2. La rupture de la période d’essai

L’absence de procédure et de formalisme

L’employeur et le salarié peuvent procéder à la rupture du contrat de travail lors de la période d’essai, ce jusqu’au dernier jour de cette dernière. Les parties ont, sous réserve de respecter le délai de prévenance visé ci-après, toute liberté pour rompre la période d’essai.

Sauf dispositions résultant d’une convention collective ou d’un accord collectif :

  • aucun formalisme particulier n’est requis pour ce mode de rupture. Pour des raisons de preuve, il y a toutefois lieu, pour la partie qui prend une telle initiative, de la formaliser par un écrit qu’elle remettra à l’autre partie en main propre, ou qu’elle lui adressera sous la forme d’un courrier recommandé AR ;
  • la partie qui rompt la période d’essai n’est pas tenue de faire connaître à l’autre partie les raisons de la rupture.

A noter cependant que, dans l’hypothèse où il reprocherait une faute professionnelle au salarié, l’employeur serait tenu de respecter à l’égard de celui-ci la procédure disciplinaire (convocation à un entretien puis entretien et enfin notification de la rupture de la période d’essai).

Le respect d’un délai de prévenance

Il ressort de l’article L 1221-25 du Code du travail que, lorsqu’il met fin au contrat de travail au cours de la période d’essai, l’employeur doit, lorsque le contrat de travail prévoit une période d’essai d’au moins une semaine, respecter un délai de prévenance :

  • de 24 heures si le salarié compte moins de 8 jours de présence,
  • de 48 heures si le salarié compte entre 8 jours et un mois de présence,
  • de 2 semaines si le salarié compte au moins un mois de présence,
  • d’un mois si le salarié compte au moins 3 mois de présence.

De son côté, lorsqu’il met fin à la période d’essai, le salarié doit respecter un délai de prévenance de 48 heures, ce délai étant ramené à 24 heures si sa durée de présence dans l’entreprise est inférieure à 8 jours.

Il est par ailleurs à noter que la période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance. Un tel principe n’est pas sans poser difficulté dans l’hypothèse où, par exemple, la durée du délai de prévenance serait supérieure à la durée de la période d’essai restant à courir.

Les conséquences attachées au non-respect éventuel, par l’employeur, du délai de prévenance

La loi précitée du 25 juin 2008, qui a substitué le délai de prévenance au précédant délai de préavis, ne précise aucunement les sanctions attachées au non-respect, par l’employeur, d’un tel délai.

Aux termes d’une décision (n°11-23428) en date du 23 janvier 2013, la Cour de cassation a estimé que le non-respect du délai de prévenance par l’employeur, qui a régulièrement mis fin à la période d’essai, ne saurait conduire à la requalification de la rupture de la période d’essai en un licenciement.

Une ordonnance (n°2014-699) en date du 26 juin 2014 est venue apporter une précision importante. L’article 19 de ce texte précise que lorsque le délai de prévenance n’a pas été respecté, son inexécution ouvre droit pour le salarié, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. Cette indemnité est égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise.

A titre d’illustration, l’employeur qui ne respecterait pas le délai de prévenance serait redevable à l’égard du salarié d’une indemnité compensatrice équivalente à deux semaines de salaire si le salarié comptait au moins un mois de présence au moment de la rupture de sa période d’essai ou un mois de salaire si le salarié comptait trois mois de présence lors de cette même rupture.

L’indemnité compensatrice dont il s’agit s’entend d’un élément de salaire. Elle est en conséquence assujettie à l’ensemble des cotisations sociales.

3. La rupture du contrat de travail après le renouvellement de la période d’essai

La rupture de la période d’essai postérieurement au renouvellement de cette dernière impose que le renouvellement lui-même soit intervenu régulièrement.

Pour ce faire, ce renouvellement doit tout d’abord être finalisé antérieurement au terme de la période initiale. Il doit ensuite faire l’objet d’un accord exprès de l’employeur et du salarié.

Le renouvellement unilatéral est à proscrire. Dans une telle situation, la rupture du contrat de travail qui interviendrait au cours de la seconde période s’analyserait, si elle émane de l’employeur, en un licenciement qui serait ipso facto considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse faute d’engagement et de mise en œuvre d’une procédure de licenciement.

4. Les limites à la rupture de la période d’essai

• Les limites légales ou conventionnelles à la liberté de rompre la période d’essai

La convention collective applicable dans l’entreprise peut prévoir des limites aux motifs tendant à la rupture de la période d’essai. L’employeur ne pourrait donc imaginer, en pareil cas, de rompre la période d’essai d’un salarié pour d’autres raisons que celles évoquées dans la convention collective.

Le législateur a, de son côté, visé plusieurs situations interdisant à l’employeur de rompre la période d’essai.

Ainsi, l’employeur ne peut tout d’abord procéder à la rupture de la période d’essai pour l’un des motifs discriminatoires visés à l’article L 1132-1 du Code du travail (origine, âge, sexe, mœurs, orientation ou identité sexuelle, situation de famille, etc.). La rupture du contrat de travail serait ainsi considérée comme nulle. Elle pourrait alors autoriser le salarié à solliciter sa réintégration et exposer l’employeur à une éventuelle condamnation pénale.

L’employeur ne peut pas davantage procéder à la rupture de la période d’essai d’un salarié dont le contrat de travail est suspendu consécutivement à un accident du travail, ou prendre en considération l’état de grossesse d’une salariée pour justifier cette rupture. Il en va de même s’agissant d’un salarié qui se trouverait investi d’un mandat syndical ou de représentation du personnel. Il y aurait lieu pour l’employeur, dans ce dernier cas, de solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail.

• La rupture abusive de la période d’essai

Quand bien même l’employeur a respecté l’ensemble des conditions précitées, il est susceptible de s’exposer à un risque de condamnation à des dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d’essai.

Si par principe l’employeur est libre de rompre le contrat de travail de l’un de ses salariés à tout moment pendant la période d’essai, cette liberté n’est pas sans limite.

Il a été vu ci-avant que la période d’essai avait pour objet de permettre à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié, notamment au regard de son expérience.

L’employeur qui procéderait à la rupture du contrat de travail d’un salarié pour une toute autre raison (exemple : volonté en réalité de supprimer le poste du salarié ; riposte à l’annonce d’un état de grossesse, fraude à l’application de la législation concernant les contrats de travail à durée déterminée, etc.) qui serait démontrée par le salarié, pourrait être condamné à des dommages et intérêts.

Il en va de même si la rupture du contrat de travail est intervenue alors que le salarié ne s’est pas trouvé en situation effective de travail, ou s’il s’est vu confier un poste totalement différent de celui pour lequel il a été embauché.

La date à laquelle l’employeur procède à la rupture de la période a également son importance.

La rupture intervenant après quelques jours seulement d’exécution du contrat de travail pourrait, à moins que le salarié ait adopté un comportement fautif, paraître suspecte, surtout si la durée de la période d’essai initialement convenue est longue.

Il en va de même en cas de rupture constatée au terme de la période d’essai, singulièrement lorsque sa durée a été importante (exemple : durée de 4 mois renouvelable une fois, soit 8 mois, pour un cadre) et que le salarié ne s’est à aucun moment vu formuler le moindre reproche sur la tenue de son poste, ses qualités ou ses compétences professionnelles.

Plus généralement, la rupture de la période d’essai présente un risque pour l’employeur lorsque cette dernière résulte d’une intention de nuire au salarié, d’une légèreté blâmable ou plus simplement d’un détournement de la finalité de la période d’essai.

 

Auteur

Rodolphe Olivier, avocat associé en droit social.

 

Article paru dans Les Echos Business du 18 août 2014

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