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Transfert de résidence au Royaume-Uni : Opportunités et enjeux pour l’employeur et le salarié

Les entreprises françaises peuvent être séduites par le Royaume-Uni (RU) en raison de ses opportunités de marchés, le cas échéant de la City, de la flexibilité de son droit du travail et de sa moindre fiscalité (IS à 23% – 2013 et 21% en 2014). Néanmoins, pour les métiers de la finance, les bonus versés aux salariés peuvent être plus élevés mais les charges sociales patronales et salariales s’élèvent à 13.8% et sont plafonnées très rapidement à 2% du côté salarial.

Pour les salariés, l’économie est principalement sociale. En effet, l’imposition reste en principe élevée avec quatre taux d’impôt sur le revenu s’échelonnant de 10% à 45% pour les rémunérations supérieures à £ 150,000. Les « niches fiscales » sont quasi inexistantes. Les plus-values sont généralement imposées à 28% avec un taux réduit de 10% pour certaines plus-values entrepreneuriales, le régime des carried-interest est très favorable puisqu’il prévoit une exonération lors de l’attribution des parts et de la perception des revenus, sauf pour la partie correspondant à des plus-values réalisées par le fonds imposée à 28%.

Pour les résidents qui ne sont pas domiciliés au RU, les « non dom » (ou citoyens non britanniques ayant vocation à retourner dans leur pays), seuls les revenus étrangers rapatriés ou utilisés au RU y sont imposés. Les revenus de carried-interest provenant de plus-values réalisées hors du Royaume-Uni sont ainsi exonérés d’impôt.

1. De réelles perspectives d’optimisation

Optimisation des revenus professionnels et patrimoniaux

Toute rémunération payée au RU y est imposable alors même que l’activité serait exercée à l’étranger. L’activité au bénéfice d’une entité étrangère exercée depuis le RU y sera aussi imposable. En revanche, si l’activité est exercée à l’étranger avec paiement de la rémunération également à l’étranger, aucune imposition n’est due au RU. L’exercice d’activités dans plusieurs sociétés d’un groupe multinational peut donc s’avérer optimisant.

A l’occasion de l’arrivée au RU, un compte bancaire ouvert sur place crédité d’un capital constitué avant l’acquisition de la résidence au RU est conseillé pour éviter que ces sommes ne soient par la suite considérées comme des revenus rapatriés. Leurs revenus peuvent être ensuite réalisés dans des pays sans fiscalité à la source. Des arbitrages patrimoniaux devront ainsi être réalisés afin d’optimiser les possibilités offertes par le régime de la remittance basis, l’objectif étant de minimiser l’imposition dans l’Etat de source des revenus. Ainsi, mieux vaudra détenir des actifs monétaires (qui ne sont généralement pas soumis à retenue à la source dans le pays de la source) que des parts ou actions de sociétés dont les dividendes sont généralement soumis à retenue à la source (15% en France par exemple en application de la Convention Franco-Britannique).

Optimisation de l’imposition du capital

L’ISF n’a pas de traduction dans la langue de Shakespeare. Par ailleurs, le capital peut être transmis à titre gratuit y compris à cause de mort sans imposition au RU s’il est placé à l’étranger et ce pendant les 17 premières années de résidence du « non-dom ». La fiscalité éventuellement applicable dans l’Etat de résidence du bénéficiaire ou celle afférente à des biens immobiliers (généralement imposables dans l’Etat de situation) devra être anticipée aux fins d’optimisation. Si les bénéficiaires sont des résidents fiscaux de France par exemple, ils seront imposés en France.

Transférer son domicile hors de France n’entraîne pas forcément la sortie du champ de l’impôt français dès lors des revenus continuent à y être perçus.

Imposition en France

L’exercice d’une activité en France devrait en général se traduire par une imposition de la rémunération au barème progressif de l’impôt sur le revenu en France, les contribuables pouvant toutefois bénéficier du quotient familial.

L’exit tax pose le principe d’une imposition en France de la plus-value latente sur les actions détenues lors du transfert de résidence à l’étranger. Mais les titres placés sur le PEA (qui survit au transfert de résidence) et sur un contrat d’assurance vie ainsi que les stock-options, les actions gratuites et dans une certaine mesure les parts de carried interest en sont toutefois exonérés. Rappelons qu’en cas de décès ou de donation l’exit tax n’est plus due sauf en cas de plus-values en report. Les dividendes de source française sont imposables en France à 15%, impôt le cas échéant créditable sur l’impôt anglais si le dividende devait être rapatrié au RU.

En ce qui concerne les biens immobiliers en France, on déplorera une fiscalisation en France des loyers (au taux minimal de 35,5%) et de la plus-value de cession (au taux fixe de 34,5%, prélèvements sociaux compris) mais cette plus-value pourra toutefois bénéficier des abattements pour durée de détention conduisant à une exonération d’impôt sur le revenu passé 22 années de détention. Le cédant pourra également bénéficier de l’exonération supplémentaire à hauteur de 150.000 € lors de la cession d’un premier bien.

L’ISF pourrait être également dû sur la valeur de ces actifs immobiliers diminuée selon les cas des dettes d’acquisition. Les actifs financiers en France sont exonérés d’ISF sous réserve qu’ils ne constituent pas une participation dans une société française (en pratique moins de 10% du capital).

La CSG/CRDS n’est plus applicable pour les non-résidents sur les revenus et gains de source française (à l’exception des revenus et gains immobiliers). Ainsi, il pourrait être envisagé de déboucler un PEA qui a plus de 5 ans sans CSG/CRDS à 15,5% ni impôts français et britannique si les fonds ne sont pas rapatriés. De même, la résiliation d’un contrat d’assurance-vie pourrait se faire en totale franchise fiscale française sous réserve que les revenus soient effectivement taxés au Royaume-Uni.

Par ailleurs, il faut s’assurer que l’administration fiscale française ne puisse discuter le changement de résidence fiscale. Il n’est pas rare que des personnes exerçant leur activité au RU puissent continuer à être considérées comme des résidents fiscaux de France. Afin de mettre toutes les chances de leur côté, les conditions et modalités de l’organisation de la vie post-départ doivent être minutieusement étudiées.

Ainsi par exemple, si la reconnaissance de la résidence fiscale au RU est difficilement discutable en cas de départ avec la famille, il en va différemment dans le cas, fréquent en pratique, où la famille reste en France et ce, peu importe le nombre de jours effectivement passés hors de France et même le cas échéant si l’intéressé est divorcé, comme l’a récemment précisé le Conseil d’Etat dans une décision du 31 mars 2014.

Le fait de conserver un contrat de travail avec une société française (ce qui peut être le cas de la plupart des salariés détachés dans une filiale anglaise mais qui continuent à exercer une partie de leur activité en France pour le compte du siège français) peut constituer une circonstance « aggravante ».

La problématique de la résidence doit être appréciée au cas par cas et le jeu par pondération des différents critères de droit interne et de la convention fiscale (foyer, logement, centre des intérêts personnels et économiques, durée des séjours notamment) est à apprécier avec précision.

Schématiquement, on prendra garde de ne pas passer en France plus de temps qu’au Royaume-Uni même si c’est moins de 6 mois.

La reconnaissance de la résidence fiscale en France peut avoir des conséquences financières également pour l’employeur, qui peut être exposé à devoir acquitter des cotisations sociales patronales en France si le salarié y exerce plus de 25% de son activité professionnelle (la règle européenne étant que le salarié cotise sur l’ensemble de ses salaires dans son Etat de résidence s’il y exerce au moins 25% de son activité). En application des règles européennes, le salarié resté résident fiscal de France, ne pourrait alors prétendre au régime social anglais qu’à la double condition que 75% au moins de son activité salariée soit exercée au RU et moins de 25% en France.

2. Partir pour mieux revenir ?

Reste à envisager l’éventuel retour en France. Des incitations fiscales au retour existent en matière d’ISF et d’impôt sur le revenu dès lors que le bénéficiaire n’a pas été résident fiscal de France dans les 5 dernières années civiles qui ont précédé son retour. Pour commencer, le code général des impôts exonère d’ISF pendant 5 ans les biens situés hors de France. En outre et sous réserve que le transfert de résidence fiscale soit motivé par des raisons professionnelles (mutation, embauche), jusqu’à 50% du revenu professionnel de l’intéressé peut être exonéré à travers l’exonération de l’indemnité d’impatriation (qui peut être définie comme un pourcentage de la rémunération (fixe et variable) payée par l’employeur dans certaines situations) et l’exonération de la quote-part de la rémunération totale représentative des jours passés à l’étranger dans l’intérêt de l’employeur français. Last but not least, 50% de revenus financiers ou passifs de source étrangère sont susceptibles d’être exonérés. Ce régime s’applique pendant les 5 premières années de résidence en France. Si l’employé est de surcroit détaché depuis le RU, les cotisations sociales britanniques (salariales et patronales) sont susceptibles de s’appliquer sur les 2 premières années de manière automatique ou éventuellement pour une période plus longue en cas de demande de prolongement et après revue du dossier par les autorités françaises. Entre l’application de taux de charges sociales réduits, l’exonération de CSG/CRDS sur la rémunération professionnelle et les exonérations fiscales, le pourcentage d’imposition et de cotisation après retour est susceptible de surprendre… dans le bon sens.

 

Auteurs

Michel Collet, avocat associé en fiscalité internationale.

Clément Rozant, avocat, en fiscalité internationale.

Article paru dans le magazine Option Finance le 23 juin 2014

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