Amendes routières : la prise en charge par l’employeur est un avantage en nature soumis à cotisations
21 mars 2017
Par un arrêt en date du 9 mars 20171, publié le même jour sur son site Internet et largement diffusé, la Cour de cassation a considéré que la prise en charge par l’employeur des amendes infligées à un salarié en raison d’une infraction au Code de la route commise avec un véhicule de l’entreprise constitue un avantage en nature, soumis en conséquence à cotisations sociales.
A la suite d’un contrôle, une entreprise s’est vue notifier un redressement par l’Urssaf, qui a procédé à la réintégration, dans l’assiette des cotisations sociales, du montant des amendes réprimant les contraventions au Code de la route commises par des salariés de l’entreprise. Contestant cette réintégration, l’employeur a introduit un recours devant les juridictions compétentes.
Une position de la Cour d’appel fondée sur les dispositions du Code de la route
Pour conclure à l’annulation du redressement, les juges du fond ont retenu que l’employeur, en prenant en charge le montant des contraventions, n’avait fait que répondre à ses obligations légales.
A l’appui de son argumentation, la Cour d’appel a rappelé que selon les dispositions des articles L. 121-2 et L. 121-3 du Code de la route, le responsable pécuniaire des infractions à la réglementation relative notamment au stationnement de véhicules ou aux vitesses maximales autorisées est le titulaire du certificat d’immatriculation, et donc l’employeur.
Dans ces conditions, la prise en charge financière par l’employeur des amendes infligées au titre des contraventions commises par ses salariés ne peut être assimilée à un avantage en nature octroyé aux salariés et devant donner lieu à cotisations sociales, dans la mesure où leur paiement doit être supporté par l’employeur.
Pour la Cour d’appel, il importe peu que l’employeur dispose de la faculté de fournir des renseignements permettant d’identifier l’auteur véritable de l’infraction pour s’exonérer de sa responsabilité pécuniaire.
Une analyse censurée par la Cour de cassation qui rappelle les dispositions du Code de la sécurité sociale
Une telle analyse n’est pas retenue par la Cour de cassation.
En effet, dans un arrêt rendu au visa de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, la Haute juridiction rappelle que, pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme des rémunérations les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, indemnités de congés payés, primes, gratifications et tous autres avantages en argent ou en nature.
Elle en déduit que « constitue un avantage, au sens de cette disposition, la prise en charge par l’employeur, des amendes réprimant une contravention au Code de la route commise par un salarié de l’entreprise ». C’est donc à bon droit que l’Urssaf a procédé à la réintégration du montant de ces amendes payées par l’employeur dans l’assiette des cotisations sociales.
Une telle solution apparaît conforme à la position prônée par l’Urssaf sur son propre site internet. En effet, il y est expressément précisé qu’une contravention « ne peut être considérée comme étant une dépense à caractère professionnel » de sorte que leur prise en charge par l’employeur « ne peut être considérée que comme un avantage qu’il convient de soumettre à cotisations2« .
Une solution de portée relative
Une telle solution apparaît toutefois de portée relative compte tenu loi de la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle3, qui prévoit que, depuis le 1er janvier 2017, l’employeur se doit de divulguer aux autorités l’identité et l’adresse du salarié conduisant le véhicule appartenant à l’entreprise ou loué par elle lors de la constatation d’une infraction routière par le biais d’un radar automatisé4.
Sont notamment visées les infractions relatives au port de la ceinture de sécurité, à l’usage du téléphone ou encore aux vitesses maximales autorisées.
En pratique, ces dispositions ont vocation à ce que le salarié ainsi identifié comme étant l’auteur de l’infraction supporte le règlement de l’amende, évitant alors une prise en charge par l’employeur ainsi que le paiement de cotisations sociales afférentes.
Notes
1 Cass. soc., 9 mars 2017, n°15-27.538
2 www.urssaf.fr
3 Loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, article 34
4 Article L. 126-6 du Code de la route
Auteur
Florence Habrial, avocat en droit du travail et droit de la protection sociale
Amendes routières : la prise en charge par l’employeur est un avantage en nature soumis à cotisations – Article paru dans Les Echos Business le 20 mars 2017
A lire également
Avis de gros temps pour les plates-formes électroniques utilisant des travaille... 25 janvier 2017 | CMS FL
La négociation collective obligatoire : ce qui change au 1er janvier 2016... 16 décembre 2015 | CMS FL
Le droit à l’erreur en matière URSSAF : que va-t-il se passer à partir ... 23 décembre 2019 | CMS FL Social
Condition d’ancienneté pour le bénéfice des ASC : une mise en conformité n... 17 septembre 2024 | Pascaline Neymond
Sport en entreprise : l’URSSAF précise les conditions d’exonératio... 10 juin 2021 | Pascaline Neymond
Vente et don de matériel informatique et de téléphonie mobile aux salariés :... 28 février 2020 | CMS FL Social
PLFR 2021 (1ère lecture AN) : Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ... 15 juin 2021 | Pascaline Neymond
Avantage en nature pour les salariés : prolongation du régime de faveur en cas... 13 janvier 2023 | Pascaline Neymond
Articles récents
- Syntec : quelles actualités ?
- Modification du taux horaire minimum de l’allocation d’activité partielle et de l’APLD
- Congés payés acquis et accident du travail antérieurs à la loi : premier éclairage de la Cour de cassation
- Télétravail à l’étranger et possible caractérisation d’une faute grave
- La « charte IA » : un outil de contrôle et de conformité désormais incontournable
- Rapport de durabilité : la nouvelle obligation de consultation du CSE entre en vigueur le 1er janvier 2025
- Statut de lanceur d’alerte : le Défenseur des droits et la jurisprudence précisent ses contours
- Enquêtes internes : des règles en constante évolution
- Pas de co-emploi sans immixtion dans la gestion économique et sociale de la société : illustration en présence d’une société d’exploitation
- Fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2025