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Attribution gratuite d’actions (AGA) : l’administration fiscale commente le nouveau régime

Attribution gratuite d’actions (AGA) : l’administration fiscale commente le nouveau régime

L’administration fiscale vient de publier ses commentaires sur le nouveau régime applicable aux attributions gratuites d’actions (AGA). Revue des principaux apports et de certains points oubliés.

Cédant à nouveau à son goût immodéré d’adaptation de la loi pour répondre à quelque fait divers (en l’occurrence relatif à la rémunération de certains dirigeants de grands groupes), le législateur avait de nouveau modifié fin 2016 le régime social et fiscal applicable aux AGA, et ce alors même que l’encre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite « Loi Macron ») était à peine sèche.

En substance, cette réforme remet partiellement en cause, pour les seules actions attribuées en application d’une autorisation votée en assemblée générale postérieurement au 30 décembre 2016, le bénéfice du régime fiscal et social défini par la loi Macron en matière d’AGA (voir Option Finance n°1330 du 31 août 2015).

Ainsi, pour les attributaires de telles AGA, le bénéfice de l’abattement pour durée de détention (si les actions ont été conservées au moins deux ans à compter de leur date d’acquisition définitive) au titre du gain d’acquisition (qui correspond à l’avantage salarial c’est-à-dire, sauf exception, à la valeur de l’action à la date à laquelle elle est définitivement acquise par le bénéficiaire) est désormais plafonné à la fraction de ce gain inférieure à 300 000 euros par an. Le même montant s’applique pour plafonner l’exonération de contribution sociale salariale de 10% (laquelle contribution avait été supprimée dans le cadre de la loi Macron, et renait donc de ses cendres lorsque le gain d’acquisition excède 300 000 euros par an). Pour la société attributrice enfin, le taux de la contribution sociale patronale est relevé à 30%, mais ne s’applique, depuis la loi Macron, qu’à la valeur des seules actions effectivement acquises par les bénéficiaires (l’exonération de cette contribution étant maintenue pour les PME n’ayant pas distribué de dividendes au cours des cinq dernières années).

C’est ce nouveau régime que l’administration fiscale vient de commenter au bulletin officiel des finances publiques (« BOFiP »).

I. Des éclaircissements et confirmations bienvenus

La principale nouveauté de la réforme consiste dans la coexistence de deux régimes d’imposition distincts, celui des plus-values pour la fraction du gain d’acquisition inférieure à 300 000 euros, et celui des traitements et salaires pour l’excédent.

Un des enjeux principaux des commentaires administratifs attendus concernait donc les modalités d’appréciation de ce seuil de 300 000 euros.

L’administration fiscale confirme à cet égard, reprenant les termes de la loi, qu’il s’agit d’un seuil qui s’apprécie annuellement. Elle en déduit que la fraction de ce montant qui n’aurait éventuellement pas été consommée au titre d’une année ne saurait être reportée sur les années suivantes.

L’administration indique également que le seuil de 300 000 euros s’apprécie avant application des éventuels abattements pour durée de détention, mais après imputation de l’éventuelle moins-value de cession réalisée par l’attributaire. Cette dernière précision est salutaire, car si elle est conforme à l’esprit affiché par le législateur de n’accorder un régime de faveur qu’aux attributaires réalisant un revenu significatif (lequel s’apprécie naturellement au regard du revenu final, incluant le résultat net de cession des AGA), la stricte lettre du texte laissait subsister certains doutes sur la prise en compte de cette moins-value pour apprécier le seuil de 300 000 euros.

Bien que les commentaires ne le prévoient pas expressément, il nous semble que la lecture combinée de l’article L. 137-14 du Code de la sécurité sociale et de la doctrine fiscale publiée devrait conduire à appliquer les mêmes règles s’agissant de l’exigibilité de la contribution sociale salariale de 10%.

Sur un plan international, l’administration confirme que la retenue à la source due par les attributaires étrangers sur le gain d’acquisition s’applique sur une base réduite de l’abattement pour durée de détention pour la partie du gain réalisée inférieure à 300 000 euros. Cette précision s’entend naturellement sauf stipulations conventionnelles contraires (qui peuvent notamment exclure toute application d’une retenue à la source).

Enfin, l’administration confirme expressément que des AGA issues d’un sous-plan adopté par l’organe habilité, en vertu d’une autorisation donnée entre le 8 août 2015 et le 30 décembre 2016 par les associés, relèvent effectivement du régime de la loi Macron. Si cette confirmation sur l’application dans le temps de la réforme introduite fin 2016 est précisée dans un paragraphe relatif aux plans étrangers, il ne fait selon nous pas de doute au regard du texte légal qu’elle devrait s’appliquer pour l’ensemble des plans d’AGA.

II. Quelques zones d’ombre persistantes

Pour autant, l’administration n’a pas levé l’ensemble des interrogations induites par le nouveau régime d’imposition des AGA, notamment s’agissant de l’appréciation du seuil de 300 000 euros.

Ainsi, il aurait été souhaitable que l’administration confirme que le caractère annuel du seuil de 300 000 euros, combiné au principe selon lequel le fait générateur de l’imposition du gain d’acquisition est constitué par la cession des AGA, induisait que la cession au cours de deux années civiles distinctes de titres attribués gratuitement au titre d’un même plan devrait conduire à apprécier le dépassement du seuil de 300 000 euros séparément pour chaque année de cession. Indépendamment du fait que le gain d’acquisition total réalisé au titre desdites actions cédées dépasse les 300 000 euros. Autrement dit, si un salarié a réalisé un gain d’acquisition de 500 000 euros au titre des AGA reçues, mais cède lesdites AGA sur deux années, par moitié (réalisant ainsi 250 000 euros de gain d’acquisition par an), la totalité du gain réalisé devrait à notre sens relever du régime fiscal des plus-values, ce que l’administration ne confirme malheureusement pas.

Par ailleurs, une question subsiste s’agissant du gain d’acquisition à prendre en compte pour apprécier la limite de 300 000 euros. En effet, celui-ci doit-il s’apprécier au regard du gain réalisé à raison des seules actions attribuées aux termes d’un plan autorisé après le 30 décembre 2016, ou convient-il de prendre en compte celui réalisé à raison de l’ensemble des AGA cédées au cours d’une année, que ces plans aient été autorisés après ou avant le 30 décembre 2016 ?

Pour notre part, il nous semble que la détermination du régime fiscal applicable à raison de chaque plan doit s’apprécier indépendamment des autres, et que c’est ainsi la première proposition qui doit être retenue. Mais en ce qui concerne l’imposition de ces gains, si plusieurs plans postérieurs au 30 décembre 2016 sont octroyés, les gains annuels sont la somme des gains tous plans post-30 décembre 2016 confondus. C’est ce qui parait ressortir de manière tacite des commentaires administratifs, qui indiquent qu’il doit être fait masse des gains réalisés au titre d’une année à raison de l’ensemble des plans consentis aux termes d’une autorisation octroyée postérieurement au 30 décembre 2016 (sans référence aux plans antérieurs). Cette approche, à la supposer retenue par l’administration, nous parait au demeurant conforme à l’évolution des textes, car le gain d’acquisition n’a pas toujours eu cette qualité d’avantage « salarial […] imposé […] selon les modalités prévues au 3. de l’article 200 A », et faire masse des gains d’acquisition pour apprécier le seuil de 300 000 euros indépendamment de leur qualification légale serait particulièrement discutable. Pour autant, une précision explicite de l’administration fiscale sur cette question aurait paru souhaitable.

Reste à savoir quelle sera la durée de vie de ces commentaires et du nouveau régime, notamment compte tenu de l’alternance politique survenue en juin dernier. A cet égard, on notera que l’Association française des investisseurs pour la croissance (AFIC) avait suggéré au premier semestre, dans le cadre d’une contribution aux débats pour les élections présidentielle et législative, de revenir au régime de la loi Macron. Reste à savoir si les professionnels seront écoutés sur cette question devenue, qu’on le veuille ou non, relativement politique…

 

Auteur

Jean-Charles Benois, avocat counsel en droit fiscal

 

Attribution gratuite d’actions : l’administration fiscale commente le nouveau régime – Article paru dans le magazine Option Finance le 18 septembre 2017