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Autoconsommation et TICFE

Autoconsommation et TICFE

Depuis la réforme de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) en 2016, devenue depuis la taxe intérieure de consommation finale sur l’électricité (TICFE) conformément à l’article 266 quinquies C du Code des douanes national il est notamment prévu que l’électricité est exonérée du paiement de la taxe lorsqu’elle est produite par de petits producteurs d’électricité qui la consomment pour les besoins de leur activité. Sont considérées comme petits producteurs d’électricité, les personnes qui exploitent des installations de production d’électricité dont la production annuelle n’excède pas 240 millions de kilowattheures (240 GWh) par site de production.

Lire également : TICFE et CSPE : le décret est paru, la circulaire aussi !

D’actualité, le sujet de l’autoconsommation devrait trouver très vite une application concrète, notamment au travers de l’autoconsommation photovoltaïque qui consiste pour une personne à placer des panneaux solaires sur le toit de son immeuble afin de produire et consommer elle-même l’électricité produite. Dans le schéma de panneaux en toiture qui s’est développé jusqu’ici, il n’y avait pas d’autoconsommation : la totalité de l’électricité produite était réinjectée sur le réseau et vendue à l’acheteur obligé, via un contrat d’obligation d’achat.

En droit de l’énergie, deux schémas sont prévus par les textes. D’une part, l’« autoconsommation individuelle », au sens de l’article L 315-1 du Code de l’énergie, qui est le fait pour un producteur, dit autoproducteur, de consommer lui-même et sur un même site tout ou partie de l’électricité produite par son installation. Ce régime implique une identité entre la personne qui produit l’électricité et celle qui la consomme. D’autre part, l’« autoconsommation collective », au sens de l’article L 315-2 du Code de l’énergie, qui signifie que des producteurs et des consommateurs dont les points de soutirage et d’injection sont situés en aval d’un même poste public de transformation d’électricité de moyenne en basse tension se regroupent au sein d’une personne morale organisatrice de l’opération d’autoconsommation collective. En pratique, le ou les producteurs participant à l’opération d’autoconsommation peuvent autoconsommer une partie de l’électricité qu’ils produisent (pour leurs besoins propres) et revendre le surplus aux consommateurs qui participent à l’opération d’autoconsommation collective (voire à des tiers).

Or, à ce jour, qui dit autoconsommation ne dit pas forcément exonération de TICFE.

Contrairement au point de vue qui avait été exprimé dans la circulaire de la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects (DGDDI) du 11 mai 2016, selon lequel seule l’autoconsommation intégrale (le producteur consomme la totalité de l’électricité qu’il produit) était exonérée de TIFCE, l’autoconsommation partielle (le producteur ne consomme qu’une partie de l’électricité qu’il produit, le surplus étant revendu) devait elle aussi bénéficier d’une telle exonération.

En effet, un arrêt du Conseil d’Etat du 20 septembre 2017 est venu remettre en cause le critère de la consommation intégrale ajouté par la circulaire, là où les dispositions pertinentes du Code des douanes national n’avaient rien prévu (CE, 20 septembre 2017, n°401294) :

« [Les] dispositions de l’article 266 quinquies C du Code des douanes […], qui visent à favoriser
l’ »autoconsommation » d’électricité, c’est-à-dire le fait pour un producteur de consommer lui-même tout ou partie de l’électricité produite par son installation, n’ont pas subordonné le bénéfice de cette exonération à la condition que le producteur consomme l’intégralité de l’électricité qu’il produit ».

C’est en raison de cette jurisprudence que, malgré la contestation et les tentatives de barrage de certains opérateurs économiques, la loi de finances rectificative pour 2017 a finalement modifié en début d’année le champ d’application de l’exonération de TICFE en prévoyant, au niveau de la loi et non plus par la seule voie de la circulaire, la condition de la consommation, dans sa totalité, de toute l’électricité produite par le petit producteur pour pouvoir prétendre au bénéfice de l’exonération.

Désormais, l’article 266 quinquies C du Code des douanes national prévoit qu’est exonérée l’électricité produite par de petits producteurs d’électricité « qui la consomment intégralement pour les besoins de leur activité ».

Dans ces conditions, il semble aujourd’hui possible de conclure que :

  • jusqu’au 31 décembre 2017, le Code des douanes national ne prévoyant pas le critère de l’intégralité de la consommation et la circulaire ayant été jugée illégale par le Conseil d’Etat, le bénéfice de l’exonération était possible pour la partie d’électricité consommée par celui qui l’avait produite et ce, même si ce dernier n’utilisait pas la totalité de cette électricité pour ses propre besoins. Aussi bien l’autoconsommation individuelle que collective pouvait a priori bénéficier de l’exonération sur la seule partie consommée par celui qui l’avait produite ;
  • depuis le 1er janvier 2018, un petit producteur peut bénéficier de l’exonération de TICFE s’il consomme l’électricité qu’il produit en totalité et pour son activité propre. Cela signifie que s’il ne consomme pas l’ensemble de l’électricité qu’il produit, il est exclu du bénéfice de l’exonération, même pour la partie autoconsommée, sauf si la puissance de production installée sur le site de production est inférieure à 1.000 kW (1 MW). Par ailleurs, dans un schéma d’autoconsommation collective, où le producteur revend une partie de l’électricité produite, et donc ne l’utilise pas pour les besoins de son activité, l’exonération ne semble pas envisageable pour la partie qu’il consomme.

L’exonération de TICFE, prévue par le Code des douanes national, pour les petits producteurs qui autoconsomment l’électricité qu’ils ont produite a donc désormais un champ d’application bien précis et des contours limités. L’exonération des taxes locales (TCFE communale et départementale) sur l’énergie autoconsommée s’applique dans les mêmes conditions (articles L. 3333-2 et L. 2333-3, Code général des collectivités territoriales, qui renvoient, pour l’application de l’exonération de taxe, aux conditions du 4° du 5 de l’article 266 quinquies C du code des douanes.)..

Ces dernières évolutions viennent illustrer le fait que le droit de l’énergie semble à ce jour poursuivre des objectifs différents de ceux du Code des douanes. L’autoconsommation devrait, de manière générale, être valorisée par l’ensemble des administrations dès lors qu’elle est justifiée par des impératifs d’intérêt général tels que la protection de l’environnement et la production d’énergies renouvelables. Ces derniers font d’ailleurs partie des objectifs que l’actuel ministre de la Transition écologique et solidaire souhaite atteindre rapidement. Or, un allègement de la fiscalité est généralement un moyen de soutien de certaines politiques publiques. Si l’objectif est bien la transition énergétique, qui est un élément fort de la protection de l’environnement pourtant appréhendée comme une politique transversale, l’autoconsommation, qu’elle soit collective ou individuelle, devrait pouvoir échapper à la TICFE, mais le Gouvernement, à l’origine de l’amendement qui a introduit le critère légal de la consommation intégrale dans l’article 266 quinquies C du Code des douanes national, semble avoir une approche différente.

Pour rappel, afin de justifier sa position, le Gouvernement avait avancé l’argument selon lequel l’application de l’exonération « à une consommation partielle aurait pour effet de créer un risque de double imposition qui ne pourrait être neutralisé que par la mise en place d’un dispositif complexe de remboursement qui donnerait lieu à une charge administrative accrue ». Certains parlementaires avaient tenté d’obtenir le retrait de ce critère de la consommation intégrale en faisant valoir qu’ « imposer de manière globale le bénéfice de l’exonération à la nécessite de consommer intégralement l’électricité produite constituerait un frein conséquent pour le développement de l’autoconsommation notamment celle de l’électricité vertueuse ». Mais sans succès, à croire que le Gouvernement a préféré tourner le dos aux énergies vertueuses pour maintenir un certain niveau de taxation.

Cette orientation qui limite l’exonération de TICFE en réalité aux petites installations en autoconsommation individuelle est d’ailleurs celle que préconise actuellement la Commission de régulation de l’énergie dans sa recommandation du 15 février 2018 sur l’autoconsommation, en partant du postulat que si « le niveau des dispositifs de soutien de l’autoconsommation doit permettre de couvrir les coûts d’investissement et d’exploitation des installations et d’apporter une rentabilité raisonnable à l’investisseur, ce niveau doit s’entendre tous dispositifs confondus, qu’ils soient directs (tarifs d’achats, appels d’offres) ou indirects (exonérations de taxe et de contributions) ». Le régulateur affirme d’ailleurs qu’il s’agit de privilégier les soutiens directs qui, d’une part, sécurisent durablement les investisseurs, les dispositions fiscales étant par nature évolutives et, d’autre part, permettent notamment « un pilotage plus efficace du rythme de développement des installations et limitent ainsi les risques d’effets d’aubaine« . Enfin, la Commission de régulation de l’énergie a conclu qu’elle préconisait de restreindre l’exonération de TICFE aux « seules installations [individuelles] de moins de 9kWc ».

 

Auteurs

Denis Redon, avocat associé, droit douanier et droit de la concurrence

Marie-Clémence Cicile, avocat, droit de la concurrence, réglementation économique et douane

Aurore-Emmanuelle Rubio, avocat, droit de l’énergie et droit public

 

 

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