Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Haut

Avenant SYNTEC : la sécurisation attendue des conventions de forfait en jours

Afin de sécuriser l’utilisation des forfaits jours de la Branche des bureaux d’études techniques et sociétés de conseil (dite SYNTEC), les partenaires sociaux ont signé, le 1er avril 2014, un avenant à l’accord national du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail. L’entrée en vigueur de cet avenant est subordonnée à son extension.
L’accord SYNTEC de 1999 a été déclaré insuffisant par la Cour de Cassation

La Cour de cassation, dans un arrêt du 24 avril 2013, a confirmé que l’accord SYNTEC du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail n’était «pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié».

En conséquence, il n’était pas possible de mettre en œuvre des conventions individuelles de forfait jours valables sur la base d’une application directe de l’accord SYNTEC du 22 juin 1999. La nullité de ces conventions était ainsi encourue et donnait lieu à des demandes importantes de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires en cas de contentieux.

La négociation d’un avenant à l’accord de branche

Prenant en compte la jurisprudence de la Cour de Cassation, les partenaires sociaux ont conclu, le 1er avril 2014, un avenant à l’accord du 22 juin 1999.

Cet avenant complète l’accord du 19 février 2013 relatif à la Santé et aux risques psychosociaux (étendu par arrêté du 23 octobre 2013) qui comporte un volet sur les forfaits jours mais qui s’est avéré insuffisant au regard de la jurisprudence.

Cet avenant sera d’applicabilité directe. Il permettra donc aux entreprises dépourvues de représentants du personnel de prévoir des conventions de forfait jours sans négocier d’accord. Les entreprises disposeront d’un délai de 6 mois après l’extension pour mettre en œuvre l’accord.

Cette situation était très problématique pour de nombreuses entreprises de la branche SYNTEC qui, compte tenu de leur taille, et en l’absence de représentants du personnel avec qui négocier des accords d’entreprise, faisaient donc une application directe de l’accord du 22 juin 1999.

Les bénéficiaires de la convention de forfait

Les critères de définition des bénéficiaires prévus par l’accord de 1999 n’ont pas été modifiés.

Peuvent bénéficier d’un forfait jours les salariés exerçant des responsabilités de management élargi ou des missions commerciales ou de consultant ou accomplissant des tâches de conception ou de création, de conduite et de supervision de travaux. Ils doivent disposer d’une large autonomie, liberté et indépendance dans l’organisation et la gestion de leur temps de travail.

En outre, les salariés doivent être classés à la position 3 ou bénéficier d’une rémunération annuelle supérieure à 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale ou être mandataires sociaux.

Des obligations nombreuses et précises pour préserver la santé et la vie personnelle du salarié

L’avenant signé par les partenaires sociaux est axé sur le contrôle de la charge de travail ainsi que sur la préservation et l’amélioration de la qualité de vie au travail. Sous réserve de son extension, l’avenant prévoit ainsi plusieurs mesures concrètes et innovantes pour sécuriser les forfaits jours, dépassant même, dans certains domaines, les exigences de la Cour de cassation.

Une amplitude de travail raisonnable

L’avenant rappelle très clairement que l’amplitude de 13 heures n’a pas pour objet de définir une journée habituelle de travail mais une amplitude exceptionnelle maximale de la journée de travail.

Un droit au repos et à la déconnexion

Afin que le droit au repos quotidien et hebdomadaire soit effectif, le salarié a une obligation de déconnexion des outils de communication à distance. Cette obligation de déconnexion est une disposition originale qui, si elle apparait légitime au regard du droit au repos, est néanmoins susceptible de poser des difficultés d’application, notamment pour les salariés en déplacement.

Un contrôle effectif de la charge de travail

L’avenant met à la charge de l’employeur plusieurs nouvelles obligations pour assurer le contrôle et le suivi de la charge de travail des forfaits jours :

  • le salarié doit bénéficier au minimum de deux entretiens annuels, distincts de l’entretien annuel d’évaluation, pour évoquer l’organisation et la charge de travail, l’amplitude des journées d’activité, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que la rémunération du salarié.
  • en outre, en cas de difficulté inhabituelle, le salarié peut émettre une alerte. Il doit alors bénéficier d’un entretien dans les 8 jours et les mesures arrêtées pour remédier à la situation doivent être consignées par écrit. Ce droit d’alerte illustre pleinement l’autonomie du cadre au forfait qui gère sa charge de travail
  • enfin, une visite médicale distincte peut être instaurée à la demande du salarié afin de prévenir les risques éventuels du forfait jours sur la santé physique et morale du salarié.

L’association des partenaires sociaux

Le comité d’entreprise doit être informé et consulté chaque année sur le recours aux forfaits jours dans l’entreprise ainsi que sur les modalités de suivi de la charge de travail des salariés. Ces informations seront transmises au CHSCT et consolidées dans la Base de données économiques et sociales unique.

En conclusion, et sous réserve de l’arrêté d’extension, l’avenant SYNTEC sur le forfait jours est un texte ambitieux qui a tiré tous les enseignements de l’arrêt du 24 avril 2013 et, plus largement, de la jurisprudence de la Cour de cassation sur les forfaits jours. Les partenaires sociaux ont ainsi qualifié d’impératives les dispositions permettant d’assurer une charge de travail raisonnable et le repos effectif du salarié.

Les employeurs qui en feront une application directe pourront donc sécuriser leurs forfaits jours. Toutefois, l’avenant n’est pas suffisant. Il faudra veiller à ce qu’en pratique, les nouvelles dispositions soient bien mises en œuvre et respectées car, à défaut, la convention de forfait jours est privée d’effet. Compte tenu des multiples mesures que prévoit l’avenant du 1er avril 2014, le défi est de taille.

 

A propos des auteurs

Nicolas de Sevin, avocat associé. Il intervient tant dans le domaine du conseil que du contentieux collectif. Son expertise contentieuse concerne principalement : les restructurations : transfert des contrats de travail, mise en cause des conventions collectives …,les PSE/PDV, contentieux du licenciement collectif, le droit des comités d’entreprise, les expertises (CE/CHSCT, …), le contentieux électoral, la négociation collective, le droit syndical, l’aménagement du temps de travail (accord 35 heures, récupération, …), les discriminations, le droit pénal du travail : entrave, marchandage, CDD/intérim et les conflits collectifs.

Ludovique Clavreul, avocat. Elle intervient principalement pour de grands groupes français et internationaux du secteur privé et public. Son expertise porte notamment sur le statut des dirigeants, le contentieux collectif en matière de représentation du personnel et d’élections professionnelles (représentant de section syndicale, contestations d’expertise CHSCT, UES…), la durée du travail, le travail dissimulé et le marchandage (contentieux pénal), les licenciements collectifs et les restructurations, les expertises (CE/CHSCT, …) et les services de santé au travail.

 

Article paru dans Les Echos Business le 14 avril 2014

Print Friendly, PDF & Email