Comment rémunérer les inventions de salariés ?

14 mars 2017
Dans la continuité de son étude menée en 2008, l’INPI a publié au mois d’octobre 2016 une seconde étude « La Rémunération des Inventions de Salariés, Pratiques en vigueur en France », consacrée à l’analyse des rémunérations des inventions de salariés. Les résultats essentiels de cette enquête démontrent qu’un inventeur salarié reçoit en moyenne un montant forfaitaire de 2 200 euros par invention, ce montant pouvant atteindre 11 000 euros selon le mode de calcul retenu.
On retiendra que 60% des entreprises mettent en place un système de primes forfaitaires, et que près de 40% conçoivent un système qui comprend à la fois le versement d’une telle prime et une rétribution liée à l’exploitation de l’invention. Néanmoins, dans le calcul de cette rémunération, les entreprises rencontrent des difficultés d’interprétation de la loi ainsi que d’organisation et de suivi du système.
Pour mémoire, il sera rappelé que l’article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que les inventions dites de « mission » c’est-à -dire celles « faites par le salarié dans l’exécution soit d’un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d’études et de recherches qui lui sont explicitement confiées » appartiennent à l’employeur.
Et il est établi à la charge de l’employeur une obligation de verser une rémunération supplémentaire dès lors qu’un employé est à l’origine, seul ou en commun, de la réalisation d’une invention de mission brevetable.
L’article précité précise uniquement que les modalités de cette rémunération sont déterminées en fonction des conventions collectives, des accords d’entreprise ainsi que des contrats individuels de travail.
La jurisprudence ajoute que peuvent notamment être pris en considération le salaire de l’inventeur, l’intérêt économique de l’invention ainsi que les efforts déployés par le salarié pour réaliser l’invention.
Sur la base des principes ci-dessus, il convient tout d’abord de s’interroger sur le point de savoir si l’invention du salarié répond ou non à la qualification d’une invention de mission. Tel sera le cas lorsque :
- le contrat de travail du salarié comporte une mission inventive ;
- l’invention a été réalisée dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail.
Dans cette hypothèse, l’employeur a alors l’obligation de verser au salarié une rémunération supplémentaire.
En cas d’exploitation commerciale significative de l’invention, il n’est pas exclu que le salarié sollicite le versement de sommes additionnelles, afin qu’il soit tenu compte de l’intérêt économique – révélé dans un second temps – de l’invention. Notons que tout litige relatif au classement de l’invention ou à la rémunération y afférente (assez rare en pratique) relève de la commission paritaire de conciliation créée auprès de l’INPI.
Il est en tout état de cause recommandé de prendre certaines mesures annexes et notamment de faire souscrire à l’employé une obligation de confidentialité, ainsi que d’obtenir son engagement d’apporter son concours, en particulier à l’employeur, pour déposer, protéger, maintenir, opposer et défendre le droit de propriété intellectuelle dans toute procédure ainsi que dans tout acte de disposition et de gestion du titre ;
En principe, en droit français, seuls les déposants sont chargés d’accomplir de tels actes. Toutefois, dans certains territoires (par exemple aux Etats-Unis), les offices de propriété intellectuelle peuvent exiger la signature des inventeurs concernés pour l’accomplissement de formalités, telles que l’inscription d’une cession.
Auteurs
Marie-Pierrre Schramm, avocat associée, spécialisée en conseil et en contentieux dans le domaine du droit social
Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.
Comment rémunérer les inventions de salariés ? – Article paru dans L’Usine digitale le  9 mars 2017
A lire également
De l’esprit critique de l’huissier en matière de saisies-contrefaç... 16 février 2016 | CMS FL

La modification de la durée de travail d’un salarié à temps partiel impose ... 14 décembre 2016 | CMS FL

Protéger les données personnelles des salariés : avez-vous les bons gestes (b... 29 mai 2020 | CMS FL Social

Droit d’auteur : la loi italienne sur la copie privée à son tour recadrÃ... 8 février 2017 | CMS FL

Recours abusif au statut d’autoentrepreneur : gare à la requalification en CD... 7 juin 2017 | CMS FL

Comment décompter l’ancienneté ? 7 juin 2019 | CMS FL

Dans quelle mesure la loi Informatique et Libertés permet-elle de surveiller le... 1 avril 2015 | CMS FL

Les « Clicwalkers » ne sont pas des salariés... 27 juillet 2022 | Pascaline Neymond

Articles récents
- Chômage : tour d’horizon des principales règles applicables au 1er février 2023
- Pas de prise en compte des arrêts maladie dans l’ancienneté pour le calcul de l’indemnité de licenciement
- Inspection du travail : la DGT élabore son nouveau plan d’action pour 2023-2025
- Recruteurs : la CNIL publie un guide afin de se mettre en conformité avec le RGPD
- Conférence : Retraite, chômage, indemnisation des accidents du travail : les nuages s’accumulent en ce début d’année
- Réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles en cas de faute inexcusable : un risque de coût accru pour les employeurs
- Regards croisés sur la procédure du licenciement pour motif économique en France et au Royaume-Uni (Partie 2)
- Réforme des retraites : c’est parti !
- L’agenda électronique du salarié peut être utilisé comme moyen de preuve par l’employeur
- Dialogue social dans le secteur des VTC : signature d’un premier accord sur le revenu minimum net par course