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Prime de vacances SYNTEC : une prime de 13ème mois contractualisée au titre du salaire annuel ou des congés payés supra-légaux ne peuvent en tenir lieu

Prime de vacances SYNTEC : une prime de 13ème mois contractualisée au titre du salaire annuel ou des congés payés supra-légaux ne peuvent en tenir lieu

Ni une prime de treizième mois contractualisée au titre du salaire annuel ni des congès payés supra-légaux ne peuvent tenir lieu de prime de vacances SYNTEC.

 

Par un arrêt du 14 septembre 2022 (n°21-14.943), la Cour de cassation rappelle qu’une prime de treizième mois, versée en application d’un accord d’entreprise et intégrée contractuellement dans la rémunération annuelle des salariés, ne peut tenir lieu de prime de vacances au sens de l’article 31 de la convention collective SYNTEC. Il en va de même des congés payés supra-légaux qui n’ont pas, à proprement parler, la nature de prime ou de gratification.

 

La Cour de cassation a eu, à nouveau, l’occasion de se prononcer sur l’épineuse question de l’interprétation à donner à l’article 31 de la Convention collective nationale des Bureaux d’Etudes Techniques, Cabinets d’Ingénieurs-Conseils, et des Sociétés de Conseils du 15 décembre 1987 (dite «SYNTEC»), instituant une «prime de vacances» que l’employeur est tenu de verser à ses salariés.

 

Rappelons qu’en application de cet article, l’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés.

 

Toutefois l’article apporte une importante atténuation à ce principe, en prévoyant que «Toutes primes ou gratifications versées en cours d’année à divers titres et quelle qu’en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu’elles soient au moins égales aux 10% prévus à l’alinéa précédent et qu’une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre».

 

Deux avis de la commission nationale d’interprétation (1) ont apporté des précisions sur les modalités de calcul et de versement de cette prime de vacances, en énonçant, notamment, que la masse salariale retenue pour le calcul de la prime de vacances ne saurait être réduite à celle que devrait verser l’employeur s’il appliquait strictement les minima conventionnels.

 

Mais le délicat sujet de la nature des «avantages» pouvant faire office de prime de vacances reste ouvert et donne lieu à des jurisprudences ambigües qui font l’objet d’interprétations incertaines.

 

En l’espèce, une organisation syndicale soutenait que le treizième mois de salaire versé aux salariés en application d’un accord d’entreprise ne pouvait pas tenir lieu de prime de vacances, au sens de l’article susmentionné, et que l’employeur était donc redevable de ladite prime envers les salariés.

 

Cette demande ayant été rejetée par le Tribunal judicaire, le syndicat avait fait appel et la Cour avait infirmé le jugement, en constatant que la prime de treizième mois ne présentait aucun caractère aléatoire et s’imposait à l’employeur en vertu de sa nature contractuelle, raison pour laquelle elle devait s’analyser comme un élément «fixe» de la rémunération ne pouvant tenir lieu de prime de vacances. Un pourvoi en cassation avait dès lors été formé.

 

Pour la Cour de cassation, la prime de treizième mois contractuelle faisant partie du salaire fixe n’a pas la même cause ni le même objet que la prime de vacances

Au soutien du pourvoi, il avait été soulevé que l’accord d’entreprise instaurant la prime de treizième mois avait la même cause et le même objet que la prime de vacances SYNTEC, de sorte que ces deux avantages (prévus conventionnellement) ne pouvaient se cumuler.

 

La Cour de cassation, en prenant acte de ce que le treizième mois était intégré dans la rémunération annuelle des salariés, rejette ce moyen, cet «avantage» devant s’analyser comme un élément «fixe» de la rémunération annuelle s’imposant à l’employeur en raison de sa nature contractuelle. Elle en tire pour conclusion qu’il n’a ni la même cause ni le même objet que la prime de vacances et ne peut donc pas s’y substituer.

 

Il était, par ailleurs, invoqué le fait qu’en application du même accord d’entreprise, les salariés bénéficiaient de quatre jours de congés payés supra-légaux qui devaient pouvoir tenir lieu de prime de vacances. La Cour de cassation réfute cet argumentaire, en retenant que des congés payés ne constituent pas, «en eux-mêmes», une prime ou une gratification.

 

Force est donc de constater que la Cour fait une application stricte de l’article 31 de la convention collective SYNTEC : elle refuse, en effet, d’interpréter l’expression de prime «quelle qu’en soit la nature» comme permettant d’assimiler des avantages qui n’auraient pas, stricto sensu, la nature de salaire, à une prime de vacances.

 

Pour pouvoir constituer une prime de vacances, l’avantage attribué doit avoir, stricto sensu, la nature de prime ou de gratification

En conséquence, la Cour de cassation rejette le pourvoi.

 

Il ressort de cette décision que deux questions peuvent guider l’analyse des employeurs pour vérifier si l’attribution d’un «avantage» à leurs salariés peut constituer une prime de vacances :

 

    • L’avantage a-t-il stricto sensu la nature de prime ou de gratification ?
    • Est-il bien versé en sus de la rémunération « fixe » ?

 

S’agissant de la première question, il semble résulter de la jurisprudence que l’avantage doit bien consister en un versement d’une somme d’argent. La Cour avait déjà exclu que l’attribution de titres-restaurant, compte tenu de leur nature et de leur objet, puisse tenir lieu de prime de vacances (2).

 

S’agissant de la seconde question, nous comprenons que la réponse ne réside pas nécessairement dans le fait que le treizième mois soit ou non mentionné dans le contrat de travail (3).

 

En effet, la Cour de cassation écarte toute assimilation à la prime de vacances d’un soi-disant treizième mois lorsque c’est le salaire annuel qui est «payable en treize fois» (4).

 

En effet, dans cette hypothèse, le salaire annuel, calculé sur l’année entière, intègre le treizième mois qui constitue alors une simple modalité de paiement du salaire annuel, autrement dit un élément «fixe» de la rémunération annuelle, comme dans le cas présent (5).

 

A l’inverse, la jurisprudence tend à admettre que le treizième mois (même mentionné dans le contrat de travail) peut valoir prime de vacances lorsqu’il est versé en sus du salaire annuel calculé et payé en douze mensualités (6).

 

L’exclusion de toute assimilation du treizième mois à la prime de vacances bientôt définitivement actée ?

Un avenant n°46 à la SYNTEC qui n’est pas encore entré en vigueur(7), prévoit expressément que : «ne peuvent se substituer au paiement de la prime de vacances :

 

    • un treizième (13e) mois ;
    • l’indemnité de précarité des enquêteurs vacataires prévue par l’article 53 de l’accord de branche du 16 décembre 1991 (annexe 4) ;
    • une prime d’objectifs prévue par le contrat de travail».

 

Au regard de la formulation très large de l’exclusion du treizième mois, sans aucune précision ni sur sa source (contractuelle, conventionnelle ou issue d’une décision unilatérale de l’employeur), ni sur ses modalités de paiement, il ne devrait donc plus faire de doute, à l’avenir, qu’un treizième mois ne pourra jamais tenir lieu de prime de vacances, peu important la rédaction du contrat de travail

 

Marie-Pierre Schramm, Avocat associé et Camille Laforest, Avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats

 

(1) Avis de la commission nationale d’interprétation du 19 mars 1990 et du 7 janvier 1997

(2) Cass. soc., 14 février 1995, n°91-43.963

(3) Cass. soc., 8 juin 2010, n°08-42.157 (dans cette affaire, le treizième mois avait été déclaré payable en treize fois par une note de l’employeur)

(4) Cass. soc., 8 juin 2010, n°08-42.157 susmentionné ; Cass. soc., 8 juin 2011, n°09-71.056

(5) Également en ce sens : Cass. soc., 24 septembre 2013, n°12-13.009 ; Cass. soc., 26 janvier 2017, n°15-29.317 ; Cass. soc., 5 mai 2021, n°19-18.502

(6) Cass. soc., 10 avril 2019, n°18-10.014 ; Cass. soc., 19 mai 2021, n°20-16.290

(7) Avenant n°46 à la SYNTEC du 16 juillet 2021 non étendu, applicable à compter du premier jour du mois civil suivant la date de publication de l’arrêté d’extension au Journal Officiel

 

 

 

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