Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Top

Conservation du véhicule de fonction pendant le congé de reclassement : c’est non !

Conservation du véhicule de fonction pendant le congé de reclassement : c’est non !

A l’occasion d’une restructuration nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, un employeur avait proposé à 8 commerciaux une modification de leur contrat de travail portant sur leur répartition géographique et leur rémunération. Ces salariés ayant refusé cette modification, ils ont été licenciés pour motif économique, et ont accepté le bénéfice du congé de reclassement.

 

A l’occasion de la contestation de la motivation économique de leur licenciement, les salariés ont sollicité l’allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’ils prétendaient avoir subi résultant de la suppression, par leur employeur, du véhicule de fonction pendant la durée du congé de reclassement excédant le préavis.

 

Dans un arrêt du 12 mars 2025 (1), la chambre sociale de la Cour de cassation tranche, pour la première fois, la question juridique, que nombre d’employeurs se posent à l’occasion de la mise en œuvre de réorganisations, de la conservation par le salarié de ses avantages en nature pendant le congé de reclassement.

 

Un sujet qui ne fera désormais plus débat et pour lequel une solution juridique claire a enfin été posée.

 

La singularité du congé de reclassement

 

Le congé de reclassement doit être proposé, dans les entreprises ou groupes d’entreprise de plus de 1.000 salariés, aux salariés dont le licenciement pour motif économique est notifié (2). Il a pour objet de permettre au salarié de bénéficier, tout en étant dispensé d’activité, d’actions de formations et de prestations d’une cellule d’accompagnement, destinées à favoriser son reclassement professionnel.

 

La durée de ce congé de reclassement est comprise entre 4 et 12 mois (24 mois en cas de formation de reconversion professionnelle), incluant le préavis. En conséquence, le congé de reclassement se composent de deux périodes :

 

    • la première correspond à la durée du préavis de licenciement, au cours de laquelle le salarié perçoit, en application de l’article L. 1234-5 du Code du travail, l’ensemble des salaires et avantages qu’il aurait perçu s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise ;

 

    • la seconde correspond au congé de reclassement dépassant le préavis de licenciement. Au cours de cette période, le salarié perçoit une allocation de reclassement dont le montant minimal est fixé à 65% de sa rémunération mensuelle brute moyenne précédant la notification du licenciement (3).

 

Les arguments développés par les salariés

 

Au cas d’espèce, les salariés ayant été contraints par leur employeur de restituer leur véhicule de fonction à l’issue de la période du congé de reclassement correspondant à leur préavis remettaient en cause la validité de cette décision en invoquant deux textes :

 

    • d’une part, l’article L.1234-5 précité, qui prévoit qu’au cours de leur préavis dispensé d’exécution, ils ne devaient subir aucune diminution de salaire et avantages en nature ;

 

    • d’autre part, l’article L.1233-72 du Code du travail, qui précise que, lorsque la durée du congé de reclassement excède celle du préavis, le terme de ce dernier est « reporté » jusqu’à la fin du congé de reclassement.

 

Les demandeurs déduisaient de l’application combinée de ces deux textes qu’ils auraient du pouvoir conserver leur véhicule de fonction au cours du congé de reclassement excédant le préavis.

 

Pour autant, ces arguments n’ont pas convaincu la Cour de cassation, qui a fait prévaloir les dispositions spéciales du Code du travail relatives au congé de reclassement sur celles régissant le droit commun du préavis.

 

Pendant la période du congé de reclassement excédant le préavis, le salarié a seulement droit à l’allocation de reclassement

 

La Haute juridiction décide, dans la décision commentée, qu’au cours de la période du congé de reclassement excédant la durée du préavis, le salarié bénéficie « seulement » d’une allocation de reclassement et qu’en conséquence, il ne peut prétendre au maintien des avantages en nature dont il bénéficiait durant le préavis.

 

La lecture de l’avis de l’Avocat Général enseigne que cette solution se justifie notamment par le fait que, pendant la durée du congé de reclassement excédant le préavis :

 

    • si le lien contractuel entre l’employeur et le salarié subsiste, son objet ne consiste plus dans la fourniture d’une prestation de travail en contrepartie d’un salaire et de ses compléments, mais dans un ensemble de prestations d’une cellule d’accompagnement auquel le salarié a l’obligation de participer en contrepartie du versement d’une allocation ;

 

    • cette allocation de reclassement constitue un revenu de remplacement et non un salaire. D’ailleurs, le congé de reclassement n’est pas légalement assimilé à du temps de travail effectif et n’ouvre pas droit à congés payés (4).

 

Par cette décision, la Cour de cassation continue de préciser les contours du congé de reclassement, les solutions progressivement dégagées permettant de diminuer les interrogations juridique et pratiques, en comblant les lacunes des textes en la matière.

 

D’ailleurs, la présente décision est selon nous transposable tant aux avantages en nature autres que le véhicule de fonction (tels qu’un un téléphone portable par exemple), qu’au congé de mobilité dont la mécanique est sensiblement identique.

 

Naturellement, les employeurs pourraient, de façon plus favorable, permettre aux salariés de conserver leur véhicule de fonction pendant la période du congé de reclassement dépassant le préavis, tout en ayant conscience qu’il ne s’agit pas d’un droit pour le salarié et en n’omettant pas de continuer à le traiter comme un avantage en nature sous réserve des contraintes de paie et d’assurance.

 

AUTEURS

Emilie Bourguignon, avocate Counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats,

Camille Mathelin, avocate, CMS Francis Lefebvre Avocats

 

(1) Cass. soc., 12 mars 2025, n°23-22.756
(2) Articles L.1233-71 et suivants du Code du travail
(3) Article R.1233-32 du Code du travail
(4) Cass. soc., 7 novembre 2018, n°17-18.936

 

Next Story

This is the most recent story.