Contestation des prélèvements sociaux: le Gouvernement cherche à limiter l’addition

10 décembre 2015
Les décisions de Ruyter rendues par la Cour de justice de l’Union européenne le 26 février 2015 puis par le Conseil d’Etat le 27 juillet 2015 ont confirmé les critiques formulées à l’encontre de l’application des prélèvements sociaux (CSG, CRDS et prélèvements additionnels) aux contribuables relevant d’un régime de sécurité sociale étranger, en particulier, depuis l’entrée en vigueur de l’article 29 de la loi du 16 août 2012, au titre des revenus fonciers et leurs plus-values immobilières de source française perçus par des non-résidents.
Le Gouvernement multiplie à ce titre les actions visant à en limiter les effets ce qui appelle des critiques complémentaires. Nous mentionnerons pour mémoire la décision1 de confirmer la mise en recouvrement des prélèvements assis sur les revenus fonciers 2014 des contribuables relevant d’un régime de sécurité sociale étranger quitte à devoir ensuite les restituer, majorés des intérêts moratoires correspondants.
Ce statu quo concernait implicitement l’imposition des plus-values de cession et l’administration ne s’est ravisée que très tardivement s’agissant des plus-values réalisées fin 20152.
L’administration fiscale a également publié les modalités de restitution des prélèvements contestés au titre des années 2012 à 20143 sans, nous semblet-il, tirer toutes les conséquences des décisions précitées.
En premier lieu, elle entend limiter les restitutions aux réclamations présentées par les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d’un pays situé dans l’Union européenne, l’Espace économique européen et la Suisse. Rien ne nous paraît pourtant justifier le rejet systématique des demandes des contribuables relevant du régime d’un Etat tiers.
En effet, le principe d’unicité de législation de sécurité sociale résultant d’un certain nombre de conventions bilatérales conclues par la France avec des Etats tiers peut présenter des caractéristiques comparables. Les contribuables relevant de la législation de sécurité sociale d’un Etat ayant conclu avec la France une telle convention bilatérale pourront opportunément faire examiner leur situation au regard des dispositions de la convention applicable afin d’engager – ou de poursuivre en cas d’opposition de l’administration fiscale – un contentieux sur ce fondement.
En second lieu, l’administration fiscale indique qu’eu égard à son affectation le prélèvement de solidarité de 2% ne fera pas l’objet d’une restitution. Or cette exclusion est en partie contestable. S’agissant, enfin, des impositions futures, l’article 15 du Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 prévoit d’affecter le produit des contributions sociales sur les revenus autres que les revenus d’activité au financement exclusif de prestations sociales non contributives, principalement à une partie des dépenses du fonds de solidarité vieillesse et, pour une fraction moindre, à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
Outre l’artifice destiné à contourner les engagements pris par l’Etat, cette nouvelle affectation ne nous paraît pas exempte de toutes critiques quant à sa conformité avec les normes et la jurisprudence précitées.
Il conviendra par conséquent, une fois cette loi définitivement adoptée, d’examiner la faculté pour certains contribuables de contester, y compris pour l’avenir, la régularité de l’assujettissement de leurs revenus aux prélèvements sociaux. En outre, certains contribuables auront d’ailleurs intérêt à finaliser, avant le 31 décembre 2015, des opérations de cession d’immeubles ou de titres de sociétés à prépondérance immobilière pour lesquelles le fait générateur des prélèvements relèvera de la réglementation actuelle. D’autant que l’administration vient de confirmer (communiqué du 20 novembre précité) qu’elle n’exigera pas les prélèvements sociaux à raison des plus-values réalisées par des personnes affiliées au régime de sécurité sociale de l’un des Etats précités.
Notes
1 Communiqué de presse du 23 juillet 2015.
2 Communiqué de presse du 20 novembre 2015.
3 Communiqué de presse n°487 du 20 octobre 2015.
Auteurs
Pierre Carcelero, avocat en matière de fiscalité directe.
Laetitia Blanloeil, avocat en droit social
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