Covid-19 : entretiens professionnels, médecine du travail, retraite, réunions du CSE : de nouveaux textes publiés cette semaine
3 décembre 2020
En application de l’article 10 de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, qui habilite le Gouvernement à rétablir, adapter ou prolonger par ordonnance certaines mesures mises en place pour faire face à la crise sanitaire, deux nouvelles ordonnances du 2 décembre 2020 intéressant la matière sociale ont été prises sur ce fondement et publiées au Journal officiel.
Par ailleurs, le décret d’application de l’article 11 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne prévoyant la prise en compte de l’indemnité d’activité partielle pour l’ouverture du droit à pension de retraite et le décret d’application de l’ordonnance n° 2020-1441 du 25 novembre 2020 portant adaptation des règles relatives aux réunions des instances représentatives du personnel ont été publiés. Focus sur leurs principales mesures.
Ordonnance n° 2020-1501 modifiant l’ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020 portant mesures d’urgence en matière de formation professionnelle et la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel
Depuis la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, chaque salarié, quelle que soit la taille de l’entreprise dans laquelle il travaille, doit bénéficier d’un entretien professionnel tous les deux ans et d’un état des lieux récapitulatif de son parcours professionnel tous les six ans. En principe, les employeurs avaient jusqu’au 7 mars 2020 pour tenir cet entretien de bilan, pour les salariés ayant au moins six ans d’ancienneté à cette date.
Compte tenu des circonstances exceptionnelles liées à la crise sanitaire actuelle, l’ordonnance du 1er avril 2020 a permis à l’employeur de différer la réalisation des entretiens d’état des lieux du parcours professionnel de chaque salarié jusqu’au 31 décembre 2020. L’ordonnance du 2 décembre 2020 autorise l’employeur à reporter, jusqu’au 30 juin 2021, les entretiens de bilan mais aussi les entretiens bisannuels consacrés aux perspectives d’évolution professionnelle qui devaient être réalisés entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2021.
A cet égard, il convient de rappeler que l’employeur n’avait bénéficié que d’une prorogation du délai pour organiser l’entretien bisannuel dans la limite de deux mois à compter du 24 juin 2020 (ord. n° 2020-306, art. 2). L’ordonnance du 2 décembre 2020 permet donc à l’employeur qui n’aurait pas encore organisé l’entretien bisannuel d’échapper à l’obligation de procéder à l’abondement du compte personnel de formation du salarié.
En effet, depuis le 1er janvier 2019, il est prévu que, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, lorsqu’au cours des six dernières années le salarié n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins une formation non obligatoire, son compte personnel est abondé.
Pour permettre aux entreprises de s’adapter à cette nouvelle règle, le législateur a prévu une période transitoire durant laquelle les employeurs peuvent échapper à la sanction s’ils justifient, initialement jusqu’au 31 décembre 2020, avoir effectué les entretiens professionnels aux dates prévues (c’est-à-dire, les entretiens bisannuels et de bilan) et avoir fait bénéficier le salarié d’au moins deux des trois mesures d’évolution mentionnées au II de l’article L.6315-1 du Code du travail, conformément au dispositif en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018 (ord. n° 2019-861 du 21 août 2019, art. 7).
L’ordonnance du 2 décembre 2020 prolonge cette période transitoire jusqu’au 30 juin 2021.
En tout état de cause, l’application des sanctions prévues par la loi dans le cas où ces entretiens n’auraient pas été réalisés dans les délais est également suspendue jusqu’au 30 juin 2021.
Ordonnance n° 2020-1502 du 2 décembre 2020 adaptant les conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire
Plusieurs mesures prévues par l’ordonnance n° 2020-386 du 1er avril 2020 ayant, notamment, pour objet de mobiliser les services de santé au travail dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 et d’aménager les modalités d’exercice de leurs missions, sont réactivées :
1. La mobilisation des services de santé au travail dans le cadre de leurs compétences
L’article 1er de l’ordonnance prévoit que, jusqu’au 16 avril 2021, dans le cadre de leurs missions et prérogatives définies au titre du II du livre VI de la quatrième partie du Code du travail, les services de santé au travail participent à la lutte contre la propagation du Covid-19, notamment par :
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- la diffusion à l’attention tant des employeurs que des salariés de messages de prévention contre le risque de contagion ;
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- l’appui aux entreprises dans la définition et la mise en œuvre des mesures de prévention adéquates et dans l’adaptation de leur organisation de travail aux effets de la crise sanitaire ;
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- la participation aux actions de dépistage et de vaccination définies par l’Etat.
Sur ce dernier point, l’arrêté ministériel du 16 novembre 2020 modifiant l’arrêté du 10 juillet 2020 précise les conditions dans lesquelles peuvent être organisées des campagnes de dépistage du Covid-19 dans les entreprises. Ces actions de dépistage collectif, réalisées à l’aide de tests antigéniques rapides, sont autorisées « à titre exceptionnel et dans l’intérêt de la protection de la santé« , « en cas de suspicion de cluster ou de circulation particulièrement active du virus, après déclaration au représentant de l’Etat dans le département » et sont financées intégralement par l’employeur. Les professionnels de santé procédant au test doivent notamment :
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- vérifier que la personne répond aux critères d’éligibilité et qu’elle est informée des avantages et des limites du test ;
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- recueillir son consentement libre et éclairé et lui remettre un document sur la conduite à tenir en cas de résultat positif ou négatif.
Les résultats des tests sont, en tout état de cause, soumis au secret médical.
2. L’élargissement des compétences du médecin du travail
L’ordonnance réactive jusqu’au 16 avril 2021 les dispositions permettant au médecin du travail :
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- de prescrire et, le cas échéant, de renouveler un arrêt de travail en cas d’infection ou de suspicion d’infection au Covid-19 – en principe, cette faculté est réservée au médecin traitant (C. séc. soc., art. L.321-1) ;
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- d’établir un certificat médical pour les salariés vulnérables en vue de leur placement en activité partielle ;
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- de prescrire et réaliser des tests de détection du SARS-CoV-2, étant entendu que d’autres professionnels de santé des services de santé au travail peuvent, sous sa supervision, prescrire et réaliser ces tests.
Un décret précisera les conditions d’application de ces dispositions.
3. Le possible report de visites médicales non indispensables
L’article 3 de l’ordonnance précise que les visites médicales peuvent faire l’objet d’un report si le médecin du travail estime que ladite visite n’est pas indispensable compte tenu notamment de l’état de santé du travailleur ou des caractéristiques de son poste de travail. Sont concernés :
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- les visites d’information et de prévention lors de l’embauche ;
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- les visites périodiques ;
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- l’examen médical d’aptitude des travailleurs affectés à un poste présentant des risques particuliers et la visite médicale avant leur départ à la retraite ;
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- le suivi individuel des salariés temporaires et salariés en contrat à durée déterminée.
Le report de la visite ne fait pas obstacle, le cas échéant, à l’embauche ou à la reprise du travail.
Ces dispositions sont applicables tant aux visites qui ont fait l’objet d’un report en application de l’article 3 de l’ordonnance du 1er avril 2020 – lorsqu’elles n’ont pu être réalisées à la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance, c’est-à-dire avant le 4 décembre 2020 – qu’aux visites médicales dont l’échéance normale intervient avant le 17 avril 2021.
Les visites médicales ayant fait l’objet d’un report seront organisées par les services de santé au travail selon des modalités définies par un décret en Conseil d’Etat et dans la limite d’un an à compter de leur échéance.
Décret n° 2020-1491 du 1er décembre 2020 relatif à la prise en compte des périodes d’activité partielle pour les droits à retraite et aux modalités de calcul des indemnités journalières versées aux ministres du culte au titre de la maternité et de la paternité
Aux termes de l’article R.351-9 du Code de la sécurité sociale, le salarié doit, pour valider un trimestre au titre du droit à pension de retraite du régime de base, avoir perçu une rémunération cotisée correspondant à 150 heures de salaire minimum de croissance (SMIC). Or, les indemnités perçues au titre de l’activité partielle n’étant pas soumises à cotisations sociales, ne sont en principe prises en compte par l’Assurance vieillesse, ni pour le calcul des trimestres, ni pour le montant de la pension de retraite de base. Cette situation risquait d’être pénalisante pour les salariés à temps partiel, intermittents ou à faible revenu dans les secteurs les plus durablement touchés par l’activité partielle.
Pour éviter cela, l’article 11 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne a prévu, à titre exceptionnel et de manière temporaire, que les périodes comprises entre le 1er mars et le 31 décembre 2020, pendant lesquelles l’assuré perçoit l’indemnité d’activité partielle, sont prises en considération en vue de l’ouverture du droit à pension dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.
Pris en application de cette disposition, le décret n° 2020-1491 du 1er décembre 2020 précise que :
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- « sont comptés, comme période d’assurance, dans la limite de quatre trimestres, autant de trimestres que la durée des périodes pendant lesquelles l’assuré a perçu l’indemnité [d’activité partielle] correspond de fois à 220 heures » ;
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- pour l’application du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue, il est tenu compte des périodes susvisées au titre des périodes réputées avoir donné lieu à cotisations, dans la limite de quatre trimestres au total.
Ces dispositions sont applicables aux périodes de perception de l’indemnité horaire d’activité partielle à compter du 1er mars 2020 pour les pensions de retraite prenant effet à compter du 12 mars 2020.
Les dépenses ainsi occasionnées sont prises en charge par le fonds de solidarité vieillesse.
Pourtant très attendue, la publication de ce décret est particulièrement surprenante dans la mesure où l’article 8, VI, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 définitivement adopté le 30 novembre 2020 abroge à compter du 19 juin 2020 les dispositions de l’article 11 de la loi du 17 juin 2020.
L’article 8, VIII, du projet de loi précité, qui devrait être prochainement publié, pérennise la prise en compte des périodes pendant lesquelles les assurés perçoivent l’indemnité d’activité partielle dans les conditions d’ouverture du droit à pension de retraite. Cette disposition s’applique aux périodes de perception de l’indemnité horaire d’activité partielle prévues par le II de l’article L.5122-1 à compter du 1er mars 2020, pour les pensions de retraite prenant effet à compter du 12 mars de la même année.
Décret n° 2020-1513 du 3 décembre 2020 relatif aux modalités de consultation des instances représentatives du personnel pendant la période de l’état d’urgence sanitaire
L’ordonnance du 25 novembre 2020 rend à nouveau possible d’organiser l’ensemble des réunions des instances représentatives du personnel, après que l’employeur en a informé leurs membres :
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- par visioconférence ;
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- par conférence téléphonique, souvent plus simple à organiser pour les entreprises ;
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- par messagerie instantanée en cas d’impossibilité de recourir à la visioconférence ou à la conférence téléphonique, ou lorsqu’un accord d’entreprise le prévoit.
A l’instar du recours à la visioconférence, le dispositif technique mis en œuvre pour réunir les instances représentatives du personnel doit garantir l’identification de leurs membres, ainsi que leur participation effective en assurant :
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- la retransmission continue et simultanée du son des délibérations en cas de recours à la conférence téléphonique ;
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- la communication instantanée des messages écrits au cours des délibérations en cas de recours à la messagerie instantanée.
Il ne fait pas obstacle à la tenue de suspensions de séance.
Lorsqu’il est procédé à un vote à bulletin secret, le dispositif de vote garantit que l’identité de l’électeur ne peut à aucun moment être mise en relation avec l’expression de son vote. Lorsque ce vote est organisé par voie électronique, le système retenu doit assurer la confidentialité des données transmises ainsi que la sécurité de l’adressage des moyens d’authentification, de l’émargement, de l’enregistrement et du dépouillement des votes.
Conformément aux règles applicables à la convocation des réunions de l’instance, son président informe ses membres du dispositif technique choisi pour la tenue de la réunion : la visioconférence, la conférence téléphonique ou la messagerie instantanée. En cas de recours à ce dernier dispositif, le président précise également la date et l’heure de début de la réunion ainsi que la date et l’heure auxquelles interviendra au plus tôt sa clôture.
La réunion à distance se déroule conformément aux étapes suivantes :
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- l’engagement des délibérations est subordonné à la vérification que l’ensemble des membres a accès à des moyens techniques satisfaisant aux conditions relatives à l’identification des participants, à la retranscription des délibérations, à la sécurité et à la confidentialité des votes ;
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- en cas de recours à la messagerie instantanée, les débats sont clos par un message du président de l’instance, qui ne peut intervenir avant l’heure limite fixée pour la clôture de la délibération ;
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- le vote a lieu de manière simultanée. A cette fin, les participants disposent d’une durée identique pour voter à compter de l’ouverture des opérations de vote indiquée par le président de l’instance ;
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- en cas de recours à la messagerie instantanée, au terme du délai fixé pour l’expression des votes, le président de l’instance en adresse les résultats à l’ensemble de ses membres.
Les dispositions de ce décret sont applicables à compter du 5 décembre 2020 et jusqu’à l’expiration de l’état d’urgence sanitaire fixée, à ce jour, au 16 février 2021 inclus.
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