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Déséquilibre significatif : quelle articulation entre celui du Code civil et celui du Code de commerce ?

Déséquilibre significatif : quelle articulation entre celui du Code civil et celui du Code de commerce ?

Dans sa version de 20161, l’article 1171 du Code civil prévoyait que « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ».


Cette définition avait pour conséquence de réputer non écrites toutes les clauses d’un contrat d’adhésion porteuses d’un déséquilibre significatif, y compris celles qui auraient été librement négociées et acceptées par les parties. En vertu du principe de la liberté contractuelle, le législateur a souhaité corriger cette anomalie. Désormais, seules les clauses qu’une partie n’aura pas été en mesure de négocier seront susceptibles d’être sanctionnées sur le fondement du déséquilibre significatif de droit commun.

Le nouveau texte prévoit en effet que « Dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation2« . Cette nouvelle rédaction, combinée à la nouvelle définition, moins large, du contrat d’adhésion de l’article 1110 du Code civil, devrait limiter sensiblement le champ du déséquilibre significatif de droit commun qui, rappelons-le, ne couvre ni l’objet principal du contrat ni l’adéquation du prix à la prestation.

Cette restriction du champ d’application du texte de droit commun pose la question de son articulation avec le texte spécifique du déséquilibre significatif de l’article L. 442-6 I, 2° du Code de commerce applicable dans les relations commerciales.

Sur quel fondement agir en présence des deux textes dont les sanctions diffèrent ? Si la voie procédurale des deux textes n’est pas la même -l’article L. 442-6 I, 2° du Code de commerce impose le recours à des juridictions spécialisées (8 tribunaux de commerce et 8 tribunaux de grande instance, et la cour d’appel de Paris), ôtant au juge non spécialisé tout pouvoir de juger – le champ d’application des deux textes diffère aussi.

Quant aux personnes : hormis les contrats B/C qui restent régis par l’article L. 132-1 du Code de la consommation qui constitue un texte de droit spécial dérogeant au texte général, qu’en est-il des contrats conclus par des professionnels et ou des partenaires commerciaux ?

Le texte du Code de commerce s’applique aux contrats conclus entre un « producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers » avec un partenaire commercial, c’est-à-dire avec toute personne qui entretient une relation d’affaires.

Il en résulte que le texte du droit commun devrait s’appliquer à tous les professionnels qui ne peuvent pas se prévaloir du Code de commerce soit parce qu’ils ne sont pas commerçants, sociétés civiles, association, professionnels libéraux, soit parce qu’ils ne sont pas des partenaires commerciaux.

Quant aux contrats : le texte de droit commun ne vise que les déséquilibres issus d’un contrat d’adhésion tel que nouvellement défini par l’article 1110 du Code civil, c’est-à-dire un contrat qui « comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties« , ce qui en limite le champ d’application.

A l’inverse, le Code de commerce s’appliquera si seulement une ou deux clauses sont déséquilibrées et pas un ensemble de clauses.

Quant à l’appréciation du déséquilibre : le déséquilibre significatif du nouveau texte ne peut porter ni sur l’objet principal du contrat, obligation essentielle du contrat, ni sur l’adéquation du prix à la prestation. Il en résulte que les déséquilibres trouvant leur source dans l’objet du contrat et dans le prix ne pourront être sanctionnés que sur le fondement du texte du Code de commerce, si celui-ci est applicable.

Quid d’une application concurrente ou cumulative des deux textes ?

Le texte du Code de commerce est-il un texte spécial qui doit conduire dans tous les cas à écarter l’article 1171 du Code civil ? Il nous semble qu’une application concurrente n’est pas interdite, lorsqu’elle est possible, même si les travaux parlementaires indiquent que le « dispositif instauré dans le droit commun des contrats n’a pas vocation à s’appliquer dans les champs couverts par des droits spéciaux » (Rapport Sénat n°247).

Il pourrait y avoir une application concurrente si les tribunaux saisis sont bien les tribunaux spécialisés et à condition que le caractère déséquilibré d’une clause ne porte ni sur l’objet du contrat ni sur le prix.

Si au contraire, le caractère déséquilibré de la clause porte sur l’objet du contrat ou le prix, seule une action sur le fondement du Code de commerce serait envisageable.

Le choix du texte, lorsqu’il peut y avoir deux applications concurrentes, doit également s’opérer en fonction de l’objectif recherché : la nullité de la clause uniquement ou la mise en jeu de la responsabilité de l’auteur de la pratique.

Notes

1 Dans sa version issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats

2 Dans sa version issue de la loi du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016

 

Auteur

Nathalie Pétrignet, avocat associé, spécialisée en matière de droit de concurrence national et européen, pratiques restrictives et négociation commerciale politique de distribution et aussi en droit des promotions des ventes et publicité.

 

Déséquilibre significatif : quelle articulation entre celui du Code civil et celui du Code de commerce ? – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 28 mai 2018

 

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