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Financement participatif «Crowdfunding» : le point sur les aspects fiscaux

Financement participatif «Crowdfunding» : le point sur les aspects fiscaux

Le financement participatif ou crowdfunding est un mode de financement de projets par la «foule» : des fonds sont levés auprès du public par l’intermédiaire de plateformes sur internet afin de financer des projets artistiques, associatifs ou entrepreneuriaux.

Le financement participatif s’est doté d’un cadre juridique spécifique, qui est entré en vigueur le 1er octobre 2014 (Ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014, décret d’application n°2014-1053 du 16 septembre 2014 et arrêté du 30 septembre 2014).

Les trois types de financement traditionnellement proposés sont le prêt sans intérêt ou rémunéré (1), la souscription de titres non cotés ou de titres de créances (2) et le don (3).

1. Le prêt

Les personnes physiques peuvent consentir des prêts sans intérêt jusqu’à 4.000 euros par projet sans limitation de durée. Les prêts rémunérés ne peuvent pas excéder 1.000 euros et leur durée ne peut excéder sept ans (le taux est nécessairement fixe sans excéder celui de l’usure). Lors des Assises de la finance participative du 29 mars dernier à Bercy, le rehaussement des plafonds du prêt sans intérêt à 5.000 euros et du prêt rémunéré à 2.000 euros ont été annoncés sans qu’aucune date d’entrée en vigueur n’ait été indiquée.

La création de bons de caisse, baptisés «mini-bons», est également prévue pour les entreprises souhaitant prêter dans ce cadre participatif.

Concernant l’emprunteur, le montant maximal qui peut être emprunté est fixé à 1.000.000 euros par projet. Une personne physique qui n’agit pas pour des besoins professionnels ne peut obtenir que des prêts sans intérêts à condition que les prêteurs n’agissent pas dans un cadre professionnel ou commercial.

Fiscalement, les intérêts perçus par le prêteur sont imposés dans les conditions de droit commun.

Toutefois, l’ article 125-00 A du CGI, créé par la loi de finances rectificative pour 2015, dispose que pour les prêts (avec ou sans intérêt) accordés dans le cadre d’un financement participatif à compter du 1er janvier 2016, la perte en capital subie en cas de non-remboursement du prêt est imputable, pour les besoins de l’impôt sur le revenu, à compter de l’année au cours de laquelle la créance du prêteur devient définitivement irrécouvrable, sur les intérêts générés par des prêts de même nature et perçus au cours de la même année ou des cinq années suivantes.

Le 21 mars 2016, l’administration fiscale est venue préciser les modalités d’application de ce nouvel article dans une mise à jour du Bulletin Officiel des Finances Publiques («BOFIP»)1.

Le droit à imputation concerne les personnes physiques qui, dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé, constatent des pertes en capital à raison du non remboursement partiel ou total d’un prêt participatif. La perte en capital est constituée par la différence entre le capital initialement prêté et le montant remboursé in fine. Le droit à imputation ne porte donc que sur la perte en capital effectivement supportée par le prêteur, à l’exclusion bien sûr des intérêts afférents à ce prêt qui ne lui auraient pas été versés2. Les sommes remboursées notamment dans le cadre d’un mécanisme de garantie, tel que le montant d’une indemnité d’assurance, sont déduites du montant imputable.

Concernant l’irrécouvrabilité de la créance, le simple défaut de recouvrement ne suffit pas à conférer à celle-ci le caractère de créance irrécouvrable, quel que soit le motif du défaut de règlement. Le point de savoir si une créance peut être considérée comme perdue est essentiellement une question de fait. La preuve de l’irrécouvrabilité résulte du constat de l’échec des poursuites intentées. A titre d’exemple, la jurisprudence administrative a pu juger que l’engagement de mesures contentieuses, telles que des assignations en justice ne suffisent pas à caractériser l’irrécouvrabilité.

La perte en capital n’est pas déductible pour l’assiette des prélèvements sociaux. Ainsi, les intérêts perçus par le prêteur restent soumis aux prélèvements sociaux de 15,5% sur leur montant brut même en cas de perte en capital. La perte n’est pas non plus prise en compte pour la détermination de l’assiette du prélèvement forfaitaire de 24% retenu à la source par l’intermédiaire de la plateforme (prélèvement à titre d’acompte d’impôt sur le revenu imputable sur l’impôt dû au titre de l’année au cours de laquelle il a été opéré et/ou restituable en cas d’excédent).

Sur demande de l’administration, le contribuable qui pratique l’imputation dans le cadre de sa déclaration de revenus doit justifier remplir les conditions permettant de bénéficier du droit à imputation en communiquant certains documents mentionnés au BOFIP.

Du côté du porteur de projet, en cas de prêt rémunéré, les intérêts sont déductibles sous réserve de respecter les conditions générales de déduction des frais et charges.

2. La souscription de titres de capital et de créance

2.1 Titres de capital

Le second mode de financement participatif est la souscription de titres de capital (actions ordinaires) émis par des sociétés par actions non cotées. La levée de fonds maximale pour le porteur de projet est aujourd’hui fixée à un montant de 1.000.000 euros par projet et sera prochainement rehaussée à 2.500.000 euros.

L’ordonnance du 30 mai 2014 instaure la possibilité pour les sociétés par actions simplifiées («SAS») qui traditionnellement ne peuvent avoir recours à une offre au public de titres, de proposer leurs actions par l’intermédiaire d’une plateforme de financement participatif et sous réserve de respecter des conditions portant sur les règles en matière de droit de vote, de quorum, de majorité aux assemblées générales ordinaires et extraordinaires ainsi que de répartition de leurs compétences3.

Du côté de l’investisseur, la souscription de titres de capital d’une PME permet d’obtenir une réduction d’impôt sur le revenu égale à 18% du montant des versements effectués à ce titre. De nombreuses conditions doivent être remplies afin de bénéficier de ce dispositif, dont l’exigence de conservation des titres souscrits pendant une durée de cinq ans. L’assiette de l’avantage fiscal est plafonnée à 50.000 euros pour une personne seule et 100.000 euros pour les personnes soumises à une imposition commune. En cas de cession des titres ayant donné lieu à la réduction d’impôt avant le 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription, ladite réduction fait l’objet d’une reprise.

Cette réduction d’impôt entre dans le calcul du plafonnement global des niches fiscales de 10.000 euros par an et par foyer fiscal (CGI, article 200-0 A).

La souscription ouvre droit également à une réduction dite «ISF-PME», non cumulable avec le dispositif d’impôt sur le revenu précité, en vertu de laquelle 50% des sommes investies peuvent être déduites de l’ISF, la réduction d’impôt ne pouvant excéder 45.000 euros. Là encore, de nombreuses conditions doivent être remplies dont un engagement de conservation des titres souscrits pendant cinq ans. La cession des titres avant le terme de ce délai entraîne la remise en cause de la réduction d’impôt.

A défaut d’utiliser l’un ou l’autre des dispositifs précités, l’investisseur a le choix de placer ses titres dans un plan d’épargne en actions («PEA») ou dans un PEA PME-ETI. Dans les deux cas, les dividendes bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu dans la limite de 10% du montant des titres non cotés placés dans le plan et les plus-values sont totalement exonérées à condition de n’effectuer aucun retrait pendant cinq ans. Les prélèvements sociaux de 15,5% restent dus.

A l’occasion des Assises, de nouvelles catégories de titres ont été annoncées : actions de préférence, obligations convertibles et titres participatifs. Toutefois, les obligations convertibles4 et les titres participatifs ne seront éligibles à aucune des réductions d’impôt ou plans précités. Les actions de préférence seront exclues des plans uniquement.

2.2 Titres de créance

La souscription de titres de créance (obligations simples) concerne les titres de créance à taux fixe émis par des sociétés non cotées. La levée de fonds maximale pour le porteur de projet est identique aux titres de capital.

Les revenus obligataires (intérêts, tout autre produit des obligations versés annuellement ainsi que les primes de remboursement) sont imposables dans les conditions de droit commun.

3. Le don (sans contrepartie)

Le montant du mode de financement sous forme de don n’est pas plafonné.
Mais il est important pour le donateur, les dons ouvrant droit :

  • soit à une réduction d’impôt sur le revenu égale à 66% du montant des sommes versées, retenues dans la limite de 20% du revenu imposable ;
  • soit à une réduction d’ISF de 75% du montant des sommes données dans la limite de 50.000 euros par an. Cette limite est abaissée à 45.000 euros pour les personnes sollicitant par ailleurs la réduction «ISF-PME» citée supra en point 2.1.

Toutefois, en toute hypothèse, pour que l’avantage soit accordé, le don doit être effectué à un organisme d’intérêt général et ne pas présenter de contrepartie. Le donateur doit donc porter une attention toute particulière à la qualité du porteur de projet.

De son côté, les sommes collectées à titre de don par le porteur de projet via les plateformes échappent à l’impôt sur les sociétés, dès lors que le porteur de projet est un organisme à but non lucratif exonéré des impôts du commerce.

Notes

1 BOI-RPPM-RCM-20-10-20-30 et BOI-RPPM-RCM-20-10-20-70.
2 Cela suppose que le prêteur dispose d’un échéancier distinguant le capital et les intérêts.
3 Conformément à l’article L. 227-2-1 du Code de commerce.
4 Seules les obligations convertibles admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation sont éligibles au PEA-PME ETI.

 

Auteurs

Hubert Bresson, avocat associé en droit fiscal

Romain Martinez, avocat en droit fiscal

 

Financement participatif («Crowdfunding») : le point sur les aspects fiscaux – Article paru dans le magazine Option Finance le 25 avril 2016
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