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Comment incorporer la technologie blockchain dans le droit des titres financiers ?

Comment incorporer la technologie blockchain dans le droit des titres financiers ?

La technologie blockchain, par l’usage d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé (DLT), va prochainement investir le droit des titres financiers, à l’instar de ce qui a déjà été réalisé en matière de minibons. A la suite de la consultation publique1, lancée par la direction générale du Trésor à laquelle le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre a contribué2, un projet d’ordonnance3 est soumis à consultation depuis quelques jours.


La consultation a montré qu’il existe un consensus pour introduire à droit constant un DLT afin de permettre la représentation et/ou la transmission des titres financiers. Le cadre juridique actuel de la transmission des titres ne constitue pas un obstacle au transfert de propriété des titres par le recours à la blockchain. Ainsi les principes de dématérialisation généralisée et obligatoire ainsi que de présomption de propriété au bénéfice de la personne inscrite de bonne foi ne semblent pas devoir être aménagés par le fait que l’émission et la cession de titres financiers soient inscrits dans le DLT.

En revanche, nous avons défendu l’idée que la mise en œuvre à droit constant requiert d’assimiler les effets juridiques de l’inscription de titres financiers dans le DLT à ceux d’une inscription dans un compte-titres au sens de l’article L. 211-3 du Code monétaire et financier. Cette solution directement inspirée de l’approche retenue pour la transmission des minibons permettrait de conférer à la matérialisation de la cession dans le DLT l’ensemble des effets juridiques attachés à une inscription en compte-titres. Elle seule présenterait une réelle valeur ajoutée au regard des set-up existants car la fonction de représentation juridique des titres financiers permet à elle seule d’assurer (i) la circulation des titres financiers au travers des opérations de cession, (ii) le transfert de propriété, et (iii) la preuve de la propriété. Par souci de parallélisme, le régime de la représentation devrait suivre celui de la transmission. Le projet d’ordonnance propose de consacrer cette option.

Si cette assimilation a le mérite de favoriser la mise en œuvre de la blockchain lors de l’inscription des titres, elle nécessite toutefois des adaptations s’agissant par exemple de la constitution de sûretés par la constitution d’un nantissement de compte4. Sur ce point, le projet d’ordonnance propose d’introduire la modalité du DLT et renvoie à un décret la définition des conditions de sa mise en œuvre.

D’autres ajustements seront nécessaires. Dans le cadre de la consultation, nous avons préconisé que le recours à l’inscription dans un DLT soit expressément autorisé et demeure à la main de l’émetteur. En l’état du droit positif, pour les titres de capital, une clause statutaire nous semble ainsi requise nécessitant l’autorisation de la collectivité de ses actionnaires. Le projet d’ordonnance fait droit à cette demande . En outre, concernant les problématiques d’extraterritorialité et de conflits de lois attachées au développement d’un DLT qui pourrait être opéré depuis une implantation localisée en dehors du territoire national ou de l’Union européenne, nous avons recommandé l’adoption d’une règle de conflits de lois disposant que, dès lors que les titres sont émis sur le fondement du droit applicable à l’émetteur (lex societatis) -ici le droit français-, la loi applicable à la détermination et à la reconnaissance des droits incorporés aux titres financiers émis serait exclusivement la loi française. Le projet d’ordonnance emprunte cette voie et l’élargit aux émissions soumises au droit français.

Ainsi à l’heure de l’ouverture de la consultation, il faut se réjouir que de nombreux points d’attention et de suggestions de la Place aient été entendus. La philosophie générale du projet correspond au souhait des acteurs d’un régime juridique souple et ductile et, sans préjuger de la version définitive de l’ordonnance, il faut souhaiter que la FinTech française bénéficie de ces vents porteurs.

 

Notes

1 Synthèse de la consultation publique sur la transmission de certains titres financiers au moyen de la technologie « blockchain« , site Internet de la direction générale du Trésor, 31 août 2017.
2 Consultation publique de la direction générale du Trésor, Contribution de CMS Bureau Francis Lefebvre, site Internet LEXplicite, 22 mai 2017.
3 Projet d’ordonnance relative à la transmission et la représentation de titres financiers au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé, site Internet de la direction générale du Trésor.
4 Régi par l’article L. 211-20 du Code monétaire et financier.

 

Auteur

Bruno Zabala, avocat counsel au sein du département de la doctrine juridique.

 

Comment incorporer la technologie blockchain dans le droit des titres financiers ? – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 2 octobre 2017
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