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Du soin qu’il faut apporter à la rédaction des clauses d’exclusion dans la SAS

Mieux vaut avoir la plume fine lorsqu’il est question de clause d’exclusion dans les sociétés par actions simplifiées. Tel est en quelque sorte la nouvelle mise en garde de la Cour de cassation dans deux arrêts récents, rendus le 9 juillet 2013 (Cass. com., n°11-27235 et n°12-21238), pour peu que l’on veuille bien en faire une lecture combinée.

Le premier arrêt est révélateur d’une pratique qui a encore cours dans certains statuts de SAS. En l’espèce, une stipulation statutaire autorisait l’exclusion d’un associé en cas d’exercice d’une activité concurrente sans que celui-ci puisse prendre part au vote. Sur le fondement de cette clause, une assemblée générale avait été convoquée et avait prononcé l’exclusion d’un associé qui n’avait donc pas voté.

La Cour de cassation rappelle qu’il s’évince de l’article 1844 alinéas 1 et 4 du Code civil que « tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter et que les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions que dans les cas prévus par la loi ». Et toute clause contraire est réputée non écrite en application de l’article 1844-10 alinéa 2 dudit code. En conséquence, la délibération prise sur le fondement d’une telle clause encourt nécessairement l’annulation. L’exclusion n’est donc pas valable et l’associé doit être réintégré dans la société.

Mais que peuvent alors faire les organes sociaux – associés ou président – d’une SAS dont les statuts comporteraient une telle clause ? Le président de la SAS ne peut autoriser l’actionnaire dont l’exclusion est soumise à l’assemblée à participer au vote, il n’en a pas la compétence : la modification d’une clause statutaire d’exclusion ressortit à la compétence exclusive des associés statuant à l’unanimité conformément aux termes de l’article L. 227-19 du code de commerce.

Sans l’ombre d’un doute, le président doit convoquer les associés en assemblée générale extraordinaire afin de modifier la clause illicite. En pratique néanmoins, de nombreux statuts de SAS prévoient qu’ils ne peuvent être modifiés qu’à l’unanimité des actionnaires. Dans une telle situation, comment parvenir à modifier la clause litigieuse car l’unanimité suppose d’obtenir l’accord de l’associé dont l’exclusion est envisagée ? La tentation peut alors être grande de saisir le juge afin qu’il en ordonne la modification.

Le second arrêt écarte fermement cette possibilité : « il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de se substituer aux organes de la société en ordonnant la modification d’une clause statutaire au motif que celle-ci serait contraire aux dispositions légales impératives applicables ».

En droit, ces décisions rigoureuses ne sauraient surprendre : le droit fondamental dont dispose tout associé de participer aux décisions collectives (en ce comprise, celle relative à sa propre exclusion) et de voter, ainsi que la répartition des compétences dévolues respectivement aux organes sociaux de la SAS sont des principes prétoriens connus (Com. 9 fév. 1999, n°96-17661 ; Com. 23 oct. 2007, n°06-16537).

En pratique, la paralysie qui touche la clause et, à notre avis, le mécanisme d’exclusion tout entier conduit à ne plus pouvoir exclure un associé en présence d’une clause d’exclusion qui le priverait du droit de vote. Il importe peu, selon la Cour de cassation, que le vote de cet associé ne puisse rien changer au cours des choses, par exemple, lorsqu’il est minoritaire : l’associé doit pouvoir se prononcer sur son exclusion. Il y a là affirmation d’un irréductible principe de la démocratie actionnariale.

Naturellement, on le mesure, cette situation de blocage ne peut survenir que si l’unanimité est requise pour modifier les statuts sauf à se placer dans des hypothèses rares où le nombre d’associés est réduit et/ou lorsque le climat actionnarial est exempt de tensions. À défaut d’unanimité stipulée, les associés pourront rectifier la clause en assemblée générale et ensuite procéder à une exclusion régulière ; tout au moins si l’associé en voie d’exclusion ne dispose pas d’une minorité de blocage…

Plus généralement, il nous semble que cette solution prétorienne a vocation à concerner toute clause statutaire contraire à l’article 1844 alinéa 1er du code civil et ce, au-delà de la SAS.

 

A propos de l’auteur

Bruno Zabala, avocat au sein du département de la doctrine juridique.

 

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 30 septembre 2013

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