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La loi élargit l’action de groupe à tous les domaines en droit du travail

La loi élargit l’action de groupe à tous les domaines en droit du travail

L’action de groupe a pour objectif de permettre à un demandeur, association ou, le cas échéant, syndicat, d’agir en justice pour le compte d’un groupe de personnes placées dans des situations similaires du fait des manquements commis par un même défendeur.

 

Introduite dans le paysage juridique français en droit de la consommation par la loi Hamon en 2014, elle s’est développée ensuite en droit de la santé, puis en droit du travail avec l’adoption de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016 qui a permis à des syndicats professionnels d’agir pour le compte de travailleurs victimes de discriminations au travail.

 

L’action de groupe n’a pas cependant rencontré le succès escompté. Son développement par matière a eu en outre pour effet de complexifier son régime.

 

C’est pourquoi le législateur a repris la main afin d’unifier le régime de l’action de groupe, d’élargir son domaine d’application en droit du travail et de remédier à la complexité de ses conditions de mise en œuvre.

 

A l’occasion de la transposition de plusieurs directives par la loi DDADUE n°2025-391 du 30 avril 2025, il a réformé en profondeur cette action en s’inspirant des orientations prises par une proposition de loi qui avait été discutée, sans aboutir, au printemps 2024. La loi met conjointement le droit français en conformité avec le droit de l’Union européenne, qui s’était saisie de la question de l’action représentative dans une directive du 25 novembre 2020.

 

La nouvelle action de groupe peut être engagée depuis l’entrée en vigueur de la loi au lendemain de sa publication au Journal officiel, soit depuis le 3 mai 2025.

 

Focus sur le nouveau régime de l’action de groupe en droit du travail

 

Quelles demandes peuvent donner lieu à une action de groupe ?

 

L’action de groupe peut désormais être intentée pour faire cesser un manquement, obtenir réparation des dommages subis du fait de ce manquement, ou les deux.

 

Peuvent donc désormais donner lieu à une action de groupe, les actions engagées en matière :

 

    • de lutte contre les discriminations ;

 

    • de manquement aux règles relatives à la protection des données personnelles ;

 

    • mais aussi les actions visant à la cessation du manquement d’un employeur ou à la réparation de dommages causés par ce manquement à plusieurs personnes placées sous l’autorité de cet employeur. Il s’agit de tout manquement à des dispositions légales, règlementaires ou conventionnelles, telles que le paiement des heures supplémentaires, la durée du travail etc.

 

Cette troisième possibilité a pour effet d’étendre très largement la portée de l’action de groupe en droit du travail et pourrait entrainer à l’avenir une recrudescence de ce type d’action qui, jusqu’à présent, était cantonné à la lutte contre les discriminations et à la protection des données personnelles et qui n’a pas connu un grand succès.

 

A ce jour, aucune action de groupe n’a abouti à la condamnation d’un employeur en raison d’un manquement en matière de discrimination et aucune n’a été engagée en matière de protection des données à caractère personnel.

 

Si l’action de groupe vise à la réparation de préjudices, il sera nécessaire pour le demandeur d’apporter la preuve du préjudice subi et de présenter des cas individuels au soutien de ses prétentions. En revanche, si l’action tend seulement à la cessation du manquement, aucune preuve du préjudice ne sera nécessaire.

 

Qui peut agir ?

 

Dans le cadre d’une action de groupe, les salariés n’agissent pas directement en justice contre l’employeur.

 

Aux termes de l’article 16 I C de la loi DDADUE l’action de groupe ne peut être exercée que par :

 

    • les associations agréées à cette fin par l’autorité administrative, qui doivent remplir certaines conditions d’ancienneté, d’objet, d’indépendance et de transparence et dont l’objet statutaire comporte la défense des intérêts auxquels il est porté atteinte. La liste des association agréées sera fixée par décret ;

 

    • les organisations syndicales représentatives au sein de l’entreprise ou l’établissement, au niveau de la branche, au niveau interprofessionnel ou au niveau national, qui ne sont compétentes pour agir relativement à des manquements en matière de droit du travail ;

 

    • les associations non agréées, qui doivent être régulièrement déclarées depuis deux ans au moins, justifier de l’exercice d’une activité effective et publique de vingt-quatre mois consécutifs et dont l’objet statutaire doit comporter la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte. Dans ce dernier cas, ces associations ne peuvent agir que pour faire cesser un manquement et non pour en obtenir une réparation.

 

Comment s’exerce une action de groupe ?

 

L’action de groupe est formée devant le tribunal judiciaire. La loi prévoit la spécialisation de certains tribunaux pour connaitre des actions de groupe en matière judiciaire.

 

Cette action a pour effet de suspendre le délai de prescription des actions individuelles qui pourraient être engagées par les salariés devant le conseil de prud’hommes pour faire cesser un manquement ou obtenir réparation de leur préjudice.

 

En droit du travail, l’engagement d’une telle action est subordonné au respect d’une condition préalable : celle de mettre en demeure l’employeur de faire cesser le manquement allégué avant de formuler une demande en justice.

 

L’employeur dispose alors d’un délai d’un mois pour informer le CSE et les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise.

 

A compter de cette mise en demeure, un délai de six mois doit être respecté avant de mettre en œuvre une action de groupe. Les organisations syndicales peuvent alors demander à engager une discussion avec l’employeur dans l’objectif de mettre un terme au manquement.

 

Si l’employeur refuse la demande, le délai court à compter de son refus. Une fois le délai écoulé, l’action de groupe peut être formée.

 

Deux cas de figures sont alors distingués :

 

    • Si l’action de groupe porte sur la cessation du manquement, le demandeur devra seulement établir la réalité de ce manquement sans être tenu de démontrer l’existence d’un préjudice. Ainsi, l’action aura seulement pour objet que soit constatée l’existence du manquement et que soit ordonné au défendeur, au besoin sous astreinte, de le faire cesser.

 

    • Si l’action de groupe porte sur la réparation du préjudice, le demandeur présente des cas individuels au soutien de ses prétentions. La procédure s’effectuera en deux temps.

 

 

Dans un premier temps, le juge sera amené à se prononcer sur l’existence du manquement et sur la responsabilité du défendeur.

 

Dans un second temps, si le manquement de l’employeur est établi, le juge définit le groupe de personnes à l’égard desquelles la responsabilité de l’employeur est engagée, définit les préjudices devant faire l’objet d’une réparation pour chacune des personnes constituant le groupe et détermine, dans le même jugement, le montant ou les éléments permettant l’évaluation des préjudices susceptibles d’être réparés.

 

Il ordonne également à l’employeur de prendre des mesures de publicité afin de permettre aux personnes concernées de se manifester et fixe dans le jugement un délai, compris entre deux mois et cinq ans à compter de l’achèvement des mesures de publicité, pour que les personnes concernées par le manquement puissent adhérer au groupe en vue d’obtenir la réparation de leur préjudice. Un second délai sera imposé au défendeur pour procéder à l’indemnisation des personnes concernées.

 

Les victimes qui estiment remplir les conditions fixées dans le jugement et qui souhaitent adhérer au groupe forment alors leurs demandes de réparation du préjudice subi auprès de l’employeur ou de l’organisation qui a engagé l’action, dans les délais fixés par le juge.

 

Cela étant, lorsque le demandeur à l’action le demande et que les éléments produits ainsi que la nature des préjudices le permettent, le juge peut décider la mise en œuvre d’une procédure collective de liquidation des préjudices.

 

A cette fin, il habilite le demandeur à négocier avec le défendeur l’indemnisation des préjudices subis par chacune des personnes constituant le groupe et détermine, dans le même jugement, le montant de ces préjudices ou les éléments permettant leur évaluation.

 

Il définit également les délais et les modalités selon lesquels cette négociation et cette évaluation doivent être effectuées et, notamment, le délai, qui ne peut être inférieur à six mois, à l’expiration duquel, en l’absence d’accord, il statue directement sur les préjudices susceptibles d’être réparés.

 

Dans ce cas, le juge habilite les parties à engager une négociation sur l’indemnisation et fixe un délai dans lequel celles-ci pourront conclure un accord à défaut duquel le juge statuera directement sur les préjudices pouvant être réparés.

 

L’accord, éventuellement partiel, intervenu entre les parties est soumis à l’homologation, que celui-ci peut refuser s’il considère que les intérêts des parties et des membres du groupe sont insuffisamment préservés.

 

Si l’action de groupe n’a pas décollé depuis son introduction en droit du travail en 2016, son élargissement à toutes espèces de manquement de l’employeur lui ouvre de nouvelles perspectives en permettant notamment aux organisations syndicales représentatives d’obtenir la réparation du préjudice subi par les salariés, ce qu’elles ne peuvent obtenir lorsqu’elles engagent une action au titre de la défense des intérêts collectifs de la profession pour faire reconnaître un manquement de l’employeur aux dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles.

 

En effet, dans un tel cas, si un syndicat, même non-représentatif, peut faire reconnaitre l’irrégularité commise par l’employeur et demander au juge qu’il y soit mis fin, il ne peut pas obtenir la régularisation de la situation individuelle des salariés. Pour cette raison l’action de groupe pourrait connaître une plus grande activité à l’avenir.

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