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L’accès de l’expert-comptable du CSE aux informations individuelles relatives aux salariés lors de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise

L’accès de l’expert-comptable du CSE aux informations individuelles relatives aux salariés lors de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise

Par deux arrêts en date du 19 avril 2023 (Cass. soc., 19 avril 2023, n°21-25.563 et n°21-24.208), la Cour de cassation a apporté des précisions importantes sur les contours de l’accès de l’expert-comptable désigné par le comité social et économique (CSE) aux documents et informations nécessaires à l’exercice de sa mission, lors de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi de l’entreprise.

 

Face aux demandes de communication d’informations adressées par l’expert-comptable du CSE, les employeurs peuvent être tentés de refuser ces demandes en opposant deux types d’arguments :

 

Les informations auxquelles l’expert-comptable a accès sont limitées à celles figurant dans la BDESE ;

 

La communication de certaines informations se heurterait aux prescriptions du Règlement général sur la protection des données (RGPD).

 

La Cour de cassation a écarté ces arguments.

 

Sur l’impossibilité de limiter l’accès de l’expert-comptable aux seules données figurant dans la BDESE

 

Dans ses deux décisions datées du 19 avril 2023, la Cour de cassation a confirmé sa position selon laquelle l’information accessible à l’expert-comptable désigné par le CSE dans le cadre de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi de l’entreprise n’est pas circonscrite aux informations figurant dans la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE).

 

Ces décisions étaient nécessaires pour déterminer l’étendue des informations accessibles à l’expert-comptable dans le cadre de la consultation annuelle sur la politique sociale laquelle est basée sur la BDESE.

 

L’information de l’expert-comptable peut porter sur d’autres données, telles que la rémunération, à condition, toutefois, que cette information soit nécessaire à l’exercice de sa mission d’expertise (1).

 

A cet égard, il avait été jugé, sous l’empire des anciennes règles applicables au comité d’entreprise, que l’expert désigné par le comité avait accès aux mêmes documents Que le commissaire aux comptes, sans distinction liée au thème de la consultation annuelle.

 

Cependant ce principe a été repris par le nouvel article L.2315-90 du Code du travail relevant du sous paragraphe 2 intitulé «Expertise dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière» et ne semble donc applicable à l’expert-comptable que lorsque ce dernier est désigné dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise (2).

 

La jurisprudence rendue sous l’empire des nouveaux textes régissant le CSE semble d’ailleurs confirmer l’inapplicabilité de cet article dans le cadre de la consultation sur la politique sociale.

 

En effet, dans un arrêt récent, les juges ne se sont pas fondés sur l’article L.2315-90 du Code du travail pour déterminer si l’expert désigné par le CSE avait accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes dans le cadre de la consultation sur la politique sociale (3).

 

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que, si les informations auxquelles doit avoir accès l’expert-comptable missionné dans le cadre de la consultation sur la politique sociale, ne sont pas limitées à celles figurant dans la BDESE, elles ne correspondent pas pour autant à l’ensemble des informations accessibles au commissaire aux comptes.

 

Sur l’impossibilité de fonder le refus de communiquer des documents à l’expert-comptable sur les dispositions du RGPD

 

Dans l’une des deux décisions rendues par la Cour de cassation le 19 avril 2023 (n°21-24.208), les juges ont également précisé que l’accès de l’expert-comptable à l’information peut s’étendre à des documents comprenant des informations brutes individualisées et anonymisées portant notamment sur la rémunération des salariés.

 

Dans ce contexte, il convient de rappeler que, dès lors que l’expert-comptable est tenu à des obligations de secret professionnel et de discrétion, l’employeur ne peut lui opposer le caractère confidentiel des documents demandés pour refuser de les lui communiquer (4).

 

En outre, il a été jugé par la cour d’appel de Paris que l’employeur ne peut invoquer le RGPD pour refuser de communiquer certaines données personnelles des salariés à l’expert-comptable (5).

 

Bien que cet arrêt ait été rendu dans le contexte d’une consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise, cette solution dégagée par les juges du fond pourrait, à notre sens, s’appliquer à l’ensemble des consultations annuelles du CSE.

 

On observera également que, dans cet arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 avril 2023 (n°21-24.208), la société a été condamnée à communiquer à l’expert-comptable des informations brutes individuelles anonymisées concernant la totalité de l’effectif.

 

Il ressort de cette décision que la communication de données anonymisées semble être une pratique conforme aux exigences légales et jurisprudentielles en matière de communication de données à l’expert-comptable désigné par le CSE.

 

Cette pratique est également en adéquation avec le principe de minimisation des données imposé par le RGPD, selon lequel les données personnelles doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées (6).

 

 

Auteurs

 

Damien Decolasse, Avocat associé, CMS Francis Lefebvre Avocats

Charlotte Gouranton, Avocate, CMS Francis Lefebvre Avocats

 

(1) C. Trav., art. L. 2315-83
(2) Ce principe selon lequel l’expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes s’applique également dans le cadre des consultations ponctuelles visées aux articles L. 2315-92 et s. par renvoi de l’article L. 2315-93 à l’article L.2315-90.
(3) Cour d’appel de Versailles, 18 février 2021, n°20/01084
(4) Cass. soc., 15 décembre 2009, n°08-18.228
(5) Cour d’appel de Paris, 2 juillet 2020, n°19/22158
(6) Article 5 du RGPD

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