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Contentieux URSSAF : de la nécessité de saisir correctement la Commission de Recours Amiable

Contentieux URSSAF : de la nécessité de saisir correctement la Commission de Recours Amiable

Par deux arrêts en date du 12 mai 2022 (1), la Cour de cassation a rappelé qu’un cotisant qui conteste un redressement URSSAF peut, au stade du contentieux, invoquer d’autres moyens que ceux soulevés devant la Commission de Recours Amiable (CRA).

La Cour limite néanmoins la portée de cette contestation aux chefs de redressement préalablement contestés devant celle-ci.

Ces nouveaux développements, qui s’inscrivent dans la tendance jurisprudentielle actuelle, invitent à une grande prudence des cotisants.

 

Rappels liminaires sur la nécessité de saisir préalablement la CRA

Les contestations à l’encontre d’une mise en demeure de l’URSSAF doivent obligatoirement être préalablement soumises à la CRA de l’URSSAF concernée, avant tout éventuel recours devant le tribunal judiciaire (2), à peine d’irrecevabilité (3).

Précisons que l’étendue de la saisine de la CRA se détermine au regard du contenu de la lettre de saisine du cotisant et non de la décision ultérieure de cette commission : cette dernière est saisie de la contestation portant sur le bien-fondé d’un redressement, même en l’absence de motivation de la réclamation (4). Ainsi, de jurisprudence constante, il importe peu que la saisine de la CRA ait été dûment motivée sur l’ensemble des points de contestation y figurant (5).

 

Sur la possibilité réaffirmée d’invoquer des moyens nouveaux au stade du contentieux

Dans les deux affaires ayant donné lieu aux arrêts du 12 mai 2022, la société cotisante avait saisi la CRA de l’URSSAF de la contestation de certains chefs de redressement, sans pour autant contester la validité des opérations de contrôle dans leur intégralité.

Au stade du contentieux, la société avait soulevé, pour la première fois en appel, la nullité des opérations de contrôle et, par suite, de l’ensemble des chefs de redressement s’y rapportant au motif de l’absence d’envoi préalable d’un avis de contrôle et de l’irrégularité de la mise en demeure.

Pour rejeter sa demande, la cour d’appel a cru devoir considérer que, dès lors que la société cotisante n’avait pas soulevé ces différents points au niveau de la CRA, ceux-ci étaient irrecevables au stade du contentieux.

Saisie de la question, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a réaffirmé sa jurisprudence (6) selon laquelle le cotisant qui conteste un redressement peut, à l’occasion de son recours juridictionnel, invoquer d’autres moyens que ceux soulevés devant la CRA.

Ainsi, la société pouvait valablement soulever pour la première fois au stade du contentieux un argument tendant à la nullité des opérations de contrôle et de la mise en demeure.

Néanmoins, la Cour de cassation a apporté deux tempéraments à sa jurisprudence.

 

Sur la possibilité limitée d’invoquer des moyens nouveaux au stade du contentieux

Pour limiter la portée de sa jurisprudence, la Haute juridiction a tout d’abord ajouté que les moyens nouveaux présentés au stade du contentieux, sont recevables «dès lors qu’ils concernent les chefs de redressement préalablement contestés».

Elle a également retenu dans l’une des affaires que «lorsque le cotisant invoque des moyens de nullité susceptibles d’affecter le redressement dans son entier alors qu’il avait limité sa contestation devant la commission de recours amiable à certains chefs seulement, le litige ne peut être étendu aux autres chefs mais il appartient au juge d’examiner la pertinence de ces moyens de nullité au regard des chefs de redressement déjà contestés».

 

Il ressort ainsi de cette jurisprudence que :

 

    • les moyens nouveaux soulevés au stade du contentieux ne peuvent concernés que les chefs de redressement contestés devant la CRA ;
    • le cotisant qui s’est contenté de contester quelques chefs de redressement au stade précontentieux ne pourra pas obtenir devant les tribunaux l’annulation intégrale des opérations de contrôle ;
    • à l’inverse, si le cotisant avait contesté, dès la saisine de la CRA, la validité des opérations de contrôle et/ou de la mise en demeure dans leur ensemble, celui-ci peut légitimement soulever un argument nouveau en ce sens au stade du contentieux.

 

Ainsi, le cotisant ne pourra espérer obtenir la nullité que des seuls chefs de redressement qu’il avait contestés devant la CRA même si les arguments soulevés étaient de nature à conduire à la nullité de l’intégralité des opérations de contrôle.

 

Sur les précautions à prendre lors de la saisine de la CRA

Ces solutions s’inscrivent dans le mouvement jurisprudentiel de la deuxième chambre civile visant à limiter les moyens de contestation des cotisants. Ainsi, par exemple, elle avait déjà jugé en février dernier que le cotisant n’est pas recevable à contester des chefs de redressement qu’il n’a pas préalablement critiqués devant la CRA (7).

En conséquence, les cotisants sont invités à la plus grande prudence lorsqu’ils saisissent la CRA en contestation d’une mise en demeure de l’URSSAF.

Afin de ne se voir priver d’aucune possibilité de contestation devant le juge, le cotisant sera bien avisé de contester sur le plan des principes l’ensemble du contrôle et des chefs de redressement au stade de la saisine de la CRA.

Il s’agira pour lui de trouver le juste équilibre entre la nécessité d’une contestation générale du redressement et une stratégie de défense pouvant, dans certains cas, le conduire à ne pas révéler immédiatement l’ensemble de ses arguments.

 

(1) Cass. 2e civ., 12 mai 2022, n° 20-18.077 et n° 20-18.078
(2) CSS, art. L. 142-4 et R. 142-1
(3) Cass. 2e civ., 16 novembre 2004, nº 03‐30.426
(4) Cass. 2e civ., 12 mars 2020, n° 19-13.422
(5) Cass. 2e civ., 13 février 2014, n° 13-12.329 ; Cass. 2e civ., 9 février 2017 n° 16-25.781
(6) Cass. 2e civ., 30 novembre 2017, n° 16-25.781 ; Cass. 2e civ., 28 mai 2020, n° 19-12.597
(7) Cass. 2e civ., 17 février 2022, n° 20-19.547

 

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