L’accord de performance collective à l’épreuve du contrôle de l’administration dans le cadre du licenciement d’un salarié protégé

18 octobre 2019
Depuis la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, des accords de performance collective (APC) peuvent être conclus afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver ou de développer l’emploi.
Le dispositif prévu par l’article L.2254-2 du Code du travail permet d’apporter une réponse efficace aux besoins d’organisation des entreprises puisque les clauses de l’accord de performance collective se substituent aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail avec l’accord du salarié.
Nous vous livrons ici les apports de la première décision relative au licenciement d’un salarié protégé dans le cadre d’un APC, rendu par le ministère du Travail saisit par voie de recours hiérarchique.
Les faits et la procédure
Pour prendre en compte les nouveaux paramètres engendrés par une réforme gouvernementale, une entreprise a dû réorganiser son activité en adaptant le volume horaire des salariés dans le cadre d’un accord de performance collective.
La direction et les syndicats ont défini les conditions de l’aménagement de la durée du travail du personnel concerné et les impacts du refus d’application de l’accord de performance collective à leur contrat de travail.
Dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord, un salarié protégé a refusé son application, la société a donc engagé une procédure de licenciement pour motif spécifique constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Elle a ainsi sollicité une autorisation de licenciement à l’inspecteur du travail du siège de l’entreprise. S’estimant territorialement incompétent, c’est l’inspecteur du travail de l’établissement dans lequel travaillait le salarié qui a finalement rendu une décision de refus.
Motifs ayant conduit au refus d’autorisation de licenciement
Pour refuser l’autorisation de licenciement, l’inspecteur du travail a procédé à une véritable analyse de fond de l’APC. Il en conclut qu’un accord de performance collective ouvrant la possibilité pour l’employeur, même pour répondre à un besoin réel d‘organisation, de procéder à autant de modifications individuelles de volumes horaires qu’il y a de travailleurs entrant dans son champ d’application, ne peut, faute de critères homogènes présidant à ces modifications, être regardé comme un accord collectif d’aménagement de la durée du travail, de ses modalités d’organisation et de répartition au sens de l’article L.2254-2 du Code du travail.
La circonstance qu’il n’est relevé aucune contestation relative au bien fondé du motif énoncé en préambule de l’accord, ni relative à la loyauté des négociations, étant indifférente.
En conséquence, l’employeur s’est trouvé dans l’obligation de former un recours hiérarchique contre cette décision qui a conduit le ministère du Travail à accorder l’autorisation de licenciement.
Le contrôle léger opéré par le ministère du Travail
Sur la compétence territoriale
S’agissant de la compétence territoriale, le ministère du Travail relève que la demande d’autorisation ne concernant ni un licenciement pour motif personnel, ni un licenciement pour motif économique, est adressée à l’inspecteur du travail dont dépend l’établissement disposant d’une autonomie de gestion suffisante.
L’établissement dans lequel était employé le salarié ne disposant pas d’une autonomie de gestion suffisante, la demande devait être adressée à l’inspecteur du travail dont dépend le siège de l’entreprise. L’auteur de la décision contestée était donc territorialement incompétent, sa décision de licenciement devait être annulée.
Sur le fond
S’agissant du contenu de l’APC, le ministère relève que pour répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver ou développer l’emploi, un APC peut aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition. Elle constate ainsi que l’accord définit dans son préambule les objectifs qui lui sont assignés, de façon précise et circonstanciée, qu’il remplit les conditions de validité de l’accord et qu’en l’absence d’action en nullité de l’accord collectif engagé dans le délai de deux mois à compter de sa notification, il est régulièrement entré en vigueur.
S’agissant de la modification du contrat de travail, le ministère du Travail relève que le salarié protégé, signataire de l’APC en qualité de délégué syndical, a refusé la modification de son contrat de travail. En conséquence, est établie la réalité du motif spécifique prévue par l’article L.2254-2 du Code du travail, justifiant le licenciement.
S’agissant de l’existence d’un lien avec le mandat, le ministère du Travail souligne qu’il n’est relevé aucun indice entre la demande d’autorisation de licenciement et les mandats exercés par le salarié, révélant une discrimination.
Apports de la décision
Dans cette première décision d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé consécutive à un refus d’application d’un accord de performance collective, le ministère du Travail nous livre les critères permettant à l’administration de prononcer sa décision.
En l’occurrence, alors que l’inspecteur du travail avait procédé à une analyse de fond des mesures adoptées dans l’accord, le ministère se limite à vérifier que les conditions de validité de l’accord sont bien remplies, dans le cadre d’un contrôle léger.
En outre, nous notons que l’accord de performance collective peut prévoir dans son contenu le principe de la modification de la durée du travail, avec des amplitudes de modifications différentes par salarié et renvoyer à une annexe le niveau précis des modifications à opérer nominativement.
L’individualisation de la mesure d’aménagement est donc permise, sans qu’il soit nécessaire de détailler dans l’accord même la modification précise à réaliser par salarié.
Conclusion
Le licenciement d’un salarié protégé ayant refusé l’application d’un accord de performance collective à son contrat de travail se trouve sécurisé dès lors qu’en l’absence de discrimination, les conditions de validité de l’accord sont bien remplies. Le contrôle de l’inspecteur du travail est donc plus léger que celui effectué dans le cadre des demandes d’autorisation de licenciement pour motif personnel ou pour motif économique.
Article publié dans les Echos EXECUTIVES le 18/10/2019
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