Les nouveautés de l’article L. 1224-1 du Code du travail issues de la loi El Khomri

10 juillet 2017
La loi travail du 8 août 20161 a profondément modifié le Code du travail. Les opérations de fusion-acquisition, et plus généralement les transferts d’activité entre sociétés, sont concernés avec des nouveautés permettant une meilleure prise en compte de la pratique de ces opérations.
Celles-ci opèrent le transfert automatique des contrats de travail en application du célèbre article L. 1224-1 du Code du travail. Le statut collectif de la société absorbée est également transféré mais avec une mise en cause automatique et souvent une nécessité de renégociation post-fusion afin d’harmoniser les statuts dans la nouvelle structure. Petite revue synthétique des nouveautés.
L’article L. 1224-1 n’a pas été modifié, ce sont ses articles « périphériques » qui ont été ajustés ou complétés.
Licenciement avant transfert2
Dans les sociétés ou groupes d’au moins 1 000 salariés, lorsque le PSE comporte, en vue d’éviter la fermeture d’un établissement, le transfert à un repreneur d’une entité économique autonome nécessaire à la sauvegarde d’emplois, l’article L. 1224-1 ne s’applique que dans la limite du nombre des emplois qui n’ont pas été supprimés par des licenciements.
Ainsi, est facilité le licenciement des salariés avant un transfert pour adapter la structure, la rendre attrayante pour le repreneur et lui éviter de faire une restructuration dès l’acquisition opérée.
Négociation anticipée d’un accord « de transition » ou « d’adaptation »3
Lors du transfert, les accords collectifs sont automatiquement mis en cause et disparaîtront quinze mois après. Pour éviter ce vide conventionnel, il est nécessaire de négocier un accord dit « de substitution ». Jusqu’à présent, celui-ci ne pouvait être signé qu’une fois le transfert intervenu.
Il est maintenant permis d’anticiper cette négociation avant le transfert afin de rassurer les représentants du personnel de la société qui verra tout ou partie de ses salariés transférés.
Disparition des «avantages individuels acquis» au profit du « maintien de la rémunération »4
Jusqu’à présent, à défaut d’accord de substitution conclu dans le délai de quinze mois suivant le transfert, les employeurs craignaient le maintien des fameux « avantages individuels acquis ». Tout praticien est parti à la recherche d’une réponse ou d’une définition claire et exploitable de cette notion. L’échec a été total, les tribunaux apportaient quelques rares réponses mais la cohérence d’ensemble laissait à désirer, maintenant les employeurs devant un flou peu sécuritaire. Le législateur est intervenu pour supprimer la notion. La joie était à son comble, mais rapidement douchée par la perplexité de la nouvelle notion substituée : le « maintien de la rémunération annuelle ». L’idée était que la fin des accords collectifs s’accompagnait de la disparition des avantages prévus par ces accords mais que le pouvoir d’achat des salariés concernés était maintenu. Ainsi, le salarié conserverait uniquement un montant en euro des avantages perçus en application des accords mis en cause. Malheureusement, la rédaction du texte permet différentes interprétations, dont certaines cauchemardesques pour les employeurs, que la pratique, la doctrine et la jurisprudence devront lever.
Transfert conventionnel5
Les différences de rémunération issues d’un transfert conventionnel en application d’un accord de branche étendu6 sur un même site sont « légalisées ». Les salariés du repreneur ne peuvent réclamer les avantages des salariés repris, provenant de leur précédent employeur.
Notes
1 N° 2016-1088.
2 Article L. 1233-61.
3 Articles L. 2261-14-2 à L. 2261-14-4. Pour plus de détails, vous référer à l’article infra « Fusions : anticiper la négociation du nouveau statut collectif », par Françoise Albrieux-Vuarchex
4 Article L. 2661-14.
5 Article L. 1224-3-2.
6 Hypothèse de changement de prestataire nettoyage ou restauration par exemple
Auteur
Guillaume Bossy, avocat associé, CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon, droit social
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