Le contentieux du principe d’égalité de traitement

20 avril 2018
Dans sa formation la plus solennelle, la Cour a rendu de nouveaux arrêts sur l’application du principe d’égalité de traitement dans le grand contentieux du « Complément Poste ».
Un contentieux sériel portant sur l’application du principe d’égalité de traitement.
Un vaste contentieux impliquant La Poste a porté sur un élément de rémunération dénommé « Complément Poste », mis en place par l’entreprise publique au début des années 1990 à la suite de son changement de statut qui l’avait alors autorisée -notamment- à employer des salariés de droit privé aux côtés d’agents de droit public.
Afin de promouvoir une politique équitable de rémunération pour l’ensemble de ses collaborateurs et simplifier un système de rémunération issu de l’administration centrale, La Poste a supprimé la cinquantaine de primes et indemnités perçues par les agents à raison des responsabilités et sujétions qu’ils assumaient antérieurement, ce afin de les intégrer dans un complément indemnitaire unique : le Complément Poste.
À identité de niveau de fonctions et de maîtrise du poste, les agents – indifféremment de droit privé ou de droit public – recrutés postérieurement ont alors perçu un complément de même montant.
Cependant, des différences ont pu exister avec certains fonctionnaires – dans une faible proportion – recrutés dans les années 1970-1980 et percevant un montant supérieur de Complément Poste à raison de leur historique de carrière propre.
S’en sont suivis de multiples contentieux sur le fondement du principe « à travail égal, salaire égal ».
L’action collective des organisations syndicales fondée sur une rupture générale d’égalité
Des demandes de régularisation collective de salaires, c’est-à-dire tendant à l’obtention d’un rappel de salaires au bénéfice de tous les salariés concernés, en l’absence même de toute action ou demande individuelle, ont été présentées par certaines fédérations syndicales.
Par une action collective de nature exceptionnelle, et aux enjeux considérables, les requérants tentaient en effet de démontrer que le régime mis en place exposait collectivement les salariés à une rupture d’égalité.
La Poste, dans des affaires plaidées par CMS Francis Lefebvre Avocats, a obtenu le rejet de toutes les actions collectives (TGI Paris, 4 février 2014 ; TGI Paris, 10 mars 2015 ; CA Paris, 18 juin 2015 ; CA Paris, 14 avril 2016, ayant fait l’objet d’un pourvoi en cassation rejeté : Cass. Soc. 14 février 2018, n°16-18.753) les juges du fond ayant notamment considéré :
Les fédérations appelantes, sur lesquelles repose la charge de la preuve de l’inégalité de traitement qu’elles allèguent, ne démontrent donc pas que l’allocation du complément Poste (..) serait généralement empreinte d’une inégalité de traitement entre les agents de droit public et les agents de droit privé.
(…) Elles ne démontrent pas la réalité d’un tel déséquilibre général. Elles ne peuvent en tout état de cause solliciter un alignement de l’ensemble des agents de droit privé sur les seuls agents de droit public de mêmes fonctions et niveaux qui perçoivent les compléments Poste les plus élevés.
L’action individuelle des salariés fondée sur la violation du principe d’égalité de traitement
Plusieurs milliers de procédures avaient été menées devant les juridictions prud’homales et la haute Cour avait déjà rendu plusieurs arrêts.
Elle avait considéré que les juges doivent constater que les fonctionnaires auxquels les salariés se comparent, doivent occuper des fonctions identiques ou similaires aux leurs et au même niveau (cass. soc. 23 novembre 2016, n°15-23.865, Soc. 12 juillet 2017, n°16-13.901).
Elle avait admis que soit prise en compte une meilleure maîtrise du poste par le fonctionnaire, qui ne peut cependant reposer sur sa seule ancienneté déjà prise en compte dans la rémunération de base (cass. soc. 9 décembre 2015, n°14-18.042, Bull n°249), mais peut résulter d’une plus grande diversité des postes occupés par le fonctionnaire, lui conférant, par là-même, une meilleure maîtrise de son poste (cass. soc. 9 décembre 2015, n°14-23.563).
Les arrêts rendus le 4 avril 2018 (P+B+R+I) par la chambre sociale dans sa formation la plus solennelle
La Cour de cassation a progressivement dessiné sa jurisprudence, ce jusqu’aux arrêts rendus le 4 avril 2018 eux-mêmes destinés à une large publication (P+B+R+I) et ayant donné lieu à une note explicative de la chambre sociale.
Par ces arrêts la Cour rappelle et précise les conditions d’application du principe « à travail égal, salaire égal » : c’est à celui qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement de démontrer qu’il se trouve dans une situation identique ou similaire à celui auquel il se compare.
La demande présentée par un salarié qui ne se compare à aucun fonctionnaire exerçant au même niveau des fonctions identiques ou similaires aux siennes ne peut être que rejetée (Soc. 4 avril 2018, n°17-11.814).
Il appartenait donc d’abord à chaque salarié de démontrer qu’il exerçait des fonctions identiques ou similaires à celles du fonctionnaire auquel il se comparait : faute de démontrer cette identité de fonctions, la requête devait être rejetée.
En outre, la chambre sociale approuve les juges du fond ayant rejeté les demandes des salariés qui se comparaient à un fonctionnaire qui exerçait comme eux des fonctions identiques ou similaires de facteur, mais qui, à la différence des salariés, avait occupé des fonctions qui par leur diversité et leur nature, lui conféraient une meilleure maîtrise de son poste (Soc. 4 avril 2018, n°17-11.680).
Ainsi dans ce contentieux majeur et emblématique la Cour a-t-elle parachevé sa jurisprudence pour dégager une solution claire et efficiente et permettre aux juges du fond de faire une exacte application du principe d’égalité de traitement.
Article publié dans Les Echos EXECUTIVES le 20/04/2018
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