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L’imbroglio des nouveaux délais de prescription en droit du travail

La loi de sécurisation de l’emploi procède à la réduction des délais de prescription en matière prud’homale. Le délai de cinq ans est ramené à deux ou trois ans selon l’objet de l’action. Les nouveaux délais de prescription

Présentée comme la réforme sociale de l’année, la loi dite de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 a déjà fait l’objet de nombreuses publications concernant principalement la procédure de licenciement pour motif économique. Moins commentées, les dispositions de la loi relatives à la prescription réforment en profondeur les délais applicables en droit du travail.

La loi nouvelle raccourcit le délai de prescription applicable en matière prud’homale qui est ramené de 5 à 2 ou 3 ans, selon l’objet de l’action considérée et fait suite à une première réforme mise en œuvre en 2008 qui avait déjà abrégé le délai de droit commun des prescriptions de 30 à 5 ans.

La loi nouvelle rappelle que le délai de prescription court à compter du « jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit » et crée un délai général de prescription de 2 ans pour les actions relatives à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail, assorti de très nombreuses exceptions.

Ainsi, le législateur a prévu un délai spécifique de 3 ans s’agissant des actions en paiement et en répétition du salaire. De même, ne sont pas soumises au délai de 2 ans les actions relatives à la réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail, pour lesquelles le délai est de 10 ans et les actions exercées pour des faits de discrimination et de harcèlement moral ou sexuel, restant soumises à un délai de 5 ans.

Par ailleurs, la loi a précisé que les nouveaux délais de prescription ne remettent pas en cause les délais plus courts prévus par le code du travail.

En conséquence de ce qui précède, les principaux délais de prescription aujourd’hui applicables sont les suivants :

  • Exécution ou rupture du contrat : 5 ans (délai ancien) – 2 ans (délai nouveau)
  • Réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail : 10 ans (délai ancien) – 10 ans (délai nouveau)
  • Faits de discrimination : 5 ans (délai ancien) – 5 ans (délai nouveau)
  • Harcèlement moral ou sexuel : 5 ans (délai ancien) – 5 ans (délai nouveau)
  • Paiement ou répétition du salaire en cours de contrat – 5 ans (délai ancien) – 3 ans (délai nouveau)
  • Régularité de la procédure de licenciement pour motif économique en raison de l’absence ou de l’insuffisance du PSE : 12 mois (délai ancien) – 12 mois (délai nouveau)
  • Contestation de la rupture d’un contrat résultant de l’adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle : 12 mois (délai ancien) – 12 mois (délai nouveau)
  • Contestation de la rupture conventionnelle homologuée : 12 mois (délai ancien) – 12 mois (délai nouveau)
  • Dénonciation par le salarié du reçu pour solde de tout compte : 6 mois (délai ancien) – 6 mois (délai nouveau)

Un délai dissocié en matière de demandes salariales postérieures à la rupture du contrat

Lorsque le contrat de travail est rompu, la demande pourra porter sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture.

S’agissant de la prescription en matière salariale, la loi fixe un délai de prescription et une période sur laquelle peut porter la demande. En effet, le nouveau texte précise que la demande pourra porter, lorsque le contrat est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture.

Le délai de prescription sera donc différent selon que le contrat de travail du salarié considéré est en cours ou rompu à la date de l’action. Ainsi :

  • en cours d’exécution du contrat de travail : la demande de paiement du salaire peut porter sur les trois années antérieures à la demande,
  • en cas de rupture du contrat de travail : la demande de paiement de salaire ne peut porter que sur les trois années précédant la fin du contrat.

Il en résulte qu’un salarié qui introduit une action 2,5 ans après son licenciement pourrait réclamer des rappels de salaire, non pas sur une demi année, mais sur les trois années qui ont précédé la rupture de son contrat de travail. Le salarié dispose donc dans cet exemple de 5,5 ans pour agir.

L’entrée en vigueur des nouveaux délais de prescription

Ces nouveaux délais de prescription s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la loi, sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi ancienne.

La loi prévoit en effet que les délais qu’elle institue sont applicables aux prescriptions en cours à compter de sa date d’entrée en vigueur, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Ainsi, par exemple, le salarié qui disposait encore d’un an pour exercer une action relative à son salaire par application le délai quinquennal ne bénéficiera pas de 2 ans supplémentaires, mais seulement d’un an, le délai maximal étant de 5 ans.

Le législateur a également précisé que les durées nouvelles n’affecteront pas les actions introduites avant son entrée en vigueur. Ces dernières se poursuivront et seront donc jugées conformément à la loi ancienne, y compris en appel et en cassation.

Une complexification des délais de prescription en matière prud’homale

Alors que l’application quasi générale d’un délai de prescription unique de 5 ans permettait au salarié de savoir le temps dont il disposait pour initier son action et à l’employeur de gérer ses éventuelles provisions, la loi nouvelle morcelle les délais de prescription en fonction de l’objet de l’action et complexifie le calcul du délai de prescription.

 

A propos des auteurs  

Alain Herrmann, avocat associé. Il intervient en droit social, en matière de restructurations nationales et internationales (notamment franco-allemandes), plans de sauvegarde de l’emploi, négociations collective d’entreprise, gestion de la mobilité nationale et internationale des salariés et contentieux sécurité sociale.

Lydia Hamoudi, avocat

 

Article paru dans Les Echos Business du 25 septembre 2013

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